Des talents et des fins artisans pleins de créativité, il en existe aussi chez les personnes en situation de handicap. De la maroquinerie, à la menuiserie métallique et bois en passant par l’embouche bovine et la fabrication de la craie pour ne citer que ceux-là, aucun de ces métiers ne dépasse les capacités des personnes handicapées. Celles-ci sont aussi capables de tout faire sauf « courir » comme l’a si bien déclaré le président de l’association des personnes handicapées locomoteurs Alzouma Maiga Idriss. Pour faire étalage de ce savoir-faire, l’association a organisé du 1ᵉʳ au 7 décembre dernier une foire nationale inclusive pour faire la promotion de leurs talents et de leurs produits qui n’ont rien à envier à ceux fabriqués par les personnes non porteuses de handicap.
En effet, c’est dans le centre de formation des personnes handicapées sis au quartier Bandabari de Niamey que plusieurs exposantes ont dressé leurs stands pour exhiber une panoplie de produits issus des huit régions. Ces produits comprennent entre autres du poisson séché et de l’encens de Diffa, du fromage d’Agadez, l’huile ou encore la patte et l’huile d’arachide de la région de Dosso et d’articles artisanaux.
Selon le président de l’Association des personnes handicapées locomoteurs (ANHL), M. Alzouma Maiga Idriss, le commun des Nigériens doit découvrir que la personne handicapée n’est pas seulement une mendiante. Elle, n’est pas non plus faite pour tendre la main, ni pour faire l’objet de pitié. « Nous avons des talents que nous voudrions faire découvrir à la population nigérienne. C’est pour cela que nous avons organisé cette foire pour faire découvrir les produits que nous fabriquons en vue de prouver que nous pouvons apporter notre contribution à la vie sociale et économique du pays, notre apport en tant que citoyens du Niger », a-t-il expliqué.
Assumant bien son handicap, M Alzouma soutient qu’il n’est pas resté les bras croisés. « Je suis certes une personne handicapée physique. Mais nous sommes productifs. Avec mes camarades nous fabriquons des ballons des tennis de table et de football, des grillages, des serviettes, de la craie, de la maroquinerie et de l’agroalimentaire », a-t-il confié avant de préciser que tous les domaines sont couverts par les personnes handicapées. « Nous le faisons avec le cœur parce que nous ne voudrions pas que nos produits soient perçus comme porteurs de handicap. Parce que souvent les gens pensent que les produits que nous fabriquons sont aussi défaillants ou peuvent l’être et nous voulons prouver à travers cette foire que nos talents sont irréprochables. Il y a des artisans sportifs, on fait du théâtre-forum, nous pratiquons toutes sortes de sport, nous faisons de la couture, etc. », indique-t-il avec fierté.
Cette foire inclusive est certes organisée par les personnes handicapées, mais elle est ouverte à toutes les couches de la population. « Nous voudrons montrer que nous sommes également capables. Tous les commerçants, tous les producteurs peuvent se joindre à nous, nous sommes à la deuxième édition et nous prions Dieu pour qu’Il nous prête longue vie et qu’Il nous donne la volonté et la chance d’avoir les moyens nécessaires pour l’organiser chaque année », ajoute M Alzouma.
Des produits à l’épreuve des préjugés
Les préjugés des uns et des autres sur les personnes handicapées constituent aujourd’hui un frein majeur à la mise en valeur des talents des personnes handicapées. En effet, les produits fabriqués par cette couche sont souvent confrontés à une mévente en dépit du dur labeur pourtant déployé par les producteurs en situation de handicap. Malgré aussi la qualité des produits tissés, forgés suivant les normes de qualité et travaillés avec le cœur dans l’espoir d’être vus à leur juste valeur. « Nous sommes issus de la société, nous ne vivons pas en dehors de cette société et nous ne voulons pas que les gens achètent nos produits sur la base de la pitié, mais sur la base de nos compétences. Ce sont nos compétences que nous sommes venues exposer et de plus en plus nos produits sont connus et appréciés du grand public», a-t-il ajouté.
Ainsi, nous nous sommes demandé sur comment changer les mentalités ? Quoi de plus normal que la démonstration par les actes concrets et cela passe effectivement, le reconnait le président, par une participation pleine des personnes en situation de handicap à tous les secteurs de la vie, en apportant leur contribution car, quelles que soient les époques, on ne montre sa valeur que par les actes et non par la parole. « Nous avons des talents, nous ne parlons pas pour parler, nous le démontrons dans les actes, dans les comportements, dans les manières de faire, partout où nous sommes. Si je dois être au boulot de la même manière que les personnes non porteuses de handicap se comportent, je me comporte de cette manière, sinon plus, pour qu’on ne doute pas de mes capacités. Nous prêchons par l’exemple », martèle-t-il.
La formation professionnelle, une autre voie d’insertion socioprofessionnelle
Au centre de formation Banda Bari, les personnes handicapées, au-delà de la production, de la commercialisation, sont d’abord formées, initiées aux différents métiers artisanaux et à la transformation agroalimentaire. « Souvent, on reçoit des personnes handicapées qui viennent même de l’intérieur du pays pour apprendre un métier. Donc c’est vraiment l’objectif par excellence de ce centre », selon M. Alzouma Maiga Idriss. La structure est appuyée dans sa mission par des partenaires dont le principal est le Comité international de la croix rouge (CICR).
« Le CICR nous appuie aussi bien dans la formation que dans le petit commerce, les AGR, la production des tricycles, la dotation en béquilles, en fauteuils roulants et des appareils pour les personnes handicapées, notamment pour celles qui sont amputées. On a des partenaires financiers et techniques qui nous accompagnent effectivement en fonction des conférences que nous organisons et l’État aussi nous accompagne à travers les appuis techniques et le soutien moral, mais nous attendons toujours l’appui financier. », souligne-t-il.
Toutefois, pour amener la population à s’intéresser, à consommer et à expérimenter leurs articles et produits, l’association mène des séances de sensibilisation envers les populations. M Alzouma garde de l’espoir côté clientèle tout en soulignant que l’offre est toujours plus forte que la demande. C’est pourquoi sollicite-t-il que l’État leur accorde la faveur d’acheter tout ce qu’ils produisent pour ensuite les remettre sur les marchés ou d’autres usages dans les structures étatiques. « C’est l’État et les entreprises qui doivent nous accompagner en achetant nos produits. Nous estimons que si les entreprises et la population peuvent acheter, cela nous ferait beaucoup de bien », conclut-il.
Hamissou Yahaya (ONEP)