Monsieur le président, quelle est la situation de l’enrôlement biométrique et de l’affichage des fiches au niveau des différents centres ?
L’enrôlement et l’affichage sont en bonne voie. L’enrôlement est achevé ; l’affichage se poursuit, il est quasiment épuisé. Dans quelques jours, on aura récolté la totalité des réclamations issues de l’affichage dans les différentes zones du pays. Cet affichage, nos équipes prendront en compte le produit du nettoyage et nous pourrons disposer de ce que nous appelons une liste électorale finale. Cette liste électorale finale aura bien sûr besoin d’être réexaminée pour nous assurer que tout est en ordre avant sa publication. Sur ce point, permettez-moi de vous préciser que l’affichage est un exercice de recompte des informations qui se poursuit encore. Donc, il n’est pas achevé, les différentes commissions administratives ont amené leurs résultats qui sont en train d’être traités pour la deuxième zone. Il faut que l’ensemble des commissions administratives de l’ensemble du pays soient revues pour qu’on puisse conclure que le tableau dynamique de l’affichage est clôturé. Pour l’instant, nous sommes en train de passer en revue les dernières commissions administratives.
Des difficultés ont été évoquées pendant les opérations d’enrôlement, notamment l’impossibilité pour la CENI d’intégrer les Nigériens de la diaspora. Est-ce que cela n’entrave pas le bon déroulement de l’établissement de ce fichier biométrique ? Quelles sont les perspectives à ce niveau ?
Le fichier électoral contient l’ensemble des citoyens du pays ; ceux de l’intérieur et ceux de l’extérieur. La CENI est tout à fait consciente de cela. Pour préparer l’enrôlement de l’ensemble des nigériens, en même temps qu’elle préparait à l’intérieur des éléments de la bonne réalisation de l’enrôlement, en même temps, elle poursuivait avec l’extérieur les éléments de préparation. Par exemple, la CENI a déjà rencontré depuis plus d’un an les diplomates à l’auditorium Sani Bako pour leur notifier l’intention du Niger d’aller vers leurs pays enrôler les Nigériens de chez eux. Ils ont donné leur accord et ont promis de coopérer. La CENI a dans le même cadre effectué une mission de sensibilisation, d’évaluation et de discussion avec les chancelleries au niveau de 22 ou 23 pays afin de mieux préparer ces pays là. Les centres d’enrôlement de ces pays ont été arrêtés, l’estimation connue des dernières statistiques d’enrôlement et de participation aux différents scrutins ont été rendus disponibles et toutes les populations à l’extérieur ainsi que les diplomates ont été sensibilisés sur la venue prochaine des missions d’enrôlement. Des lettres de la CENI avaient été écrites aux différentes chancelleries pour leur annoncer les missions. Le nombre de villes, de villages, et de pays retenus dans le cadre de cet enrôlement a été déterminé par la CENI en relation avec les associations des Nigériens à l’extérieur mais aussi avec les Ambassades et Consulats. Finalement, ce sont quinze pays de résidence des nigériens qui avaient été retenus. Le départ de l’enrôlement a été fixé pour le 20 avril 2020. C’est au mois de mars, plus exactement le 15 mars, que la COVID a été signalée et que les pays concernés par la pandémie ont pris des mesures de fermeture des frontières terrestres et aériennes ; ils ont pris des mesures de confinement des populations et dans la foulée le Niger aussi a lui-même fermé ses frontières aériennes et terrestres et a suspendu les missions officielles à l’étranger. C’est dans ce contexte que ces événements nous ont surpris. Personne n’a vu venir la COVID 19 et elle nous est tombée dessus. En raison des interdictions au départ et des interdictions à l’arrivée, qu’est-ce que la CENI peut faire pour enrôler les populations qui sont dans des villes sur lesquelles ni elles ni le Niger n’a aucune souveraineté. On parle des Nigériens à l’extérieur. La souveraineté du Niger s’arrête à ses frontières. La souveraineté de la CENI s’arrête aux frontières de la CENI. Et les pays extérieurs, même si on spécule sur le fait que les installations en droit international (les Ambassades, les Consulats) constituent une espèce de prolongement naturel des frontières du pays, il faut encore que le pays hôte soit ouvert pour qu’on accède aux bâtiments de ces ambassades. Jusqu’à aujourd’hui, on ne sait pas si on est à la fin de la pandémie ou pas ; est-ce que les pays où l’enrôlement va être fait ont levé les frontières et les barrières ? Non, je ne pense pas que les quinze pays retenus aient autorisé la venue des missions. Alors, il faut être sérieux et réaliste. Moi, je veux bien que l’on fasse de l’engouement derrière l’exercice des droits. Mais il faut être réaliste, les frontières des pays sont fermées et la CENI ne peut pas y aller. Du point de vue pratique, à supposer que les