La chasse était jadis une activité pratiquée au Niger et un peu partout en Afrique. Cette activité et la cueillette permettaient de subvenir à certains besoins alimentaires. Maitres de la brousse, les chasseurs possèdent des connaissances, des techniques de la géomancie et le secret des plantes. Beaucoup d’entre eux sont des guérisseurs traditionnels. Les chasseurs traditionnels sont des dépositaires des traditions ancestrales. Ils sont sollicités pour des soins particuliers.
Vêtu d’un boubou et portant un gros sac en cuir en bandoulière, Elh Amadou Garhanga de Tahoua, un vieux chasseur de 78 ans décrit avec nostalgie les temps des campagnes de chasse. Initié dans cette activité par ses parents depuis les années 1958, il se rappelait qu’ils marchaient à pieds, de Tahoua jusqu’à Say pour chasser. « Nous étions à Say lorsque Djibo Bakary a remporté les élections, nous avions tué 9 lions. L’année qui a suivi nous sommes allés à Tombouctou pour tuer d’autres lions puis au Burkina. Maintenant, je pars au Cameroun au Tchad pour la chasse. C’est notre métier », a-t-il dit. « Dans la forêt du Cameroun où nous partons chasser, nous prenons une autorisation de chasse de 4 mois, que nous payons par groupe de dix chasseurs à trois millions. Ce qui nous donne le droit et la liberté de chasse dans la zone. Néanmoins c’est règlementé et chaque semaine les agents des services des eaux et forêts sillonnent la forêt pour voir si nous sommes en train de respecter les consignes et si nous respectons toutes les règles », a-t-il ajouté.
Là-bas, a poursuivi Elh Amadou, ils ne font que la chasse, c’est une fois rentrés au pays qu’ils s’adonnent à la médecine traditionnelle, vendent des remèdes. Pour chasser ils utilisent un arc et des flèches, et en une seule tentative ils arrivent à abattre l’animal, a dit Elh Amadou tout en précisant que tout animal de la brousse est objet de chasse à l’exception des éléphants qui sont protégés. « Nous tuons le lion ; la peau du lion peut se vendre jusqu’à deux millions et nous vendons aussi les antilopes », a-t-il ajouté.
Elh Amadou a, par ailleurs, expliqué qu’ils utilisent des graisses animales, dont celles du lion, pour fabriquer des pommades servant à soigner les fractures et les rhumatismes ; elle sert aussi à soigner certaines formes de folie ou possession et d’autres maladies.
Elh Amadou a noté également que la population fait recours à eux dans la lutte contre l’impuissance des hommes et l’infertilité des femmes ainsi que pour favoriser la bonne venue du lait pour les femmes. Ces domaines ont longtemps constitué leurs fonds de commerce. Cependant, la pratique des soins imposait certains codes, a-t-il précisé, aucune avance ne pouvait être réclamée pour les soins. Ce n’est qu’après guérison que le patient payera en espèce ou en nature.
Abdoulaye Djibo appélé Sarkin Mahalba (chef chasseur), originaire de Kornaka région de Maradi, département de Dakoro est un chasseur qui a débuté cette activité depuis son plus jeune âge, mais aujourd’hui il s’est reconverti en guérisseur traditionnel.
«Nous avions hérité cette activité de nos ancêtres ; notre but c’est de léguer cet héritage à nos enfants car nous ne voulons pas que cette tradition s’arrête à notre niveau. C’est pourquoi j’ai initié mon enfant âgé de 10 ans malgré qu’il soit écolier. Toutefois, il participe à cette activité pendant les congés ou les vacances », confie Abdoulaye Djibo Sarkin Mahalba.
Lors de la chasse, a expliqué Sarkin Mahalba, ils abattent certains gibiers mais ils gardent aussi d’autres en vie tels que les antilopes, gazelle, autruche pour les vendre auprès des gens aisés. Ils collaboraient avec les forestiers qui leur expliquent les animaux à chasser et ceux dont la loi n’autorise pas la chasse.
Avant, rappelle-t-il, l’activité se pratiquait facilement. « Nous partons vers Diffa et vers le Burkina Faso mais aujourd’hui compte tenu de la situation sécuritaire ainsi que la déforestation, nous ne partons plus. En plus les espèces animales s’éloignent ou quittent les endroits où il y a les bruits des fusils », explique-t-il.
De nos jours, privé de production de viande séchée et autres graisses tendons, musc, bile, peaux, dents, cornes pour les amulettes et talisman, Abdoulaye, doit se contenter de ce qui se collecte en brousse sous forme végétale, racines écorces et autres simples splantes. Le pouvoir, les remèdes de protection contre les envoutements et les attaques de l’esprit des animaux abattus et de tous les esprits de la brousse ont survécu à la disparition des gibiers.
En effet, pour Abdoulaye Djibo, ces connaissances répondent à la fois à une demande accrue de protection occulte et à un retour vers des formes de traitement des maladies par les plantes face au coût et l’inefficacité souvent de certaines médications modernes.
Ainsi, a expliqué Abdoulaye Djibo, c’est à travers des fêtes annuelles, comme la fête du 18 décembre, ou autre rassemblement que les chasseurs montrent leur savoir-faire et donnent l’occasion au public de découvrir quelques survivances d’antan par rapport à la chasse comme acte de bravoure. « Un chasseur n’est pas un être vulgaire mais plutôt un personnage courageux au service de la société, tout en précisant que tout chasseur est un invulnérable (in taouri) », dit-il.
S’agissant de son activité de guérisseur, il affirme que lors des grandes rencontres ou fêtes, ils exposent leurs produits traditionnels. Ils collaborent aussi avec les services de santé en ce qui concerne certaines maladies dans des situations qui nécessitent leur intervention. « Nous donnons des médicaments contre les esprits qui empêchent les femmes de se marier ou les ‘’génies tchatcheurs’’», précise-t-il.
Par ailleurs, Abdoulaye et ses compagnons mènent aussi une lutte contre ceux qui se disent guérisseurs traditionnels à travers le contrôle des papiers qui attestent qu’ils le sont réellement. « Notre organisation leur donne l’autorisation, une sorte de laisser passer pour exercer leurs activités dans la limite du temps convenu. Les guérisseurs sont des gardiens de nos traditions et sont reconnus comme tel car ils exercent cette activité bien avant la modernité », indique-t-il.
Par Aminatou Seydou Harouna(onep)