Le jeudi 27 avril 2023, le Ministre Algérien des Affaires Etrangères et de la Communauté Nationale à l’Etranger, M. Ahmed Attaf en sa qualité d’Envoyé spécial du Président de la République Algérienne Démocratique et Populaire, a effectué une visite de travail au Niger. Au cours de cette visite M. Ahmed Attaf a eu une séance de travail avec son homologue nigérien sur les perspectives prometteuses de développement des relations entre les deux pays. Plus encore de la concertation et de la coordination autour des questions régionales et internationales d’intérêt commun. En marge de cette visite, le chef de la diplomatie algérienne a accordé un entretien à notre journal dans lequel, il a expliqué le contexte dans lequel se situe sa visite ainsi que l’état de la coopération bilatérale entre le Niger et l’Algérie.
Monsieur le ministre, vous êtes au Niger dans le cadre d’une visite de travail et d’amitié de 24 heures. Pouvez-vous nous dire quel est le but de cette visite au Niger et dans quel contexte elle se situe ?
Merci beaucoup de m’avoir donné l’occasion de m’exprimer dans les colonnes de votre journal, très intéressant avec des informations véridiques et très fiables. Ma présence au Niger s’explique par trois(3) raisons fondamentales à savoir, le point de la coopération bilatérale entre nos deux pays, le contexte régional de la stabilité sécuritaire du Sahel et le contexte continental de deux pays qui ont inscrit leurs actions dans une perspective d’intégration africaine. Vous n’êtes pas sans le savoir, le rôle central que joue le Niger de ces contextes surtout celui continental à travers l’ancien Président de la République, Issoufou Mahamadou qui dirige le panel de haut niveau sur la sécurité au Sahel. Aussi, il conduit le panel sur la zone de libre-échange continentale africaine ZLECAF et le Président Mohamed Bazoum, en personne, est désigné champion de l’Union Africaine pour l’industrialisation inclusive et durable et la transformation productive. Donc ces triples contextes encadrent ma visite sur lesquels nous avions eu des discussions, des évaluations et des résultats dans les bilans. Je crois pouvoir dire que sur l’ensemble de ces questions, il y’a eu une grande convergence de points de vue entre le Niger et l’Algérie.
Monsieur le Ministre comment se porte la coopération bilatérale Nigéro algérienne?
Le Président de la République du Niger, SE. Mohamed Bazoum avait effectué une visite de travail et de renforcement de la coopération bilatérale en juillet 2021 à Alger et une deuxième visite dans le cadre de la célébration du 60ème anniversaire de l’indépendance de notre pays. C’était un grand geste qui a profondément touché l’ensemble des Algériens. Les deux Chefs d’Etat ont, au cours de ces occasions, défini un cadre afin de tracer des perspectives pour nos deux pays. Si je m’en tiens simplement au premier contexte dont je viens de parler, celui de la coopération bilatérale, je crois qu’il y’a quelque chose de très substantiel auquel les deux Chefs d’Etat sont parvenus. Ils ont discuté des dossiers très importants qui sont en cours de réalisation à la demande de nos frères Nigériens dont un projet de centrale solaire qui a été accepté et devenu un projet courant dans nos relations. L’Algérie a également accepté la réhabilitation profonde du lycée professionnel qui porte le nom de Lycée de l’amitié Algérie-Niger. Les deux présidents se sont également entendus pour lancer un nouveau projet de construction d’un lycée professionnel financé par la partie algérienne dont il revient au Niger de décider de la dimension, des matières de formation et de la localisation. Il y’a aussi des dossiers particuliers et des projets structurés comme le Gazoduc. Ce projet est toujours sur la table, mais fait l’objet d’un suivi très vigilant de la part de nos pays. Il est d’une longueur de 4.128 km dont 1.037 km en territoire nigérian, 841 km au Niger et 2.310 km en Algérie. Ce gazoduc dénommé le Trans-Saharan Gas-Pipeline (TSGP) va relier les gisements gaziers du Nigeria, en passant par le Niger, à la frontière algérienne pour se raccorder au réseau algérien.
Il y a également d’autres projets importants. Par exemple, il y a celui de la dorsale de la fibre optique qui est aussi un très grand chantier en cours. D’ailleurs, les pays membres du comité de liaison de la dorsale transsaharienne à fibre optique se sont engagés à accélérer la réalisation de ce projet stratégique visant le développement de l’économie numérique régionale. Nous avons aussi beaucoup de dossiers plus ponctuels comme dans le secteur des hydrocarbures où une filiale est impliquée et elle doit commencer ces efforts d’exploitation. C’est vraiment un sujet très important etc.
Monsieur le ministre, à la fin des travaux de la session de la Haute Commission mixte nigéro-algérienne de coopération tenus à Niamey, les deux pays ont procédé à la signature de plusieurs accords dans divers domaines de coopération. Qu’en était-il de la suite ?
Ces accords concernent la coopération. Ils portent sur la grande commission mixte par exemple. A l’occasion de cette visite, nous en sommes convenus à la demande de la partie nigérienne qu’elle se tiendra à Alger au cours du premier trimestre de l’année 2024. Il y’a également un comité qui fait un travail remarquable dont on n’en parle pas beaucoup. C’est le comité bilatéral frontalier qui organise des relations entre nos populations, au niveau des frontières en terme de flux humains, d’échanges économiques dans la mesure où il a réussi à encadrer avec beaucoup de succès des échanges transfrontaliers entre les deux pays.
