La Commune rurale de Chirfa et la vieille ville du Djado semblent sortir d’un hallucinant récit cinématographique, à mi-chemin entre rêve et réalité. Au pied de reliefs roses sont éparpillés des bâtiments en banco adossés à des touffes de dattiers, et des zéribas en feuilles de palme, tressées autour de quelques acacias tordus. Sur ce décor ample et paisible règne un magnifique fortin en ruine, le fort Pacot, un rare vestige colonial édifié en 1933. Issouf Korey, le chef local à la voix de fausset et à la dentition en détresse, accueille les visiteurs dans une simple maison, quatre murs en terre et des nattes déroulées au sol, après nous avoir accueilli avec le récurrent ‘‘Klaha, klaha !’’ (bonjour!), suivi de ‘‘Woshé, woshé !’’ (merci) !, nous saluons une assemblée d’hommes secs et dignes, l’air martial, venus commenter le déroulement du jour, comme tous les jours. Des jeunes filles apportent du thé, du lait et des dattes. Autant dire un accueil munificent, ici, où l’on sait ce que les mots disette et dépouillement veulent dire. « Les Kanouris venus du Yémen prirent ensuite possession du Djado, et le fortifièrent, il y a plus de mille ans. Puis les Touaregs des Ajjers et de l’Aïr vinrent exploiter nos salines. Enfin, les Toubous descendus des versants occidentaux du Tibesti, il y a un siècle, s’installèrent ici. C’était l’époque des dernières grandes caravanes, fortes de trois mille chameaux ou davantage, les azalaï, qui apportaient du Sahel des étoffes et des céréales, et repartaient quelques jours plus tard chargées de sel et de dattes », explique Korey. Les azalaï touarègues, poursuit-il, furent victimes de rezzou mémorables, par les clans toubous aidés de pillards arabes, à tel point que la grande caravane de sel cessa en 1923. L’arrivée des Français pacifia la région et permit une reprise de ce commerce, mais ce dernier prospéra alors depuis les salines de Bilma (Kalala), dans le Kawar voisin. Selon lui, à huit kilomètres de Chirfa, se dresse la première merveille du Djado, une citadelle éponyme et ruinée, bâtie sur une butte dominant un marécage, et ceinte d’une magnifique palmeraie. Murailles imposantes, portes cintrées, couloirs labyrinthiques, chambres royales, écuries et greniers, avec en prime des vues panoramiques. Nous dénicherons même ce qui serait « une antique chapelle », aux portes surmontées des dessins de la tarik, la selle de dromadaire des Touaregs. Au pied des remparts, deux cimetières, animiste et musulman, se font face ; autre mystère… Derrière l’échancrure d’un feston de crêtes sableuses, vers le nord, surgit la formidable falaise de l’Emi Warek, semblant adossée à une houle de pitons gréseux hérissant les dunes, un tableau minéral à couper le souffle. « Notre eau est transparente, elle n’est qu’à deux à trois mètres sous le sol. C’est le premier miracle du Djado, le secret de ses palmeraies, de ses salines, de ses jardins d’agrumes sortis du désert comme par enchantement : une nappe fossile d’eau claire et fraîche, juste sous le sable brûlant…Tout cela fait la particularité, l’histoire et le miracle du plateau du Djado », exulte le chef Issouf Korey.
Par Mahamadou Diallo(onep) (Envoyé Spécial)