Première femme Officier au sein de la Garde Nationale du Niger, corps qu’elle a intégré en 2008, Capitaine Ramatou Abdoulaye Hamadou a largement contribué à démystifier les préjugés portés à l’encontre des femmes qui servent au sein des Forces de Défense et de Sécurité au Niger. Cette ancienne pensionnaire de la prestigieuse Ecole de Formation des Officiers des Forces Armées Nigériennes (EFOFAN) est aujourd’hui un modèle pour beaucoup de jeunes filles qui veulent s’engager et faire carrière sous le drapeau. Depuis 2016, elle occupe le poste de Chef division affaires administratives à la direction des ressources humaines (DRH) de la Garde Nationale du Niger.
Mon Capitaine, qu’est-ce qui vous a motivé à choisir de faire carrière au sein des FDS ?
Servir sous le drapeau a toujours été une passion pour moi. Depuis mon jeune âge, je suis fascinée par la rigueur, la discipline, la loyauté, le respect des autres, et surtout le dépassement de soi qui caractérisent les forces de défense et de sécurité. C’est donc normal que j’intègre les Forces de Défenses et de sécurité. Porter la tenue et servir mon pays est en quelque sorte un rêve que j’ai caressé et qui s’est réalisé pour moi.
En quoi consiste votre travail et quel impact a-t-il sur le travail des autres directions, services et unités ?
Mon travail consiste à gérer tout le personnel de la Garde Nationale du Niger. Ma Division est chargée de l’établissement des différents papiers administratifs, notamment les messages radios, les décisions ainsi que les arrêtés et décrets. J’assure aussi la liaison avec tous les services pour des questions relatives au personnel, l’établissement d’un contrôle nominatif annuel de l’ensemble du personnel de la Garde Nationale du Niger et la planification des affectations. La Direction des Ressources Humaines est en quelque sorte la direction centrale du corps dans le sens où elle définit des stratégies de gestion des ressources humaines qu’elle fera valider par le Haut-Commandant.
Avez-vous l’impression que vous devez travailler plus que vos collègues masculins pour prouver vos compétences afin de faire taire les préjugés qui sont fréquents dans les groupes mixtes ?
Non, pas vraiment ! Car, les nominations au poste se font en fonctions des profils, des carrières et des compétences. C’est juste que, quelques fois, on doit savoir s’imposer dans certaines situations qui sont heureusement rares. Etant donné que la femme est perçue comme faisant partie d’une couche vulnérable dans la société en général, elle se doit de fournir plus d’efforts pour pouvoir s’affirmer.
Est-il facile pour vous de concilier vie sociale et vie professionnelle ?
Certes, parfois c’est assez difficile de le faire, surtout quand on occupe certains postes de responsabilité. Il faut sortir très tôt de la maison et y rentrer tardivement. C’est assez compliqué. Et surtout que de fois, il peut y avoir des missions inopinées. Mais avec un conjoint compréhensif, c’est bien possible de concilier vie sociale et vie professionnelle. On doit faire beaucoup de concession pour y arriver.
Après tant d’années de vie professionnelle, quelles sont les difficultés auxquelles vous avez eu à faire face ?
D’abord, être Garde National exige énormément de discipline et de motivation. Entre autres, il y’a le respect de la hiérarchie. Donc, il faut savoir être très obéissant. Je n’ai pas personnellement eu à faire à des difficultés mais plutôt à une discrimination positive par rapport à l’emploi et les désignations des missions dynamiques. En dehors de cela, je suis utilisée comme les masculins pour le service Garnison, en l’occurrence les permanences.
Quelle est la réaction de vos collègues masculins, en particulier lorsqu’il vous arrive de donner des ordres ?
Dans le cadre du commandement, les ordres sont stricts et chaque subordonné est en obligation de les exécuter, conformément aux dispositions du Corps. Il y’a toujours des brebis galeuses qui essayent, quelques fois, de se dérober pour ne pas les exécuter car, pour eux, être commandé par une femme est un signe de faiblesse. Dans ces cas de figure, on applique le règlement de discipline générale pour sanctionner les récalcitrants.
Quel est votre message à l’endroit de vos collègues féminins qui se sous-estiment face à la pression des tâches dans un environnement largement dominé par les hommes ?
Nous, féminins, nous ne devons pas nous laisser marginaliser par les hommes sur le plan du travail. Nous sommes aussi capables d’occuper des postes de responsabilité que nos confrères masculins. Parmi nous, il y’en a qui sont physiquement et intellectuellement plus aptes que les masculins. Donc, nous ne devons pas nous décourager. Nous devons plutôt faire nos preuves afin d’être acceptées et prises au même pied d’égalité que nos confrères masculins. Nous devons nous battre pour l’égalité des chances au travail.
Partant de votre propre expérience, que diriez-vous aux jeunes filles qui rêvent de faire carrière sous le drapeau ?
Pour les jeunes filles qui rêvent de faire carrière sous le drapeau, je leur dirai de ne surtout pas hésiter à tenter de faire de leur rêve une réalité. Je dirai à mes chères sœurs qu’elles sont capables et de ne pas se laisser décourager par ce qu’elles entendent sur les contraintes de la formation militaire. C’est certes un peu difficile, mais quand on veut ou peut. Je les encourage vivement à déposer leurs candidatures partout où il le faut afin d’intégrer les différents corps pour servir notre pays. Je leur confirme que le service militaire est un excellent moyen d’apprentissage et de développement de nouvelles compétences.
Quel est votre combat actuel pour soutenir vos sœurs?
Le thème qui me tient à cœur est la professionnalisation des femmes des armées. La mise en œuvre d’un tel concept permettra d’accélérer la féminisation et l’orientation des femmes dans les différentes spécialités. Elle permettra aussi de bien structurer leur insertion dans ce secteur où les contraintes du métier sont particulièrement exigeantes mais surmontables.
Propos recueillis par Souleymane Yahaya (ONEP)