frontières s’ouvrent aujourd’hui, ce n’est pas d’une révision électorale qu’il s’agit comme certains font allusion. Il s’agit d’une première liste biométrique. Il faut donc retrouver tous les citoyens les uns après les autres, les enrôler comme vous êtes en face de moi, pour que la liste soit valide. Mais cette liste, il faudrait qu’elle soit faite à partir de l’extérieur et qu’elle soit jointe à la liste nationale. Et nous sommes aujourd’hui à combien de jours du scrutin ? La liste au niveau interne est en train d’être bouclée pour fin août début septembre. Comment nous allons faire pour préparer les équipes, obtenir là où c’est nécessaire les visas, après l’obtention des visas, y déployer kits et personnel, puisque c’est du personnel formé du Niger qui va y aller, ensuite procéder à l’enrôlement de ces citoyens pendant quinze jours, ensuite ramener les données de l’enrôlement à Niamey, traiter ces données, arbitrer et corriger toutes les fautes, retourner pour la correction de ces fichiers là où les données ont été recueillies, afficher pendant quinze jours, ramener, traiter et verser tout cela dans la liste nationale avant d’obtenir le fichier biométrique final. Il y a des difficultés juridiques sur la décision des pays de fermer leurs frontières pour des raisons sanitaires. Il y a des difficultés pratiques ; les frontières étant fermées, aucun appareil ne peut rentrer, aucune personne ne peut rentrer. Et les chancelleries n’ont pas de mandat pour procéder à cet enrôlement. A supposer qu’elles l’avaient, je connais suffisamment l’esprit de nos concitoyens qui vont dire que ce sont les Ambassadeurs du PNDS qui enrôlent pour le PNDS dans la perspective de ces élections. Donc, il n’est pas mathématiquement possible de concilier la consolidation des données de l’extérieur qui ne sont pas encore prises et celles de l’intérieur qui sont quasiment bouclées. La meilleure façon de rater les élections
principales, les élections constitutionnelles, c’est de dire on a la liste de l’intérieur, on la dépose, et on attend la liste de l’extérieur. Si à la fin, on enregistre plusieurs jours de retard sur le chronogramme, toutes les élections sont mélangées. Je ne souhaite pas que nous soyons dans une telle posture. Et la CENI sachant que, par devers le monde, ici et ailleurs, les élections dites partielles peuvent être organisées. C’est prévu par la loi. C’est prévu partout et dans tous les pays du monde que les élections partielles puissent être organisées. Alors, on organise les élections pour ceux pour qui la liste est prête. Ceux pour qui la liste n’est pas prête attendront la fin de l’événement de force majeure pour établir la liste électorale et vaquer tranquillement à l’enrôlement de ces citoyens avant le vote qui est de toute façon prévu et qui aura lieu. Il ne s’agit pas d’une renonciation définitive ni au vote ni à l’enrôlement des nigériens de l’extérieur ni au vote des députés de la diaspora qui sont cinq. Donc, c’est un faux procès qu’on est en train de faire à la CENI en disant qu’elle refuse de faire voter. Faire voter est une chose, faire voter plus tard en raison de circonstance exceptionnelle ou de force majeure est une autre chose. En cela, la Cour Constitutionnelle a dit : « si le COVID se poursuit, vous ne pourriez pas joindre les listes extérieures aux listes intérieures.
Donc la liste nationale, en raison des circonstances qui la justifient, la légitiment suffisamment pour qu’on puisse organiser les élections à l’intérieur ». Les élections de l’intérieur, c’est quoi ? C’est l’élection du Président de la République ; c’est l’élection de l’ensemble des autres députés, c’est-à-dire la législature actuelle moins cinq députés. Qu’est-ce qui se passe dans ces cas là ? En pratique, dans les pays où l’élection a été rendue impossible, les députés et la classe politique, soit conviennent de prolonger les mandats des députés, soit on les laisse en rade jusqu’à ce que les nouvelles élections soient organisées et ils reviennent prendre leurs places au sein de l’hémicycle. Je rappelle que pour la même raison de COVID, des pays comme l’Ethiopie ont tout simplement remis à un an la totalité des élections qui vont intervenir. Le Niger n’a fait que repousser sous la réserve d’organiser les élections partielles. Franchement, la CENI fait de son mieux pour que la totalité des fils de ce pays puisse voter. Mais elle est réaliste. Elle ne va pas prendre d’assaut les différentes Républiques pour leur dire, je dois organiser des élections, mes citoyens doivent voter, je dois les recenser. En matière diplomatique et de relations internationales, le respect de la souveraineté des Etats est un B.ABA, un principe de base. Vous ne pouvez pas rentrer dans un pays comme vous rentreriez dans la rivière de la forêt. Même dans la rivière de la forêt, il faut faire attention.
