La Gendarmerie Nationale du Niger est une force de défense et de sécurité qui s’est illustrée à plusieurs reprises dans l’accomplissement de ses missions de défense et de sécurisation du pays. Dans l’une de ses rares sorties médiatiques, le Haut-commandant de la Gendarmerie Nationale du Niger, le Général de Brigade Salifou Wakasso s’est confié à l’ONEP. Dans cet entretien, il revient sur les missions assignées à la Force polyvalente qu’il commande, sa restructuration ainsi que sur sa propre vision pour l’Institution et la mise en place d’un Commandement des Opérations Spéciales de la Gendarmerie Nationale (COS/GN).
le Haut Commandant, quelles sont les missions statutaires assignées à la Gendarmerie Nationale du Niger ?
De par le Décret n068-86/PRN/MDN du 21 Juin 1968, la Gendarmerie Nationale est une Force Instituée pour veiller à la sureté publique (elle renseigne, alerte et porte secours), pour assurer le maintien et le rétablissement de l’ordre public et l’exécution des lois sur toute l’étendue du territoire, ainsi qu’aux armées, afin de protéger les Institutions, les personnes et les biens. Par ailleurs, elle participe à la Défense Opérationnelle du Territoire national (DOT).
Quelles que soient les circonstances (paix, crise et guerre), son action s’exerce sur l’ensemble du territoire national ainsi qu’aux armées et au profit de tous les départements ministériels, particulièrement ceux en charge de la Défense, de l’Intérieur et de la Justice. En outre, elle prête son concours aux différents ministères et à certains grands services publics à travers ses missions de police administrative, de police judiciaire et de police militaire.
En quoi consiste ces trois missions de police que vous venez de citer ?
La police administrative est préventive. Elle a pour objet la sécurité, la tranquillité et la salubrité du pays, le maintien et le rétablissement de l’ordre, l’exécution des lois et règlements du Niger et ceux que notre pays a ratifiés. Les mesures prescrites pour assurer la police administrative émanent du ministère de l’Intérieur et des autorités territoriales ainsi que des autres ministères, selon leurs sollicitations. Pour assurer cette mission, la Gendarmerie Nationale mène des actions de surveillance continue au cours de ses tournées et patrouilles, et pendant « le service à la résidence ».
La police judiciaire, contrairement à la police administrative, se rattache à la mission répressive de la Gendarmerie. Elle cherche les crimes, les délits et les contraventions ; rassemble les preuves et délivre les auteurs aux tribunaux chargés de les juger. Cette police est exercée par les officiers et agents de police judiciaire sous la surveillance du Procureur Général, le contrôle de la chambre d’accusation et enfin sous la direction du Procureur de la République.
La dernière, qui est la police militaire, s’exerce sur les militaires et les paramilitaires et de ce fait rentre dans les attributions de la police militaire judiciaire. Elle vise le double objet de police générale, qui vise à prévenir le désordre et à maintenir la discipline au sein des différents corps de l’Armée, et de police judiciaire militaire, chargée de constater les infractions relevant de la compétence du tribunal militaire et des tribunaux ordinaires.
Suite à cette restructuration, comment le commandement parvient-il à assurer les missions de la Gendarmerie Nationale?
La restructuration du Commandement est basée sur l’organisation interne de la Gendarmerie Nationale, régie par le Décret n° 20 19-445/PRN/MDN du 13/08/2019. On a le Haut Commandement de la Gendarmerie Nationale et les deux (2) subdivisions d’Arme que sont la Gendarmerie Territoriale et la Gendarmerie Mobile, avec leurs implantations sur l’ensemble du territoire national. Il y’a aussi les Directions centrales et les services spécialisés, tout cela en adéquation avec le découpage administratif et la carte judiciaire du pays.
Votre Institution exerce aussi bien dans le domaine de la défense que celui de la sécurité, et cela en zones urbaines, périurbaines, rurales et en zones inhabitées. Qu’est-ce qui explique cette transversalité de la Gendarmerie Nationale et sa capacité d’adaptation ?
Cela s’explique par le statut du Gendarme qui fait de lui un militaire et un agent de la force publique en même temps. La Gendarmerie Nationale assure la continuité de l’action de l’Etat par sa présence sur l’ensemble du territoire. Par son organisation, l’étendue de ses compétences, son implantation sur l’ensemble du territoire national, les moyens dont elle dispose et l’autorité dont elle jouit, elle assure de nombreuses autres missions qui intéressent plus ou moins directement l’ordre public.
