Il est l’un des lauréats le plus jeune du prix dont les résultats ont été dévoilés le 12 septembre dernier. Mohamed Shérif Ibrahim Ousmane a eu le 2ème prix de la première édition du concours d’écriture. « plûmes utiles ». Né le 9 novembre 2005 dans un camp militaire à Madawella (Agadez), il vient d’avoir son BEPC au Collège Tayamana de Niamey. Nous avions voulu en savoir plus sur ce très jeune écrivain qui veut vivre de sa passion au sein d’une jeunesse oisive et en déperdition scolaire. Son amour pour l’écriture vient de la lecture des livres qu’il lisait depuis sa tendre enfance. La passion pour la lecture ne le quitte point. Il lit et relit des classiques de la littérature africaine comme Boubou Hama, Camara Laye, Léopold Sedar Senghor, Sembene Ousmane, Nazi Boni…
C’est tout petit déjà qu’il a pris plaisir à lire et à connaitre le sens de certains mots. En lisant, Mohamed Cherif avait toujours à ses côtés un dictionnaire qui lui permet de comprendre les mots dont il ignore le sens. Sur des bouts de papier, il écrivait méticuleusement des petites histoires de quelques phrases, des nouvelles qu’il imaginait. Et sur les conseils avisés de ses encadreurs et de ses parents, shérif décida de se porter candidat au concours de la première édition du concours littéraire ‘’ plûmes utiles’’ avec pour thème « le Niger que nous voulons » à l’Université Swiss Umef de Niamey. Le jury était enthousiaste par son livre et lui attribua la place de deuxième prix. Dans cette nouvelle qui émerveilla plus d’un, il raconta la vie à l’école, dénonçant des inégalités sociales qu’il y’a entre les enfants des riches et ceux des pauvres, avec comme titre ‘’misère héréditaire’’. ‘’ J’ai évoqué avec force les détails d’un aspect lié à l’injustice qui sévit dans certains établissements scolaires ; des parents qui corrompent des enseignants pour qu’ils gonflent les notes de leurs enfants. Et nous qui sommes issus des parents pauvres nous souffrons pour étudier, nous n’avons pas les places que nous méritons. Elève au CSP Tayamana, j’avais concouru avec des étudiants et j’ai eu le deuxième prix. Avec ce prix, j’ai bénéficié de bourses de formation qui vont beaucoup me forger. Des bourses de formation et des stages de perfectionnement en leadership, en art oratoire, en écrit professionnel et une participation à un atelier d’écriture avec la maison d’édition ‘’Plûmes au Service de la Société’’
« Le fait d’être déjà lauréat à mon jeune âge me permet de rêver grand et de m’intéresser véritablement à ce métier d’écrivain qui, au Niger peine à se développer. Bien qu’il est difficile d’en vivre, juste je me dis qu’il ne faut rien forcer et tout vient au moment opportun à qui sait attendre » dit-il avec assurance.
Mon inspiration vient de ma maman
Tout se trouve dans la lecture. Au primaire déjà, il s’exprimait bien en français. Est-ce parce qu’il a fréquenté des écoles de référence ou bien la rigueur est le fil conducteur. Il prend tout son temps à fouiller les bibliothèques bien fournies. La lecture était devenue son sport favori. « Je lisais tout ce qui me tombait sous la main. Je ne peux citer le nombre d’ouvrages d’écrivains africains que j’ai eu à lire. Mais ce qui m’a véritablement poussé surtout à écrire, c’est en 2018, à l’époque, je faisais la classe de 5ème, et ma maman étant passionnée elle-même de la lecture, avait un journal intime, dans lequel elle a commencé à raconter une histoire qu’elle a intitulée ‘’ traversée noire du désert’’. L’histoire est d’autant plus réelle parce que mon papa étant militaire, nous avions été affectés à Dirkou (Agadez). Ils se sont perdus en plein désert. Et ma maman voulait parler de cette terrible randonnée, qu’elle n’a pas pu terminer par manque de temps. J’ai promis que je serai écrivain rien que pour achever cette histoire qui lui tient tant à cœur » se rappelle-t-il.