Monsieur le Président, les premières élections vont se tenir dans moins de cinq mois conformément à votre chronogramme. Quel est le niveau de préparation de ces échéances électorales ?
Dans l’organisation des élections générales de 2020-2021, il n’y a pas de mystère particulier. Elles devaient être comme les autres. Le seul handicap, et la seule grosse difficulté émise, c’est le fichier électoral biométrique. C’est la première fois que la classe politique dans son ensemble s’entend pour réclamer un fichier électoral biométrique. La CENI, une fois installée, s’est mise à l’épreuve. On a vu tout ce qu’elle a fait pour arriver à ce niveau. Elle est à peu près à 7 millions et demi d’électeurs physiquement vus, enregistrés, avec toutes les données biométriques. Pour ce qui nous concerne, c’est cette grosse difficulté qu’il faut affranchir. Une fois qu’elle est affranchie, le délai de cinq mois qui reste, notre liste d’après nos prévisions serait disponible en début septembre. L’audit a été demandé. On va le faire. Evidemment, la durée de l’audit peut impacter le reste du calendrier, mais nous avons décidé de mettre les bouchées doubles nonobstant la demande de l’audit ; faire en sorte que l’audit soit fait, et que nous puissions continuer à organiser le reste du scrutin. La CENI est confiante. Nous avons déjà écrit à l’OIF qui est un des spécialistes de l’audit, nous avons écrit également pour élargir l’éventail des auditeurs, à l’Union Africaine et à la CEDEAO qui pourraient se joindre à l’OIF pour faire un audit irréprochable.
Avez –vous une idée du temps que cet audit pourrait prendre ?
On ne sait pas à priori la durée d’un tel audit. Mais quand on est habitué, on peut faire une estimation. Il s’agit d’un contrôle via l’informatique. La dernière fois, cela s’est passé en moins d’une semaine, cinq ou six jours. Cela peut prendre plus ou moins de temps, ça dépend de la célérité des acteurs et de leur volonté d’aller vite en tenant compte des exigences de notre calendrier. Mais je n’ai aucun doute que ce que nous avons fait par rapport à ce
fichier biométrique est un travail de professionnels. Il peut arriver dans toute science où on est à l’étape du premier exercice qu’il y ait des ratés ou des inconvénients, mais de mon point de vue ils doivent être mineurs. Pour cela, notre processus électoral se poursuivra dans les meilleures conditions possibles au-delà du fichier biométrique. Encore une fois, le fichier est le gros nœud gordien. Après le fichier, tout le reste, c’est de la pratique. Bien sûr, il faudra de l’argent, il faudra de la sécurité, et si la COVID ne s’en va pas, il faudra envisager des élections avec des mesures barrières pour ne pas faire des centres d’élections des centres de circulation de la maladie.
Face à une forte demande de certains acteurs politiques, notamment au niveau du Conseil National de Dialogue Politique (CNDP), vous avez retenu la date du 13 décembre 2020 pour les élections locales. Est-ce que techniquement la CENI pourrait tenir ces élections à deux semaines des présidentielles et législatives ?
Cette question est très pertinente, et nous nous la posons aussi. Très honnêtement, ces délais sont très courts. Ils sont très courts, mais ils ne sont pas trop courts. Nous avons décidé de nous donner les moyens, en parfaite connaissance de cause, d’organiser ces élections dans les délais écourtés que nous avons proposés aux partis politiques à la suite de leur demande. Puisque c’est le fruit d’une concession en faveur des partis politiques qui en avaient besoin, la CENI l’a faite. Mais elle sait aussi que ça va être difficile, mais pas impossible. La CENI va donc tenir compte de cela. Nous sommes à cinq mois de ces dates, nous espérons pouvoir y arriver en accélérant les procédures, en multipliant les moyens, en gardant la vigilance de tous les instants, pour organiser ces élections normalement.
Monsieur le président, la CENI est chargée de la bonne exécution des opérations électorales et de leur organisation matérielle. Une telle organisation implique des moyens humains et financiers. Est-ce que la CENI dispose de ces moyens pour mettre en œuvre son chronogramme?
Tous les moyens ! ce serait prétentieux de le dire. La CENI a aujourd’hui les moyens que peut lui offrir une première CENI permanente après avoir fait sa gestation à partir des ruines des CENI ad hoc. Il y a donc des personnes qui ont développé certaines compétences, mais qui ne sont pas des experts. La CENI telle qu’elle doit déployer le calendrier doit aussi assurer la formation du personnel, puisque tout cela doit s’exécuter dans un cadre professionnel. Ça va être laborieux de trouver les experts en même temps, de conduire l’agenda à bon port en même temps et de tenir compte de ce dialogue inachevé qui se poursuit dans ce pays, et qui fait qu’il y a toujours des contestations, alors que l’idéal aurait été que chacune des parties reprenne sa place tant au niveau de la société qu’au niveau de la CENI. Nous devons pouvoir y arriver.
