En 2020, les quatre opérateurs de téléphonie mobile (Airtel Niger, Orange, Niger Télécom et Moov-Niger) ont contribué à hauteur de 125 millions de FCFA à l’effort de lutte contre la pandémie de Covid 19 au Niger. Cette contribution n’a représenté qu’une infime partie des besoins exprimés par le gouvernement dans le cadre de la lutte contre la pandémie.
Airtel Niger (devenu Zain) qui détenait près de la moitié des abonnés mobiles au moment de la Covid19 a contribué à hauteur 65 millions, soit 0,09 % de son chiffre d’affaires en 2020 qui était de 71.372.278.074 FCFA. Au même moment Moov Niger (Aujourd’hui Atlantique Télécom) qui a réalisé un chiffre d’affaires de 36.538.762.614 FCFA a apporté une contribution de 15 millions, soit 0,41 % de son chiffre d’affaires. Face à l’impact de cette épidémie sur tous les secteurs, la contribution directe des opérateurs de téléphonie, se révèle ainsi mitigée.
Un manque d’engagement vis-à-vis des communautés
D’après le rapport 2021 de l’Autorité de régulation des communications électroniques et de la poste (ARCEP), les opérateurs du secteur des communications électroniques cumulent un chiffre d’affaires de 267 357 333 131 FCFA.
Comparée aux chiffres d’affaires qu’ils réalisent au Niger, la contribution des opérateurs de téléphonie mobile à la lutte contre la Covid est insignifiante surtout lorsqu’on la rapporte aux besoins de financement exprimés par le gouvernement dans le cadre de la riposte à la pandémie.
Cette contribution représente seulement 0,059 % de leurs chiffres d’affaires cumulés de l’année qui était de 210.264.307.614 FCFA. Elle représente par ailleurs, 0,02 % des besoins exprimés par le gouvernement dans le plan de riposte à la crise qui sont de l’ordre de 597,2 milliards de Francs CFA. Cette situation révèle, une fois de plus, la problématique de l’engagement des multinationales aux côtés des communautés.
Des contributions indirectes
Le confinement et les mesures de distanciation sociale édictés par les autorités sanitaires ont négativement impacté tous les secteurs d’activités. Ecoles, universités, marchés, lieux de cultes ont été fermés pour éviter le regroupement de personnes et réduire les risques propagation de la maladie. Dans ces conditions, les opérateurs de la téléphonie mobile, ont été, d’un grand apport dans l’atténuation des effets de la pandémie.
Ainsi, à travers les différents services (voix, messagerie, Internet, etc.) qu’ils offrent, ces opérateurs ont permis la continuité des activités (commerce en ligne, e-learning, consultations sanitaires à distance, réseaux sociaux, etc.), réduisant par la même occasion les effets négatifs du confinement. «En plus du chèque de 20 millions de FCFA remis au comité technique interministériel chargé de la gestion de la crise, nous avons aussi fourni d’autres services dont les coûts ne sont pas évalués, mais ils sont importants. A titre d’exemple à chaque fois qu’il y a une rencontre internationale, nous ouvrons gratuitement la bande passante pour permettre aux autorités et à d’autres acteurs d’y participer. Nous avons aussi créé des numéros verts pour permettre aux citoyens d’alerter les services compétents ou demander l’aide. Nous avons enfin conçu et diffusé des messages de sensibilisation à nos abonnés», confie M. Roufaï Dandoua, responsable communication à Niger Télécom.
Facteurs limitants
Cependant cette contribution est relative, en raison de certains facteurs comme l’accès limité à Internet, à l’électricité mais aussi l’analphabétisme des populations.
Le Niger a une superficie de 1.267.000 Km2 dont les 2/3 sont désertiques et une population estimée à plus de 23 millions d’habitants en 2020. Il disposait de 4030 établissements sanitaires publics et privés tous niveaux confondus assurant un taux de couverture de 50,63 % en 2020.
Quatre opérateurs se partagent le marché de la téléphonie mobile au Niger. Il s’agit de Airtel avec 5.014.609 abonnés, Atlantique Télécom avec 3.005.165 abonnés ; Niger Télécom avec 1.101.909 abonnés et Zamani (ex Orange Niger) avec 3.157.321 abonnés, soit un total de 12.279.004 abonnés.
Même si le taux de pénétration du mobile a atteint 53,64 %, l’accès à Internet n’est pas systématique. Ainsi sur plus de 12 millions d’abonnés, 6.973.672 ont accès l’internet mobile alors que la population totale dépasse 23 millions d’habitants. C’est dire que près de 17 millions de Nigériens n’avaient pas accès à Internet mobile en 2020. Aussi, la longueur totale du réseau par fibre optique était de 3.847 km en 2020, ce qui ne représente pas grand-chose pour un pays vaste de 1.267.000 km.
Par ailleurs, le faible taux d’accès à l’électricité qui était de 14,7 % (données SNAE) limite aussi l’impact de l’apport des opérateurs mobiles dans la gestion de la pandémie. En effet, sur 14.000 localités administratives que compte le Niger, seules 823 sont électrifiées. En milieu rural particulièrement, l’obstacle qui se pose le plus aux usagers du mobile est lié à la disponibilité de l’énergie pour re-charger les téléphones.
En outre, le taux élevé d’analphabétisme qui est de 68,9 % en 2021 n’as permis aux utilisateurs de tirer les meilleurs avantages de l’usage de l’Internet dans le contexte de la pandémie. En effet, la période de la pandémie a été accompagnée d’une vive polémique sur la maladie, le traitement et surtout les vaccins. Certains influenceurs ont vite saisi la plage qu’offrent les réseaux sociaux pour véhiculer des fausses informations. «Les populations analphabètes ont pris pour vérité, toutes les informations véhiculées par les réseaux sociaux. Cela a conforté l’opinion que beaucoup se font sur les vaccins. Il y a eu de la résistance à la vaccination. Bien que les vaccins soient disponibles, les populations ont refusé d’aller se faire vacciner en masse. Intoxiqués par les réseaux sociaux, certains individus ont même cru que le Coronavirus n’existe pas et que c’est encore un ‘’truc inventé par les occidentaux’’ pour obliger les gens à se faire administrer les vaccins», regrette Ali Maman, président du Mouvement des jeunes pour le développement et l’éducation citoyenne (MOJEDEC), une organisation de la société civile.
Ce que confirment, les statistiques de l’OMS selon lesquelles seulement 1.547.038 personnes ont été effectivement vaccinées à la date du 21 mars 2022 au Niger alors que le pays a reçu 6.639.170 doses de vaccins.
NB : Cet article est réalisé dans le cadre du programme de formation en data journalisme dispensé par l’Ecole Supérieure des Métiers de l’Internet et de la Communication (E-jicom, Dakar-Sénégal)
Siradji Sanda(onep)