Perpétuation d’un héritage culturel en dépit de l’influence du modernisme
Au marché de Boubon, ils sont de plusieurs villages, les artisans effectuant le déplacement pour vendre et/ou acheter. Parmi la panoplie d’artisans figurent des femmes venues de Namardé Goungou pour exposer des nattes traditionnelles avec des décors au marché du village de Boubon. Elles sont ces tisseuses de natte. Ces derniers temps, elles ont le vent en poupe, car elles sont plus utilisées pour la décoration intérieure. Vendeurs, acheteurs tous tirent leur épingle du jeu en ce jour de marché.
Tissées avec des couleurs vives et des motifs qui varient, les nattes comportent au niveau des finitions souvent des garnitures en cuir véritable. Des femmes qui tissent des nattes avec des matériaux naturels. Pour pouvoir faire une seule natte, elles s’associent à trois pour faire le tissage. C’est toute une technique de travail fait à la main qui entre en jeu passant par le ramassage des tiges, de la paille, des cordes et le tout est bien trempé dans de l’eau pour les rendre un peu mous et facile à manier. Elles peuvent passer presque toute une journée pour confectionner ces articles. La confection de ces nattes requiert du talent, du savoir-faire et surtout de l’innovation dans le seul but de faire connaitre davantage l’artisanat traditionnel. La vente de ces nattes permet à ces femmes artisanes d’avoir des ressources financières. Elles sont revenues en force dans les centres urbains avec la célébration des mariages et ou autres évènements festifs.
Mme Hadjo Nouhou âgée de 76 ans conduit une délégation composée d’une quinzaine de femmes tisseuses de nattes traditionnelles du village de Namardé Goungou.
« Presque chaque jour nous visitons les marchés qui ont le plus d’affluence pour exposer nos nattes. Nous nous déplaçons en groupe pour faciliter le transport terrestre et fluvial car Namardé se trouve de l’autre côté du fleuve. Ce savoir-faire est une tradition transmise de génération en génération et perpétuée à travers les femmes issues des zones rurales. Depuis l’adolescence je me suis intéressée à la confection et à la vente de nattes traditionnelles. Petites ou grandes chez nous, nous faisons la promotion de nos valeurs traditionnelles, ces nattes se vendent presque partout sur les marchés environnants. Ces articles, nous avons appris à les tisser grâce à nos mamans, et comme Boubon est un peu proche de Niamey et un marché bien connu nous ne manquons aucun rendez-vous hebdomadaire. Nous apprécions beaucoup ce marché, car il y a ceux qui viennent des communes environnantes en acheter pour les revendre à nouveau. De nos jours beaucoup s’en servent pour faire des hangars, des maisons en paillottes. Il y a beaucoup à puiser dans notre passé, par la valeur de la paille, son traitement, surtout l’art et le procédé du tissage. Ces nattes sont comme des tapis pour le lit, ce sont des mobiliers de foyers, un des piliers de nos demeures traditionnelles. Nous utilisons également des nattes pour envelopper les corps de nos morts pour leur voyage vers l’au-delà » raconte la septuagénaire.
Par rapport à l’écoulement de ses produits, elle affirme sans ambages.« C’est une mode qui est, et sera toujours d’actualité. Avoir ces genres d’articles était autrefois synonyme de statut social avec ses valeurs et ses codes. Mais aujourd’hui, les créateurs mettent à l’honneur ces tiges de mil ou de paille à travers leurs constructions qui sont relativement plus accessibles et adaptés à certaines architectures d’aujourd’hui. Le prix de nos articles oscillent entre 3500 et 6000 F, mais tout se négocie ici, car nous comptons sur ces ventes pour faire nos emplettes ».
Elle ajoute que depuis près de cinq ans elle vient régulièrement au marché. « j’apprends à bien vendre et j’arrive à gagner des petits sous pour prendre soin de mes enfants et de moi même. J’encourage les jeunes filles à apprendre un métier ; ma fille de sept ans sait déjà en confectionner ; les filles doivent s’intéresser aux petits métiers. Ces designs que nous mettons, c’est pour développer notre propre technique de tissage, une technique non conventionnelle, plus jolie et plus adaptée. Lorsque je tisse ces tiges, mes mains entrent en dialogue avec les tiges, les cordes, les matières. Je passe souvent des heures ou des jours à faire et à défaire pour avoir un très bel article vendable. Nous créons ces pièces avec un design soutenable. Pour créer quelque chose de parfait, il faut suivre son intuition, innover et rester curieuse surtout », explique Hamsatou Hamidou, une autre vendeuse des nattes.
Courageuses et résilientes, ces femmes travaillent quotidiennement pour s’assurer leurs moyens de subsistance et maintenir l’héritage culturel dont elles sont les gardiennes.
Malgré l’adversité, ces femmes ont refusé l’oisiveté en développant une activité dont l’intérêt grandit de plus en plus avec la célébration de certaines réjouissances sociales comme ‘’party kawayen’’ ou des évènements culturels ; ces nattes sont accrochées partout et servent de décoration intérieure.
Aïssa Abdoulaye Alfary(onep),Envoyée Spéciale