En dehors des cercles des professionnels, personne au Niger et au Sahel ne s’inquiète réellement du sort réservé aux manuscrits anciens dans les zones en conflits. Ces documents qui renferment des connaissances locales, le plus souvent écrits dans la langue des autochtones grâce à l’utilisation de l’alphabet arabe, font périodiquement face à la fureur des groupes terroristes et a un pillage par des individus sans foi ni loi, le plus souvent armés d’armes de guerre. La région de Tillabéri n’échappe malheureusement pas à ces prédateurs. Pour sauvegarder les manuscrits de la région, l’association Bunkassa Beyrey, membre de la société civile spécialisée dans ce secteur, a opté pour le renforcement des capacités des professionnels locaux en les outillant à réagir pendant les situations d’urgence.
Il y a 2 mois, le 7 mai 2022, les oulémas détenteurs des manuscrits anciens des départements de Filingué, de Téra et de Ouallam, se sont discrètement réunis dans la salle des conférences de l’Institut de Recherche en Sciences Humaines (IRSH) de l’Université Abdou Moumouni de Niamey dans le cadre des activités du projet « Niger : préservation des manuscrits de la région de Tillabéri ». Durant cette journée courte mais fructueuse, les oulémas et leurs
formateurs de l’association Bunkassa Beyrey ont abordé les thèmes de la conservation et la sécurité des manuscrits, la prévention, ainsi que la réponse aux catastrophes dans les collections de manuscrits et l’évacuation d’urgence en cas de catastrophes imminentes.
Pour la première fois le public découvre
Ces hommes de culture déploient quotidiennement des efforts, au risque souvent de leurs vies pour sécuriser ce patrimoine. D’où l’objectif de la rencontre qui est de « sensibiliser et renforcer les capacités des responsables des bibliothèques des manuscrits arabes de la région de Tillabéri, de même que les détenteurs des manuscrits sur les enjeux liés aux manuscrits arabe et ajami, ainsi que sur la problématique de leur conservation et sécurisation.
Dans une communication, les organisateurs ont indiqué avoir abordé la situation sécuritaire de la région de Tillabéri qui affecte les personnes et leurs biens. Aussi, il y a eu une formation des responsables des bibliothèques de manuscrits sur les risques qu’encourent ces documents. Les formateurs ont aussi rappelé « le caractère patrimonial des manuscrits en langue arabe pour la rédaction de l’histoire et pour toute étude socioculturelle objective » car, ont-ils poursuivi, les sources manuscrites « constituent la mémoire des sociétés et une partie importante du patrimoine de l’Humanité ».
En plus de leur valeur scientifique, les manuscrits en langues locales ont une valeur culturelle et linguistique indéniable pour les communautés. « Les manuscrits anciens du Niger contribuent à la réappropriation d’une mémoire documentaire historique et multiculturelle que les communautés, les ONG et les bailleurs s’engagent à préserver pour les générations actuelles et futures », renseigne un des formateurs. A la fin de la journée, les participants ont visité l’espace d’exposition et ont écouté la lecture de quelques manuscrits que certains d’entre eux ont amenés.
Souleymane Yahaya(onep)