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Depuis le 1er février 2025, date marquant le lancement de la 14ème édition de la foire des maraîchers de la région d’Agadez, la population de la ville de Niamey a, à sa portée et à des prix défiant toute concurrence, divers produits frais et agrumes. D’habitude présents chaque année à la Place Toumo, cette année, c’est au sein de l’arène de lutte de Niamey que ces producteurs se sont installés, un cadre plus confortable pour les exposants et les clients. Avec une importante quantité de pomme de terre, d’orange, d’oignon, d’épices ou d’ail, quelques jours après le lancement de la foire, l’espace s’est métamorphosé en un véritable marché avec l’afflux massif des clients, notamment les femmes dont la plupart accourent pour se ravitailler en prélude au mois de ramadan qui s’annonce à grand pas. Les produits les plus sollicités sont l’oignon, l’ail et la pomme de terre avec des prix qui défient toute concurrence, obligeant ainsi les commerçants de la ville de Niamey à s’aligner, à quelques francs près sur le prix des maraîchers.
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Cette année, la particularité de la 14ᵉ édition réside dans une céréale non cultivée au Niger, mais que les producteurs de la région d’Agadez ont pu produire dans l’espoir de la mettre à la disposition des populations et d’en déterminer sa solvabilité. Le blé, c’est de ça qu’il est question avec la mise en vente de deux tonnes lors de cette foire. Cette céréale pas très connue de la plupart des Nigériens surtout pour les différentes transformations qui en sont faites. D’où l’étonnement du président du comité d’organisation de la foire M. Hamidi Yahaya.
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Cette année, la région d’Agadez a enregistré une production de plus de 4000 tonnes de tomate. L’autre innovation de la foire, c’est la mise à la disposition des consommateurs de la capitale de la tomate séchée. Un fruit produit en grande quantité dans la région d’Agadez, malgré son climat aride. Selon le président du comité d’organisation, cette méthode de séchage de la tomate est un procédé abandonné par les producteurs, à cause de l’arrivée de la tomate concentrée sur les marchés. Toutefois, bien que produite en quantité, la question de sa transformation et de sa conservation pose problème. La conséquence, chaque année, c’est une énorme quantité de produit qui pourrit, car, à ce jour, le Niger ne dispose d’aucune unité industrielle capable de valoriser le labeur des producteurs. Toutefois, dans ses explications, M. Hamidi Yahaya a indiqué qu’actuellement une évaluation est en cours pour déterminer dans quelle mesure cette tomate pourrait être transformée à travers les groupements féminins qui seront bientôt équipés.
Principale source d’écoulement de leur production, la foire des maraîchers de la région d’Agadez a connu des améliorations et des adhérants au fil des éditions. Ainsi, à la 1ère édition, elle ne comptait que 16 participants venus avec un camion avec à son bord 35 tonnes de pomme de terre et une tonne d’orange. Tandis qu’aujourd’hui, elle enregistre plus de deux cent cinquante participants et plusieurs centaines de tonnes de produits.
Un modèle à reproduire au plan National
Selon le président du Comité d’Organisation, cette foire doit être étendue aux autres régions du Niger pour faire profiter, à l’ensemble des Nigériens, ces produits made in Niger, mais aussi de leur prouver que le nigérien est capable de se nourrir par l’agriculture. Pour lui, les autres régions doivent emboîter les pas à la région d’Agadez pour qu’il y ait à l’avenir une foire nationale. Pour que chacune des huit régions se spécialise dans une production afin de venir exposer sa particularité, car toute nation ne disposant pas de sa souveraineté alimentaire a de sérieux défis. En 2020, se remémore le président, la foire avait été testée dans les régions de Maradi, Zinder, Tahoua et Dosso, mais elle n’a pas été concluante. Par exemple à Maradi, concernant le citron, ils nous disent qu’ils préfèrent se ravitailler au Nigeria. «Actuellement, avec la fermeture des frontières, les Nigériens doivent revenir à nos productions locales. Nous sommes capables de produire tous ces produits», dit-il.
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M. Hamidi Yahaya sollicite l’appui des autorités pour que les jeunes participants soient encouragés afin qu’ils s’adonnent davantage à l’agriculture. En effet, dans la conception des consommateurs nigériens, la foire est une occasion de se procurer des articles ou des produits à vil prix. Une fois sur place et face à la désillusion, cet état de fait les pousse à scander dans la ville que les produits sont chers ou se vendent au même prix que dans les marchés. «Les gens de Niamey doivent comprendre et également arrêter de dire cela, parce que les commerçants des marchés ont diminué les prix grâce à notre arrivée. Les grossistes viennent se ravitailler chez nous, parce qu’avant notre arrivée, nous avons eu vent que le kilo de la pomme de terre se vendait à un peu moins de mille francs. Donc, nous avons diminué les prix à notre arrivée pour que les commerçants fassent de même afin d’aider la population. Nous appelons les populations de Niamey à se manifester pour apporter leur soutien aux producteurs. Par exemple, le kilo de la pomme de terre se vend à cinq cents francs, mais ici à la foire le client est libre de discuter du prix des produits pour avoir des réductions», explique le président du comité d’organisation de la foire.
