Un vent très frais accompagné d’une fine poussière souffle depuis quelques jours sur Niamey. Un temps qui n’est pas sans conséquences sur la santé des populations, surtout les enfants. Au CSI Yantala Nord, à 8 H déjà les deux bancs en fer rangés à l’air libre dans la cour pour accueillir les mamans des nourrissons sont bondés de monde. Recroquevillées dans leurs hidjabs au sein desquels sont emmitouflés les bébés, les femmes attendent impatiemment leur tour au niveau de la consultation des nourrissons. L’ennui que leur cause cette baisse de température est visible à l’œil nu. Le carnet de consultation entre les mains, elles n’attendent que l’appel de Mme Inoussa Salamatou, l’assistante sociale, également chargée de la consultation nourrissons et de la prise en charge des enfants malnutris.
Comme dans une salle d’examen, les femmes rentrent dans le bureau de la chargée de la consultation des nourrissons, la main au cœur. C’est en effet ici que la santé des enfants est soigneusement décryptée, que les malnutris sont recensés et que leurs mamans sont soumises à des séances de démonstration diététique pendant plusieurs jours jusqu’au rétablissement de l’enfant. Mme A. I dit être satisfaite à la sortie du bureau de l’assistante sociale. « On a beaucoup apprécié le poids de mon bébé et c’est avec un grand soulagement » dit-elle en s’empressant de quitter le CSI. Ce n’est pas le cas de Mme Hadiza rencontrée dans le quartier et qui, depuis près d’un mois, va régulièrement dans ce CSI du fait du poids de son bébé. Il a presque un an et toujours malade. « On m’a notifié qu’il est malnutri et qu’il nécessite un suivi », se lamente-t-elle avant de maugréer que « ce n’est pas facile d’avoir un enfant qui a ce problème ».
« Nous recevons les enfants de 6 semaines à 59 mois. Nous détectons certains enfants malnutris au cours des consultations nourrissons que nous faisons quotidiennement », explique Mme Inoussa Salamatou. Elle précise toutefois qu’il y a des enfants qui sont référés au CSI. « Ils nous viennent du CRENI, des consultations curatives et pour d’autres, c’est nous-mêmes qui les détectons dans les quartiers à travers les femmes relais. Par mois le CSI Yantala Nord peut recevoir de cinq à dix enfants. Mais cela dépend des périodes », affirme l’assistante sociale. Par exemple, après la saison des pluies au moment où, les villageois quittent leur village pour Niamey, le taux de malnutris augmente, précise-t-elle. « Le taux augmente aussi quand on a des vagues de migrations. Ce sont des enfants de Niamey, puisque leurs parents viennent s’installer dans les alentours des quartiers comme Koubia, Losso Goungou à la périphérie de Niamey dans notre aire de santé » ajoute-t-elle.
A chaque étape de la croissance de l’enfant correspond un régime alimentaire
Mme Inoussa chargée de la nutrition des nourrissons depuis plusieurs années, explique aisément qu’il y a deux formes de malnutrition. La malnutrition sévère et la malnutrition modérée. Après avoir vérifié que l’enfant est effectivement malnutri, la bataille commence. Si c’est la malnutrition sévère affirme-t-elle, nous avons des intrants comme « plumpy nut » que l’UNICEF nous fournit et que nous donnons aux mamans pour l’alimentation de leurs enfants. Si c’est la malnutrition modérée, nous donnons gratuitement de la farine aux mamans pour faire la bouillie aux enfants. « Nous faisons surtout des démonstrations diététiques pour expliquer aux mamans comment préparer ces aliments une fois arrivées à la maison. En plus des intrants, nous leur apprenons également quels produits locaux utiliser dans l’alimentation des enfants et comment les préparer. Lors des démonstrations, nous leur apprenons comment faire un plat équilibré et varié avec toujours les produits locaux », précise-t-elle.
Par rapport au poids de l’enfant, Mme Inoussa explique qu’il y a une fourchette. « Ça dépend de la taille, de la morphologie et des parents aussi. Le poids varie de 8,5 à 12 Kg », dit-elle. En somme, selon ses explications, un enfant doit à 6 mois doubler son poids de naissance et le tripler à un an. « Naturellement les enfants malnutris pèsent moins que ça », ajoute –t-elle.
Même s’il y a plusieurs causes à la malnutrition, Mme Inoussa affirme tout simplement qu’une alimentation qui n’est pas adaptée expose les enfants à la malnutrition.
S’agissant des conséquences de la malnutrition, elle cite le retard dans tous les domaines constaté chez l’enfant malnutri qui devient comme ‘’un idiot’’. C’est pourquoi, il est important, selon elle, que les mamans viennent dans les centres de santé pour les consultations nourrissons. C’est au cours de ces consultations qu’elles vont comprendre qu’à chaque étape de la croissance de l’enfant correspond un régime alimentaire et on explique aux mamans comment faire à travers les démonstrations diététiques.
Certaines mamans ne comprennent pas qu’un enfant a besoin de construire son corps. Il a besoin de varier son alimentation, donc il a besoin d’aliments de croissance, d’aliments variés et c’est ça la difficulté. Il faut donc, selon Mme Inoussa, amener les mamans aussi à changer de comportement. « Avec nos produits locaux, on peut faire beaucoup de choses pour équilibrer l’alimentation de l’enfant. C’est pourquoi, nous demandons suffisamment de moyens pour faire beaucoup de sensibilisation aux mamans afin de leur expliquer l’intérêt d’une alimentation équilibrée pour l’enfant », affirme-t-elle.
La nutritionniste du CSI Yantala Nord abonde dans le même sens. Maïmouna explique en effet que la malnutrition résulte d’une alimentation mal équilibrée. « Elle affaiblit le système immunitaire et rend vulnérable l’enfant », dit-elle. Pour la nutritionniste, la malnutrition est causée par la pauvreté et l’ignorance.
Pour l’éviter, il faut, selon Mme Maïmouna, utiliser des aliments riches, les bonnes pratiques, les suppléments, les micro nutriments, le déparasitage de l’enfant et la sensibilisation.
A 6 mois, elle conseille de donner de la bouillie à l’enfant ; à 7 mois, une purée de légumes et à 8 mois, elle pense qu’il est important de lui donner de la purée de haricot. C’est avec ces stratégies que la nutritionniste et l’assistante sociale associent leurs efforts et leurs expériences pour amener les mamans à améliorer et à équilibrer l’alimentation de leurs enfants afin de lutter véritablement contre la malnutrition.
Fatouma Idé (ONEP)