Ainsi, la Gendarmerie Nationale participe de façon active et permanente aux missions de défense nationale, notamment par le déploiement de ses hommes sur les théâtres d’opération et la collecte de renseignements. De par son appartenance aux forces de sécurité intérieure, elle se trouve aussi au cœur du système de défense civile et économique et apporte son concours aux diverses administrations de l’Etat, chaque fois que de besoin.
Le contexte sécuritaire actuel a mis au-devant de la scène certaines unités d’élite de la Gendarmerie Nationale, tel que le Groupe d’Action Rapide de Surveillance et d’Intervention au Sahel (GARSI-Sahel Niger) capable de garder son sang-froid en situation de combat et de faire la différence entre ennemis-combattants et civils. Qu’est-ce- qui est à la base de cette performance?
Le Groupe d’Action Rapide, de Surveillance et d’Intervention au Sahel (GARSI-Sahel Niger) contribue à la sécurisation de l’ensemble du territoire de la République en luttant contre toutes les formes de criminalités transnationales et les migrations illégales. Grâce à ses capacités opérationnelles, il exerce le contrôle effectif du Territoire et imprime l’action de l’Etat de Droit dans les zones reculées. Il intervient en cas de menaces ou d’incidents graves sur la sécurité ou sur l’ordre public nécessitant l’utilisation de techniques et de moyens spécifiques.
Cette performance est basée sur la formation militaire et professionnelle, accompagnée d’une éducation spécifique, donnée au gendarme, quel qu’en soit son grade. Il a ainsi la conviction d’appartenir à un corps d’élite dont le rôle est capital au sein de la Nation. En plus, tout chef de formation de Gendarmerie veille à ce que la valeur morale de ses hommes ne soit atteinte ! Pour le cas du GARSI-Sahel Niger, il convient de retenir que c’est une unité de la Gendarmerie Nationale née de la volonté des autorités du pays au plus haut niveau avec l’appui des partenaires techniques et financiers.
Quelles sont les difficultés auxquelles votre Institution fait face?
Comme pour toute Institution, des difficultés demeurent, nonobstant les efforts consentis par les autorités de la République. Elles se résument entre autres à l’insuffisance des ressources humaines au regard des multiples sollicitations auxquelles les gendarmes sont tenus d’apporter des réponses promptes et adéquates. Il y’a aussi la vétusté des infrastructures servant de logements et de locaux de service qui datent, pour l’essentiel, de la période coloniale. Il y’a enfin l’insuffisance des moyens roulants pour la mobilité et la projection des unités, ainsi que celle du matériel et des équipements spécifiques majeurs qui concourait à accroitre notre capacité opérationnelle. En un mot, la logistique nous fait défaut !
En termes de perspectives pour l’Institution Gendarmerie Nationale, qu’envisagez-vous?
Notre priorité, tout d’abord, est d’œuvrer au renforcement des capacités des unités et services de la Gendarmerie Nationale afin de mieux faire face aux nouvelles formes de menaces dont la criminalité transnationale, la cybercriminalité, le trafic des êtres humains, la migration clandestine entre autres. Dans le contexte actuel, le relèvement du niveau des Unités en matière de maintien de l’ordre, d’intervention et de protection des personnes et de leurs biens s’impose. Ensuite, nous envisageons la transformation des Unités Spéciales d’Intervention de la Gendarmerie Nationale en Commandement des Opérations Spéciales (COS), ainsi que la création d’un certain nombre d’écoles et centres de formation pour Officiers, Sous-officiers et Gendarmes. Enfin, pour relever le niveau d’instruction du personnel, nous envisageons la création d’un Commandement des Ecoles de la Gendarmerie Nationale (CE/GN).
Quel est votre message à l’endroit de la population civile et des hommes qui sont sur le théâtre des opérations ?
Mon message consiste à demander aux populations leur implication dans la gestion de la sécurité et leur franche collaboration par le partage de renseignements avec les forces de défense et de sécurité. Quant à ces derniers, nous leur demandons de faire preuve d’engagement, de professionnalisme et d’accessibilité envers la population civile à travers les actions que mènent les hommes en matière de police de proximité ou police communautaire. Notre rôle est éducatif et protecteur et il se base sur une coproduction de la quiétude sociale et de la sécurité qui implique la participation des citoyens. De ce fait, la Gendarmerie Nationale, comme j’ai l’habitude de le dire, est une amie de la communauté sans pour autant remettre en cause son autorité dissuasive. Les actions de la Gendarmerie Nationale s’inscrivent, non pas dans le cadre de la gloire personnelle, mais plutôt dans celui de la grandeur de la Nation Nigérienne. C’est cela la satisfaction du Gendarme, de son Institution, de la population et des autorités.
Propos recueillis par Souleymane Yahaya(onep)