Une activité avec son lot de difficultés
Les maraîchers de la foire d’Agadez font face à des difficultés dans l’organisation de ce rendez-vous et de leurs activités de production dans les champs. La plus récurrente difficulté est le transport des marchandises vers la ville de Niamey qui leur prend près d’une semaine de route, ce qui souvent engendre la perte de plusieurs tonnes de produit chaque année. Une situation provoquée par le mauvais état des routes. Mais, selon M. Hamidi Yahaya, cette année le groupe SOS a mis à leur disposition des camions pour acheminer les produits à Niamey en trois jours.
Dans la région d’Agadez, nous avons grandement donné de la valeur à l’agriculture. Le Nigérien est un grand consommateur qui se procure des pâtes alimentaires de l’Algérie et le maïs du Bénin, malgré l’énorme potentialité du pays comme la terre, l’eau et les bras valides. Dans cette région particulière du Niger, le groupe SOS est en train de mener une étude pour mettre en place une unité industrielle afin de transformer les céréales qui seront produites par les producteurs, notamment le blé, le maïs et la pomme de terre. Pour ce faire, le président de la foire préside un comité chargé de recenser tous les producteurs de la région pour qu’ensemble ils puissent lancer une production à grande échelle du blé, du maïs et de la pomme de terre. En ce qui concerne l’utilisation des intrants agricoles comme les engrais, les producteurs de cette région en usent moins, car pour ces derniers, la modernité est certes une bonne chose, mais à trop en abuser les produits perdent de leur saveur et cela provoque des effets nuisibles à plusieurs niveaux. D’abord, les sols peuvent en pâtir et les aliments pourrissent plus rapidement. Notre mode de production permet ainsi de conserver notre pomme de terre jusqu’à un mois sans qu’elle se détériore, dit-il.
Hamissou Yahaya (ONEP)
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Une diversité de produits à la disposition de la population de Niamey
Chaque année, les maraîchers de la capitale de l’Air contribuent à promouvoir les produits maraîchers de la région d’Agadez. Malgré la particularité de cette région désertique, ils parviennent à réaliser de véritables merveilles en matière de production de fruits et de tubercules. Au cours de cette foire, on peut trouver des mandarines, des oranges, des pamplemousses, des grenadines, de la papaye, de la pomme de terre, et bien d’autres produits. La culture de la pomme de terre à Agadez se pratique dans un espace spécifiquement aménagé, qui ne reçoit pas beaucoup de lumière et offre un ombrage pour favoriser la croissance. Le processus débute par l’achat de graines, suivi de la préparation du sol avant la plantation. Même si cette plante est capable de s’adapter à divers sols, elle a une préférence pour les sols légers et moderement acides. D’après M. Amadou, un maraîcher présent à la foire, les semences de pomme de terre leurs proviennent d’Algérie. De plus, la conservation de cette culture à Agadez est réalisée de manière traditionnelle, car les maraîchers manquent d’installations de réfrigération. « Afin de les conserver, nous creusons un trou dans le jardin, retirons le sable, puis plaçons la pomme de terre à l’intérieur. Il est nécessaire que l’emplacement soit propre pour que la conservation puisse durer entre un et deux mois sans altération. En revanche, si la pomme de terre est laissée au soleil ou dans un sac, elle pourrit rapidement. Dans un environnement frais, elle peut tout de même être gardée pendant plusieurs mois », a-t-il expliqué.
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En dépit du déficit d’eau auquel font face les maraîchers, ceux-ci réalisent un travail remarquable. Les difficultés rencontrées dans la culture, notamment le manque d’eau dans les puits, les obligent parfois à se procurer des motopompes, dont le carburant nécessite beaucoup de moyens. Il arrive qu’après tous ces efforts, le coût de l’essence soit tel qu’ils n’arrivent même pas à rentabiliser leur travail. Amadou, vendeur d’agrumes, a expliqué que la culture de la pomme de terre se fait d’octobre à l’hiver, ainsi qu’à des périodes de chaleur comme en mars et avril, mais cette dernière option comporte des risques, car la qualité de la pomme de terre peut en pâtir.
