Les députés membres de la Commission des Affaires Générales et Institutionnelles (CAGI) de l’Assemblée Nationale ont effectué une mission de travail, du 14 au 18 juillet 2023 à Agadez. A la fin de cette mission, le député Kalla Moutari, président de ladite Commission et chef de la mission a animé un point de presse dans la salle de réunions du Gouvernorat. Il a, à cette occasion, expliqué que l’objectif de cette mission est d’évaluer la mise en œuvre de la loi 2015-036, d’évaluer la mise en œuvre des réformes judiciaires et de s’enquérir de la situation migratoire dans la région.
Au cours de cette mission, la délégation parlementaire a eu des rencontres et des échanges avec les autorités administratives civiles et militaires, les organisations internationales intervenant dans la gestion de la question migratoire et des réfugiés, les organisations socioprofessionnelles. Les députés ont également effectué des visites dans la ville d’Agadez, à Arlit et au village frontalier d’Assamaka, dans les centres de transit des migrants et dans les camps des réfugiés et demandeurs d’asile. Des rencontres et visites qui ont permis aux parlementaires de tirer une conclusion et de dégager leur perception sur toutes les questions particulièrement au sujet de la question migratoire et la sécurité.
S’agissant de la révision de la loi sur le trafic Illicite des migrants et flux migratoire, les préoccupations soulevées par les autorités administratives et coutumières sont entre autres l’impact sur l’économie locale avec une perte de plus de 6750 emplois ; le non-respect des engagements pris par les partenaires pour la mise en œuvre des projets de reconversion, avec moins de 30% des acteurs assistés ; l’échec du plan de reconversion des anciens guides et transporteurs par défaut de financement des partenaires. Tout cela a conduit certains acteurs de recourir aux voies de contournement plus périlleuses surtout avec la fin du financement du projet de renforcement de la coexistence pacifique, fruit d’un partenariat entre le sultanat et le HCR en 2022.
Sur la question sécuritaire, les députés ont relevé un regain d’insécurité dans la ville d’Agadez et des attaques de grande envergure dans la région, notamment sur les axes Agadez-Arlit ; Arlit Assamaka, Agadez-Dirkou et Agadez-Tahoua par des bandits locaux et des bandits lourdement armés. Une situation qui nécessite le renforcement des moyens militaires, notamment aérien et les moyens de repérage pour permettre aux FDS d’y faire face avec efficacité. Les parlementaires ont salué le lancement de l’opération ‘‘GARKUA’’ (le bouclier) qui contribue fermement à améliorer la situation sécuritaire.
Sur les reformes judiciaires et la révision de la loi sur le trafic Illicite des migrants et flux migratoire, la mission a relevé l’absence de concertation avec les FDS sur les reformes judiciaires ; l’absence de retour d’information sur les procédures judiciaires transmises aux tribunaux ; l’insuffisance des infrastructures (salle d’audience) ; l’insuffisance du personnel ; l’absence de prise en charge des juges des Tribunaux d’Instance venant en appui pour la tenue des sessions des chambres criminelles et l’apparition de nouvelles formes de délinquances y compris des atteintes aux mœurs. Dans la perspective de l’amélioration de cette situation, les députés ont souligné la nécessité d’accroitre le budget de fonctionnement des chambres criminelles ; l’affectation de 3 nouveaux greffiers ; la réduction de la surpopulation carcérale.
A l’issue des rencontres avec les élus, les transporteurs et avec toutes les autres parties sur la réforme de la loi sur le trafic illicite des migrants, la mission a relevé d’importantes préoccupations qui nécessitent une prise en charge immédiate. Les députés ont d’abord remarqué des refoulements systématiques de milliers de migrants sur le sol nigérien en violation des conventions internationales sur le respect des frontières et du droit humanitaire international. L’accueil et l’hébergement de ces migrants africains et d’ailleurs impactent négativement sur la sécurité des personnes et des biens à Assamaka, Arlit et Agadez à cause de la promiscuité de ces migrants avec la population. La mission a recommandé le déplacement urgent des différents sites d’accueils hors des villes tout en créant les conditions de leur sécurité. La mission parlementaire a également relevé que ce flux migratoire est à la base de la recrudescence de la consommation de drogue chez les jeunes filles et les mineurs ; le développement de la mendicité ; la recrudescence de l’insécurité (vol, drogue, agressions physiques) ; la détérioration des mœurs et du climat social ; l’absence de moyens des services étatiques pour y faire face.
Les échanges avec le commissaire d’Assamaka ont permis aux parlementaires de connaitre les difficultés auxquelles le commissariat est confronté. Il s’agit entre autres du développement des trafics et de la criminalité au niveau de la ‘’Dune’’ ; de la difficulté de contrôle et de gestion du fait de l’absence d’un statut administratif de la ‘’ Dune’’; de l’absence de moyen logistique pour le commissariat ; de l’insuffisance de ressources humaines et l’absence d’agents spécifiquement affectés au commissariat; de l’absence de chef de village à Assamaka et bien d’autres soucis.
Avec les responsables des centres et les migrants et réfugiés, les députés ont relevé des difficultés dans la mise en œuvre de la politique de retour volontaire par l’OIM, faute de financement suffisant ou encore l’insuffisance d’agents (un seul infirmier contractuel affecté au centre pour environs 4000 personnes), l’insuffisance de la capacité d’accueil ; l’insuffisance de la prise en charge alimentaire et sanitaire. A cela s’ajoutent l’épidémie de rougêole avec 40 malades mis à l’isolement ; une trentaine de femmes enceintes nécessitant une prise en charge spéciale et plusieurs femmes allaitantes qui ont besoin d’une alimentation de qualité sur le site des réfugiés maliens refoulés d’Algérie et le problème d’eau.
Pour le député Kalla Moutari, la situation des migrants pose des défis importants à notre pays. « La gestion du flux migratoire nous pose des problèmes humains cruciaux. Elle nous pose des problèmes d’insécurité presque insupportables. Nous avons visité des camps, nous avons posé des questions. Et ni l’OIM, ni le HCR et ni d’autres partenaires que nous avions trouvés sur le terrain ne nous ont tracé des perspectives heureuses sur le phénomène qui sevit sur la région d’Agadez. Nous n’avons pas vu des perspectives sur la fin de ce phénomène dans notre pays », a déclaré l’honorable Kalla Moutari.
Ali Maman ONEP/Agadez