Le Palais des Congrès de Niamey a accueilli, du 13 au 15 août , la 1ère édition du Camp Laitier du Niger. Cet évènement vise à promouvoir la transformation, la commercialisation et la consommation du lait naturel local mais aussi à encourager la consommation d’aliments saints. C’est le ministre de l’Elevage, porte-parole du gouvernement, M. Tidjani Idrissa Abdoulakadri et celui du Commerce, de l’Industrie et de l’Entreprenariat des Jeunes, M. Gado Sabo Moctar, qui ont présidé la cérémonie de lancement de l’activité, organisée par la coopérative ‘‘Wouro fulbé’’; l’entreprise ‘‘La Crémière du Sahel’’ et leurs partenaires.
Des conférences-débats, des projections de documentaires, des dégustations des produits laitiers, des dons et distributions de divers produits à base du lait local aux orphelinats et des animations culturelles étaient au menu des festivités de la 1ère édition du Camp Laitier. De nombreux acteurs de la transformation du lait local, majoritairement des femmes ont dressé leurs stands, exposant ainsi divers produits et dérivés de leurs productions. Parmi elles, certaines ont bien voulu témoigner mais aussi partager leurs expériences.
Madame Abdoukarim Maïmouna Sounaye, titulaire d’un Master Management est une des organisatrices de l’évènement et Directrice de ‘‘La Crémière du Sahel’’, indique que cette initiative a aussi pour objectif de contribuer à promouvoir la chaine de valeur lait au Niger. «L’avez-vous remarqué ? Les produits laitiers consommés, globalement, proviennent en grande partie de la poudre de lait importé depuis l’Europe ou d’ailleurs. Il s’agit surtout du lait en poudre, d’autres produits chimiques ressemblant au lait naturel. Nous ne savons pas aussi comment ces produits importés sont fabriqués, transportés et leurs impacts sur la santé», s’insurge Maïmouna. Selon elle, ces produits non contrôlés et non fiables inondent les marchés et les ménages nigériens, tout en concurrençant nos produits locaux. «Certes, ils sont moins chers mais non seulement, ils sont subventionnés par leurs Etats, sont de qualité douteuse, ils ne sont pas naturels mais on ignore aussi leur impact sur la santé de nos populations. Surtout qu’il n’y a aucune étude qui a été faite sur cet aspect», se plaint-elle.
C’est donc pour toutes ces raisons, indique-t-elle, qu’avec la coopérative ‘‘Wouro fulbé’’ et en collaboration avec leurs multiples partenaires, elles ont décidé d’initier ce Camp Laitier. «Il faut qu’on amène les Nigériens à consommer Nigérien. Cela va créer de l’emploi, booster la production laitière nationale, avoir une meilleure santé et permettre aux nombreuses femmes de s’autonomiser et enfin améliorer notre économie nationale», explique Abdoukarim Maïmouna Sounaye. De plus, Maïmouna veut s’orienter aussi vers une valorisation du ‘‘petit lait’’, partie liquide résiduelle de la coagulation du lait. Lors de la fabrication du Tchoukou, pour 10 litres de lait, il peut rester 4 à 5 litres de petit lait qui n’est pas valorisé. Elle s’est orientée vers la préparation d’une boisson à base de petit lait plus du gingembre et de la menthe. «Mes produits sont en cours d’étude avec des chercheurs», nous apprend-elle. Elle dit s’approvisionner en lait auprès du Centre de collecte de ce produit à Kollo et Hamadallaye, en raison de 400 FCFA le litre de lait de vache et aussi auprès des éleveurs aux alentours de son quartier 6 jours par semaine, au prix de 500 FCFA le litre.
Forte disponibilité des produits, mais les consommateurs manquent à l’appel
Assise devant une table garnie de divers produits laitiers, Salamou Abdou, qui dirige la société ‘‘Ollel’’, désignant en Fulfudé une race de vache très rare, à l’air inquiète. «Les visiteurs se font rares au niveau des stands. Nous sommes là depuis deux jours mais nous n’avons même pas vendus le tiers de ce que nous avons produit. Je suis vraiment triste et inquiète car, j’ai dû m’endetter pour produire toute cette gamme de produits laitiers. A chaque commande, je prends 100 litres de lait. Ce qui me coûte 40.000 FCFA au niveau du centre de collecte et 50.000 FCFA si j’achète auprès des éleveurs. Sans compter les frais de transport, la conservation et les autres frais», témoigne Salamou, le visage serré. Pourtant selon elle, les organisateurs les ont rassurés que les gens et même les autorités sont au courant car, il y a eu beaucoup de publicité autour de cet évènement. Des lettres d’invitation ont aussi été envoyées.
Elle dit ne pas comprendre la réticence des Nigériens à venir voir et acheter les produits locaux. «J’ai 4 enfants à ma charge et je me suis engagée dans ce travail pour pouvoir subvenir à leurs besoins et leurs permettre d’aller à l’école. Mais avec cette tendance, je crains fort de pouvoir continuer ce travail de transformation et de commercialisation du lait local. Pourtant ce lait est pur, naturel, saint et nutritif. En tout cas, il est mieux que le lait importé. Donc, je ne comprends vraiment pas pourquoi nos compatriotes rechignent à s’en procurer», s’interroge-t-elle.
Quant à la promotrice de l’entreprise ‘‘Silli’’, qui signifie en Fulfuldé le ferment lactique, Mme Bachir Aïssatou Salou, une habitante du quartier Saguia (5ème Arrondissement de Niamey), elle dit s’approvisionner en lait au centre de collecte de Saga Gourma. «Nous sommes obligés de nous y rendre très tôt car, les industriels viennent tout acheter. Ce qui nous pose un sérieux problème d’approvisionnement en matière première. En plus, il y a aussi le défi de la conservation. Le lait est un produit très sensible et facilement périssable. Bref, il y a beaucoup de défis autour de ce travail», estime Mme Salou. Malheureusement, selon elle, ces efforts ne sont pas récompensés. «Les gens ne voient pas les efforts et les sacrifices que nous consacrons pour promouvoir notre lait local. Les consommateurs n’ont vraiment pas répondu à nos attentes», ajoute-t-elle avant de lancer un cri de cœur aux autorités. «C’est seulement à l’ouverture officielle du Camp Laitier, que nous avons vu les autorités faire le tour de stands. Après plus rien. Ni elles, ni les autres fonctionnaires, encore moins les concitoyens ne sont venus nous visiter, payer ou même déguster gratuitement nos produits. C’est vraiment décourageant et décevant ! Nous lançons donc un vibrant appel à nos autorités pour que d’abord, elles montrent l’exemple, en s’intéressant à nos produits locaux et ensuite en nous aidant à faire leur promotion auprès de nos concitoyens. Et cela dans l’intérêt de tous», lance la productrice Aïssatou Salou.
Mahamadou Diallo(onep)