Pour récolter des oranges, il faut compter un an d’attente avant que les fruits apparaissent, car c’est en mars que les fleurs commencent à se former. « Nous faisons notre culture dans des oasis situées dans des zones rocheuses, qui ne sont pas planes. Il est donc nécessaire de creuser un puits pour obtenir de l’eau, puisque, pour le moment, il n’y a pas assez d’eau. Lors de la saison des pluies, comme c’est le cas cette année avec peu de pluviosité, nous avons rencontré de grandes difficultés. D’habitude, je récolte près d’une tonne de fruits, mais cette année a été marquée par une récolte bien plus faible », a souligné Amadou avant d’expliquer que les oranges doivent être conservées sur l’arbre, car il n’y a pas de possibilité de stockage après la cueillette, étant donné l’absence de chambre froide.
Traditionnellement, les maraîchers ne se présentaient qu’avec des fruits et des pommes de terre. Toutefois, cette année, en réponse à la demande de la population de Niamey pour développer la culture des fruits sur place, ils ont décidé d’ajouter des plans d’arbres fruitiers. Les prix des produits sont flexibles : par exemple, le kg de l’orange à 1 000 FCFA, négociable.
Un autre vendeur, répondant au nom d’Aminou Ousmane, a mentionné que les maraîchers de la région d’Agadez se plaignent de certaines difficultés, notamment l’absence d’un espace de vente dédié. Ils souhaitent un lieu pour présenter leurs produits en dehors des foires. « Plusieurs personnes aimeraient se lancer dans l’agriculture pour mieux vendre, mais la crainte de manquer d’espace de vente les freine. Lorsque les produits commencent à se détériorer, nous les envoyons à nos contacts à Katako pour les écouler », dit-il.
Fatiyatou Inoussa (ONEP)
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Dans la bonne ambiance entre producteurs et clients
Venus dans le seul but de contribuer à la mise en valeur de nos produits locaux, ces revendeurs, à travers leurs expositions à l’arène de lutte de Niamey, mettent à la disposition de la population, une multitude de produits. Mahamadou Ousmane, un habitué de cette foire des maraîchers depuis plusieurs années, vend de l’ail, des oignons et des feuilles de corète. « C’est une occasion pour nous de faire découvrir les produits d’Agadez, qui sont d’ailleurs très appréciés par la population de Niamey », a-t-il notifié.
Mais, cette année, selon le revendeur, le phénomène des inondations a fait en sorte que le prix de certains produits soit exorbitant sur le marché. Il s’agit notamment de l’oignon et de l’ail. Selon lui, l’oignon d’Agadez n’est pas encore disponible. « Le temps qu’on puisse nous livrer pour Agadez, nous avons acheté celui de Galmi vendu au marché de katako. Le sac de 50kg est vendu à 27.000 FCFA. Le petit seau à 1.750FCFA et le grand à 2250FCFA. Quant à l’ail, nous avons celui d’Agadez et de la Libye. Nous vendons la tasse à 8.000 FCFA et des fois à 7.500 FCFA », a-t-il énuméré. Quant au sac des feuilles de corète d’Agadez, il est vendu à 15.000 FCFA, soit 800 FCFA la tasse.
Pour Aminou Massaoudou, un autre participant à la foire, le goût des épices et des feuilles de tisane est unique et constitue une part essentielle de l’identité régionale. « Nous avons les épices utilisées pour les sauces et les épices pour les bouillies. Elles sont vendues à partir de 500 FCFA », a-t-il indiqué. Les feuilles de tisane sont très efficaces contre les hémorroïdes, les infections et plusieurs autres maladies.
En effet, à cette foire, la clientèle ne se fait pas désirer, avec une grande affluence de tous les horizons de la ville de Niamey. C’est le cas de Mme Ismaël Hannatou, une commerçante venue s’approvisionner en produits locaux. « Je suis venue acheter les feuilles de corète que j’arrange une fois à la maison pour les mettre dans des récipients et les revendre: la boite à 2000 FCFA et les petits sachets à partir de 500 FCFA. Leurs produits ont du goût, c’est pourquoi je les préfère et même après la foire, je commande mes produits d’Agadez » a-t-elle révélé.
Négociant le prix de l’oignon, une cliente préférant garder l’anonymat nous murmure à l’oreille que les produits de la foire sont moins chers que ceux vendus dans la ville de Niamey. « Rien qu’hier, au marché, quelqu’un m’a vendu le petit seau d’oignon à 2.500 FCFA et aujourd’hui, je viens à cette foire, on me dit que le grand sceau est à 2.250 FCFA, pourtant c’est le même oignon », s’indigne-t-elle.
Par ailleurs, le défi de la conservation et la transformation de l’oignon n’est toujours pas relevé aussi bien par les pouvoirs publics que par les entreprises privées. Il faut que des usines de conservation et de transformation de ces produits maraîchers soient créées afin de mettre les producteurs en confiance.
Salima H. Mounkaila (ONEP)