Pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion, les femmes rurales créent leurs propres activités économiques. Elles prospèrent en milieu urbain grâce à la vente de divers produits agricoles qui sont souvent issus de leur propre production. Et ce malgré les aléas climatiques affectant les rendements d’une année à une autre. À Niamey, ces femmes venues des villages environnants de la capitale ont installé leur quartier général sur la route de Tallagué menant à l’aéroport sous les arbres de la Ceinture Verte juste en face de la compagnie de police secours. Sur place, elles y vendent divers produits qui attirent les habitants de la ville.
Halima Saley est venue du village de Loga kossey. Agée de plus de 50 ans, elle est assise à l’ombre d’un grand arbre, au bord du goudron où elle gère son commerce, entourée d’autres femmes et de ses clients. Parmi ses marchandises, Halima a de l’hibiscus, de l’arachide, du moringa et des balais à vendre. Derrière elle, on peut voir d’autres sacs remplis de marchandises et empilés les uns sur les autres. De l’autre côté, il y a un grand nombre de canaris. Veuve. Halima est cheffe de famille avec 8 enfants à élever. C’est ainsi qu’elle a démarré ce petit commerce, il y a 15 ans. «Je fais ce commerce pour nourrir mes 2 garçons et 6 filles. Je vends des feuilles séchées pour sauce, de l’hibiscus, du moringa et des balais. Mon mari est décédé, me laissant avec les jeunes enfants sans issue. Depuis, j’ai alors décidé de venir à Niamey pour faire ce commerce», raconte-t-elle.
Au départ, Halima a commencé ce petit commerce dans son village mais, faute de moyens qui permettent de satisfaire les besoins de ses enfants, elle a dû quitter pour venir à Niamey dans l’espoir de développer son commerce. «Ici, c’est à la fois notre lieu d’activité et de logement», précise –t-elle. Halima et les autres femmes qui exercent dans cet espace n’y restent pas pour toujours. Elles sont là de manière saisonnière car, après écoulement des marchandises elles retournent au village pour les travaux champêtres. «Partout où vous voyez les plastiques noirs, ce sont nos effets. Nous dormons sous moustiquaires sur des sacs en plastiques à coté de nos marchandises», fait-elle observer.
Avec ce commerce Halima, tout comme ses collègues, lutte pour vivre dans la dignité malgré l’absence de son mari et la variabilité climatique. Elle n’a pas voulu révéler ses chiffres d’affaires mais elle souligne qu’elle a tout de même un revenu assez bon pour ses besoins et ceux de ses enfants. Son souhait, c’est la réussite scolaire de ses deux filles qui ont eu la chance de poursuivre leur éducation. «Grâce à cette activité, j’ai de l’argent pour acheter des vêtements et des fournitures scolaires pour les enfants. Je fais tout pour que l’absence de leur père ne pèse pas sur eux afin qu’ils réussissent», a–t-elle dit. Pour Halima, l’irrégularité et la mauvaise répartition des pluies est la plus grande source de préoccupation. En effet, l’épanouissement de son commerce dépend fortement du rendement agricole. «Par exemple quand je produis 4 à 5 sacs de ce je vends, les 2 sont destinés au besoin alimentaire et les 3 autres à la vente. Et dès que la saison pluvieuse démarre, je retourne au village pour cultiver la terre», affirme Halima Saley.
Kadi Hamani, veuve venue d’un village de la commune de Tombo koirey, vend aussi les mêmes produits que Halima Saley. «Je ne gagne pas grand-chose, mais j’arrive à manger matin et soir. Dieu merci», se réjouit-t-elle. Kadi a 7enfants à élever seule grâce aux fruits tirés de la terre. Son fils ainé est parti en exode et elle n’a plus de ses nouvelles depuis 7 ans. «Les produits que nous vendons ici, nous les obtenons en labourant la terre», explique-t-elle. Comme difficultés, Kadi pointe du doigt l’infertilité des sols et le manque de semences améliorées. «Les terres sont fatiguées, lessivées et les semences que nous utilisons sont des vieilles semences», témoigne Kadi. Par conséquent, «nous payons les autres produits pour revendre», ajoute-t-elle.
Les femmes qui exercent ce commerce ont presque la même histoire. Perte de maris et manque d’autres ressources pour subvenir aux besoins des enfants. Elles sont aussi confrontées à une baisse du rendement agricole. Malgré ce fardeau, elles ne cèdent pas aux sirènes du gain facile qu’est la mendicité à laquelle elles disent Non. Tout comme Halima et kadi, Mintou Moussa aussi est veuve. «Je me débrouille à travers la vente de ces produits agricoles. Le marché n’est pas si bon mais je ne mendie pas dans les rues», dit-elle. Mintou se présente comme une femme agricultrice. Elle joue ce rôle depuis le décès de son mari. Elle indique que la saison pluvieuse n’est plus comme les années antérieures. «Je cultive du mil, mais les semis ne poussent pas à temps et l’accès à l’engrais est difficile pour nous», se plaint-t-elle.
Ramatou Saley, la cinquantaine révolue, vient de rentrer du village de Mokko. Elle a apporté plusieurs marchandises dont 15 sacs d’hibiscus et des sacs de feuilles séchées pour sauce. Elle dit être fière de ce commerce. Au village, elle cultive aussi de l’arachide pour revendre à Niamey. Mais selon elle, ses cultures sont souvent menacées par les insectes. Le peu qu’elle récolte lui permet de couvrir les charges familiales. Elle vend le sac de l’hibiscus bissap entre 9.000 et 10.000 F CFA.
A travers ce commerce, ces braves femmes contribuent à favoriser l’intégration des femmes nigériennes dans les activités de développement, malgré diverses restrictions. De plus, en faisant ce commerce tout en cultivant la terre, Halima Saley du village de Loga kossey et ses collègues, comme beaucoup de femmes nigériennes, veulent être financièrement indépendantes.
Par Oumar Issoufou(onep)