Ensuite la troisième réalisation qu’il ne faut pas sous-estimer, c’est celle de la création d’un conseil d’affaires nigéro-algérien qui regroupera la communauté des affaires des deux pays pour monter ensemble des projets. Là aussi, c’est un instrument complémentaire dont nous venons de nous doter et qui aidera notre coopération à aller vers d’autres sommets.
En novembre 2022, le président du Panel de haut niveau sur la sécurité et le développement au Sahel, l’ancien président Mahamadou Issoufou a mis en avant l’importance de l’appui apporté par l’Algérie sur la situation sécuritaire et du développement dans les pays du Sahel, ainsi que les propositions formulées pour relever les défis auxquels est confrontée la région. Depuis lors, pouvez-vous nous dire l’essentiel des interventions de votre pays pour la stabilisation des pays du Sahel dans le cadre de la lutte contre le terrorisme?
En ce qui concerne la lutte contre le terrorisme, le crime transnational organisé et les autres formes de criminalité dans la région du Sahel, nous avons comme premier instrument, celui qui est bilatéral. Nous avons aussi des accords de coopération militaire, sécuritaire avec le Niger. Par exemple, les échanges d’informations, la dotation en équipements pour la lutte contre le terrorisme et les criminalités internationales organisées. Ce canal bilatéral entre nos deux Ministères de Défense fonctionne à la satisfaction des deux pays.
En plus, il y’a un cadre multilatéral qui est le Comité d’Etat-Major Opérationnel Conjoint (CEMOC) qui vient d’être présidé par le Niger et servant aussi de cadre de concertation et de décision dans la lutte contre ces phénomènes transfrontaliers, transnationaux. Le CEMOC est en train de faire l’objet d’une adaptation au niveau des faits actuels à travers des échanges d’idées avec nos frères nigériens. Je crois pouvoir dire que nous allons dans la bonne direction dans le sens où nous œuvrons ensemble à la redynamisation de ce comité dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité internationale.
Monsieur le ministre, la Route Transsaharienne (RTS) est un projet qui relie Alger à Lagos dont l’objectif est de desservir toute la sous-région du Maghreb et du Sahel sur une longueur totale de 9.400 km. Pouvez-vous nous parler de l’évolution de ce projet?
Ce projet est quasiment dans sa phase finale. Pour ce qui concerne l’Algérie, il y’a plus de 9.000 km qui ont été réalisés. Actuellement entre Asamaka et Arlit, un chantier de 225 km est en cours de réalisation par des entreprises nigériennes et algériennes qui travaillent en étroite collaboration, c’est très important. Ce chantier constitue un exemple de coopération effective diligente.
Le Niger et l’Algérie entretiennent une coopération depuis plusieurs décennies dans divers domaines, est-ce que le problème de migration a été évoqué lors de vos échanges avec les responsables nigériens surtout que l’Algérie continue d’expulser plusieurs dizaines de migrants nigériens et des ressortissants d’autres pays subsahariens installés de manière irrégulière sur son territoire ?
Je préfère parler de coopération en matière de prise en charge de l’émigration entre l’Algérie et le Niger. Quelles que soient les données du dossier, nous les réglerons toujours dans la confiance, l’entente et la compréhension. Il peut y avoir des situations sur lesquelles nous devons nous concerter. Tout ce qui se passe devra se faire avec concertation entre nos deux pays pour que ces dossiers pénibles pour l’Algérie comme pour le Niger soient bien traités. Je veux dire que ces dossiers devraient être gérés dans la manière la plus morale, éthique et respectueuse de la personne humaine. C’est la philosophie de notre coopération avec le Niger et c’est dans cet esprit-là que nous travaillerons avec nos amis nigériens quels que soient les problèmes que nous rencontrons dans ce domaine et il en existe, je ne le nie pas.
Un pays frère, le Soudan traverse actuellement une situation difficile, quelle est la position de l’Algérie face à la crise déplorable que connait ce pays ?
Comme tout le monde, nous avons vu et pris connaissance avec choc et regret qu’une profonde préoccupation se développe au Soudan endeuillant le pays. Nous regrettons ces affrontements fratricides. Le Soudan et le peuple soudanais frère ont besoin de stabilité, de sécurité, d’entente et de compréhension pour bâtir leur pays. Et voilà que leurs efforts viennent une fois encore d’être contrariés par ces affrontements fratricides. L’Algérie, à travers le Président Abdelmadjid Tebboune en sa qualité de président de la Ligue Arabe, a adressé des lettres écrites au Secrétaire Général de l’ONU, à l’Union Africaine pour leur proposer une action commune en direction du Soudan afin de contribuer à l’arrêt des hostilités, des combats fratricides et meurtriers pour ouvrir la voie d’un dialogue entre frères. Cela pourrait éviter au Soudan de s’enfoncer davantage dans la crise. Nous avons pris cette initiative comme d’autres pays. Nous formulons le vœu que ces appels à l’arrêt de la violence et des combats soient entendus et que la sagesse finisse par prévaloir de sorte que les Soudanais s’assoient autour d’une même table pour trouver une solution pacifique à leur différend quel qu’il soit.
Réalisée par Seini Seydou Zakaria (ONEP)