Parlant de son ouvrage qui peine à être édité ‘’l’écume des flammes’’ c’est une histoire réelle. J’ai juste changé les noms avec l’accord du principal auteur, qui est un ami à moi. Il était très brillant à l’époque, mais il n’a pas pu terminer ses études par négligence. Au collège, il était beau, fils à papa et faisait l’objet de convoitises. A l’école, toutes les filles l’aimaient et elles n’hésitent pas à lui déclarer leur amour. Je l’ai nommé Faade et sa petite amie Fadila. Ils étaient presque tout le temps ensemble, un amour idyllique qu’on ne voit que dans les films, alors que la réalité est toute autre dans notre pays. Lorsque les responsables de l’établissement l’ont su, ils ont convoqué les parents de ces derniers. Malgré les mises en garde de l’école exprimées d’avertissement en avertissement, les deux amoureux ont fait la sourde oreille et continuent leur comportement indécent. Finalement, les responsables ont fini par les renvoyer et comme un malheur n’arrive jamais seul, mon ami a perdu son papa qui lui payait les frais de scolarité. Par négligence et par ignorance, mon ami se retrouva au chômage. Cet ouvrage, c’est pour interpeller mes jeunes frères et sœurs à étudier et à donner le meilleur d’eux-mêmes. Il y’a un temps pour tout dans la vie. L’amour scolaire, il faut l’éviter au maximum parce qu’il a des répercussions négatives sur les performances scolaires. Et c’est l’une des raisons qui nous ferment les portes de la réussite. Alors qu’il n’est un secret pour personne que le futur d’un pays dépend de cette jeunesse. En nombre, la jeunesse nigérienne est importante, et pour cela les choses doivent bouger, il faut juste qu’on travaille au lieu de rester passif autour d’un bol de thé et dans des fadas à longueur de journée. Il faut que notre combat soit utile, lutter contre le chômage, la délinquance juvénile et la déperdition scolaire
Editer un livre, un casse-tête
pour les jeunes écrivains
Les obstacles selon Mohamed Shérif, on en rencontre presque chaque jour. Rien n’est facile dans la vie. Il faut d’abord connaitre les réalités du terrain, le cercle littéraire, avoir des gens qui sont dans le domaine pour te tirer vers le haut et à produire quelque chose d’utile. Le système n’est pas aussi facile qu’on le pense, tout le problème réside dans l’Edition. Il faut éditer le livre à un coût souvent exorbitant. D’après lui, se faire éditer dans nos pays est un véritable parcours de combattant. « Le coût élevé qu’il faut débourser est un obstacle majeur pour nous autres. Ecrire pour moi, est une passion, ce n’est pas si difficile d’écrire mais vraiment éditer l’est » dit-il avec insistance avant de préciser « qu’ils sont nombreux ceux qui gardent jalousement les manuscrits dans des armoires, espérant qu’un jour, ils pourront les éditer ». Depuis des mois, pour ne pas dire des années, il a parcouru plusieurs maisons d’Edition et les prix affichés sont nettement élevés par rapport à ses moyens financiers. « Souvent, il faut avoir des dizaines de milliers pour ne pas dire des millions de FCFA pour publier un livre en Afrique et malheureusement au Niger nous ne sommes pas épargnés. La maison d’édition ‘’Plume au Service de la Société’’ (PSS) a été là pour nous, nous les jeunes écrivains. Elle a beaucoup fait pour moi, l’infographie, la maquette, ils ont pris tout cela en charge, ils sont là pour aider les jeunes. Il y’en a d’autres maisons, toutes n’offrent pas cette possibilité aux jeunes. Nous voulons et pouvons écrire, mais quand on parle d’édition c’est là où les problèmes commencent. Rien n’est facile dans la vie, il nous faut des fonds pour faire pleine de choses pour notre pays. Je compte m’investir dans l’écriture et faire sortir le nom du Niger. J’ai eu à travailler dur, à lire, à comprendre certaines choses pour un jour gagner à la sueur de mon front et avec l’aide de Dieu et du soutien de mes parents qui ne m’a jamais fait défaut, j’y parviendrai ». Pour faire avancer un pays, a-t-il expliqué, il faut juste croire à la jeunesse, à cette jeunesse qui regorge du potentiel mais qui est mal exploité. Pour améliorer la visibilité de nos ouvrages, nos maisons d’Edition doivent cesser l’impression surfacturée pour inciter plus les jeunes à créer et pour assurer l’indépendance des auteurs dans notre pays et dans la sous-région.
La littérature nigérienne
est riche et variée
La littérature nigérienne se porte bien, foi du jeune écrivain nigérien. Il faut juste croire aux jeunes talents. ‘’Nous sommes jeunes et nous avons le devoir de continuer le combat entamé par nos braves et courageux papas et ainés et qui se sont illustrés dans le domaine à l’exemple de Boubou Hama, Abdoulaye Mamani, Adamou Idé, Idé Oumarou, Amadou Ousmane, André Salifou …, la liste est longue. Mon écrivain modèle, ma référence c’est le grand écrivain historien Boubou Hama auquel je rends un vibrant hommage, j’aime bien et j’admire beaucoup sa plume. Je ne cesse de lire et relire ses ouvrages.
« Un message qui me tient à cœur, c’est à l’endroit de mes frères et sœurs. Nous sommes le socle du développement, nous constituons le présent et l’avenir de notre pays, rien ne peut se faire sans nous. Laissons certaines pratiques malsaines, arrêtons la consommation abusive des stupéfiants, soyons disciplinés, développons le civisme, aimons la patrie. Nous devons travailler jour et nuit pour bâtir ce pays qui nous a tout donné, essayons juste de bien nous former à l’école, soyons sincères et courageux. Travaillons pour le bonheur de nos parents, pour le bonheur de notre pays. conclut- il avec espoir.
Par Aïssa Abdoulaye Alfary(onep)