L’adoption, par le gouvernement, du projet de loi modifiant et complétant la loi n° 2019-33 du 03 juillet 2019, portant répression de la cybercriminalité au Niger, à l’issue du Conseil des ministres du 27 Avril 2022, n’est pas tombée dans les oreilles d’un sourd dans le milieu des usagers des réseaux sociaux. Et c’est avec un ouf de soulagement que ces derniers ont accueilli ce projet de texte qui, une fois entré en vigueur, consacrera la suppression de la peine d’emprisonnement encourue en cas de délits commis par un moyen de communication électronique, en l’occurrence l’injure ou la diffamation.
Parce qu’elle témoigne de la volonté réelle du Chef de l’Etat de décrisper davantage le climat social en créant un cadre réglementaire propice à une pleine jouissance des libertés individuelles, cette mesure a tout pour être saluée et applaudie. En effet, en décidant de la suppression pure et simple de la peine d’emprisonnement contre les éventuels auteurs de délits commis par un moyen de communication électronique, ce projet de loi s’affiche aux yeux de tous comme étant un signal fort, une avancée notoire de la liberté d’expression, voire de l’Etat de droit et de la démocratie au Niger. On comprend dès lors tout le tollé de réactions favorables qui continuent de fuser de toutes parts, notamment de la part des leaders d’opinion et même du commun des internautes.
Mais, sans jouer au rabat-joie, nous inviterons les uns et les autres à mesurer toute la portée de cette décision. En effet, en matière de droit et de liberté, la moindre parcelle concédée vous propulse de facto sur le terrain glissant de la responsabilité. Aussi, il n’est point besoin le dire (tant cela est évident !) qu’en décidant de concéder plus d’espace de liberté d’expression aux citoyens nigériens, les autorités font aussi appel à notre sens élevé de responsabilité. Car, aussi bien dans le registre du droit que de celui de la morale tout court, le fait de jouir d’une liberté dans toute sa plénitude se heurte au mur de la responsabilité, ne serait-ce que celle d’avoir à répondre de ses actes.
Assurément cette décision du gouvernement ne saurait être comprise par les usagers des moyens de communication électronique comme un permis à tout faire, et surtout pas celui de vous autoriser à régler le compte à quelqu’un en le vilipendant ou en le diffamant, ‘’akan banza’’ et ‘’yamo-yamo’’, pour des raisons inavouables. C’est donc le cas de rappeler à tous la leçon du célèbre adage qui dit que « la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres ». Mieux assimiler cette leçon vous évitera de devoir répondre, un jour, d’un délit d’injure ou de diffamation à l’encontre d’autrui.
Car, même si, désormais, un tel fait ne vous conduira plus tout droit à ‘’Darado’’, vous auriez du mal à vous remettre du goût pimenté de l’ardoise du dédommagement pour lequel il vous sera demandé de payer à coups de millions de Francs CFA le prix d’une seule injure mal placée.
Assane Soumana(onep)