Des acteurs politiques se demandent aussi si la CENI a réellement les moyens financiers pour mener à bien son chronogramme. Que leur répondez-vous ?
Je ne sais pas pourquoi on ne laisse pas à la CENI le soin de se plaindre des moyens financiers. Ceux la qui viennent dire que la CENI n’a pas les moyens, qu’ils laissent la CENI pleurer son sort. Pour l’instant, nous avons un programme que nous avons entretenu et réalisé de manière correcte et honnête. Nous avons un financement essentiellement de l’Etat du Niger qui suit son cours. Bon an, mal an, la CENI est en mesure, financièrement, d’assurer ces élections. Bien sûr, le moment venu, il faudra organiser environ 7 millions à 10 millions de bulletins de vote. C’est beaucoup d’argent. Il y a des bulletins uniques pour les élections présidentielles, pour les élections législatives, il y a la logistique de 27000 ou 28000 bureaux de vote à établir, il y a les déplacements des agents, les perdiems. C’est beaucoup d’argent, mais nous sommes à mesure de le faire. Bien sûr, nous n’avons pas toutes les compétences car la COVID ne nous a pas rendu service. Tout ce qui est expertise internationale nous a manqué. Tout ce qui est valeur ajoutée internationale nous a manqué, parce que la COVID a confiné à la fois certains diplomates et certains experts qui devraient être à nos côtés. Le recrutement n’a pas pu avoir lieu. Mais la CENI se bat bien, et elle est en train de résoudre tous ces problèmes. Je ne serais pas juste envers la communauté internationale si je vous fais croire qu’elle ne nous a rien fait. Le PNUD a été particulièrement efficace et présent de même que la coopération suisse et l’US AID. Nous avons parfaitement conscience que la situation aurait pu être meilleure sans la COVID. Cela fait partie des incongruités de ce que l’on peut appeler les dommages co-latéraux non directement induits. On ne voit pas ça. Mais le fait que les diplomates et autres fonctionnaires internationaux n’aient pas pu être aux côtés de la CENI dans les bons moments paralyse d’une certaine façon son action tant au plan financier, au plan technique, qu’au plan moral. Nous sommes tout à fait confiants et nous avons le devoir de rester confiants. C’est un devoir de réussir que nous avons ; et nous allons réussir.
Eu égard à l’environnement socio politique actuel, quelles sont les difficultés que la CENI rencontre dans l’exécution de ses missions ?
Très honnêtement, je vais vous dire que par rapport aux désaccords politiques, la CENI elle-même dans son fonctionnement est consciente que l’opposition n’est pas dans ses rangs à l’heure où je vous parle. Mais l’opposition est dans la totalité de ses démembrements au niveau de l’intérieur. Autrement dit, au niveau de la capitale, il n’y a pas de participation de certains partis politiques, mais au niveau de l’ensemble des démembrements de la CENI à l’intérieur, tous les partis ont officiellement désigné leurs représentants au sein de nos commissions et ils travaillent avec nous. Cela veut dire qu’il y a quelque part une réelle volonté d’aller aux élections. Je comprends que pour les élections, les gens soient prudents. Mais je crois qu’ils font confiance à la CENI même si dans les protestations initiales et de manière tout à fait compréhensible, ils ont suspecté la CENI. Je comprends ça ; mais je leur dis : « Joignez-vous à nous ; nous allons ensemble construire ces élections et vous verrez qu’elles vont être les meilleures que le pays aient connues. Voilà tout mon problème, et voilà le problème de la classe politique. Je sais que beaucoup d’entre eux nous téléphonent pour demander toute sorte de document inhérent au processus électoral. Beaucoup nous téléphonent pour demander l’ajustement de tel produit ou de telle activité chez eux. Je pense par exemple à l’enrôlement dans certaines localités ; tout en disant officiellement qu’elles ne participent pas au processus, des notabilités, chefs de partis de l’opposition, appellent la CENI, ou directement le président pour demander le perfectionnement de telle attitude chez eux. Pour moi, cela cache mal une réelle confiance dans la CENI. Mais les propos initialement dits, et que les gens n’ont pas eu l’occasion de corriger officiellement et publiquement rend difficile l’annonce publique de la participation de tous. Mais à ce que je crois, et ce que je sais, aucun parti politique n’a dit « je boycotterai ces élections ». Du reste, je sais qu’aucun parti politique qui veut survivre ne peut boycotter triomphalement les élections.
Réalisée par Oumarou Moussa(onep)