Lorsqu’en 2016, alors qu’elle n’avait que 15 ans, Zara Amadou abandonna les études à partir de la classe de 5ème, son acte a naturellement contrarié ses parents. Par la suite le choix de la jeune fille va laisser son entourage perplexe. En effet, Zara annonça qu’elle voulait devenir mécanicienne. Surprise et interrogations : envie d’être excentrique ? Caprice d’adolescente ?
Une fille qui opte pour la mécanique moto, dans un milieu où cette activité est réservée aux hommes, le choix a vraiment de quoi surprendre. Qui plus est, à Dosso ville qui a vu naître et grandir Zara, certains métiers dont justement la mécanique, sont rejetés par la plupart des autochtones, et sont pratiqués surtout par des «étrangers», car étant considérés comme peu honorables. C’est entre autres, ce qu’on apprend dans le documentaire «Le Garage de Zara» sorti en 2022, que le réalisateur nigérien Bawa Kadadé Riba a consacré à l’histoire de cette fille.
«Je n’aimais pas l’école autant que la mécanique, et, puisque les études ne marchaient pas, j’ai alors préféré abandonner pour apprendre un métier plutôt que de rester à ne rien faire», confie Zara, justifiant ainsi son choix.
La jeune fille a bénéficié de la compréhension et du soutien de ses parents. Mieux, elle a eu la chance d’être parmi les bénéficiaires du Fonds d’Appui à la Formation Professionnelle et à l’Apprentissage(FAFPA) qui a accepté de l’accompagner sur la voie choisie. C’est chez Daniel, chef mécanicien moto, issu d’une famille de ressortissants béninois que cette institution a placé Zara pour sa formation.
Au fil du temps la nouvelle apprentie mécanicienne s’est intégrée dans le groupe des garçons travaillant auprès de Daniel. Ils se sont habitués à la présence de Zara. Apparemment timide, avec une taille moyenne, Zara ne passe évidemment pas inaperçue dans son uniforme bleu kaki à la coupe masculine que cache en partie un court hidjab qu’elle porte toujours. Elle s’emploie et s’implique aux tâches que leur confie Chef Daniel, comme ils l’appellent. «Un jour le père de Zara est venu m’informer qu’il amène sa fille de la part du FAFPA. J’étais surpris de constater que ce projet m’envoie une fille. Je l’ai acceptée ; au début elle était un peu timide, mais elle a fini par se mettre à l’aise», témoigne Daniel, son formateur.
Les parents de Zara la soutiennent et font montre d’une grande compréhension quant au choix de leur fille. «Quand elle a commencé, les gens l’ont traitée de tous les noms d’oiseaux, disant que la femme ne doit pas faire la mécanique. Pour moi, il n’y a pas de métier pour homme ou femme, l’important est de le faire bien», dit la maman de Zara. Et renchérit-elle : «Son père aussi est d’accord ; je l’encourage à continuer son apprentissage, de ne pas écouter les médisances selon lesquelles la mécanique n’est pas un bon métier surtout pour une femme».
La jeune fille a failli tout de même lâcher, quand elle a connu une période d’hésitation avant de se ressaisir. Sa mère se réjouit de ce qu’elle voit comme une prise de conscience de sa fille qui est passée par des moments difficiles.
Croyant en ce qu’elle fait, Zara a voulu encourager deux de ses amies à suivre la même voie qu’elle, mais ces dernières ont vite abandonné.
Agée aujourd’hui de 22 ans Zara Amadou poursuit sa formation auprès de Daniel et garde l’espoir d’avoir un jour les moyens nécessaires et la capacité de concrétiser son projet. «Mon souhait dans la mécanique est de devenir cheffe de garage, gagner ma vie, former d’autres comme j’ai été formée», affirme la jeune fille qui est encore célibataire.
Par Souley Moutari(onep)