Swiss UMEF, branche d’une université internationale dont le siège se trouve à Genève, depuis 1984, a commencé ses activités au Niger en 2017, dans le domaine du droit, management et de la diplomatie. Plus de 800 diplômés dont environ 200 boursiers entièrement ou partiellement pris en charge par l’université y sont formés. Le campus a accueilli cette année, 700 étudiants et étudiantes, dans les trois domaines précités et repartis entre les niveaux Bachelor et Master. Fort d’un partenariat ouvert avec et vers une centaine d’université internationales, le groupe dispose de 12 campus à travers le monde. Au Niger, Swiss UMEF envisage d’ouvrir bientôt une école d’ingénieurs et d’architecture sur un nouveau campus, pour une formation contextualisée à même de contribuer significativement à l’industrialisation du pays. Dans cet entretien qu’il a bien voulu nous accorder, le Directeur Général I. A. Tahirou Korombeizé passe en revue l’écosystème de l’enseignement supérieur au Niger et souligne l’impérieuse nécessité d’aller vers une valorisation du capital adéquate au contexte et au besoin d’une économie tournée désormais vers la souveraineté.
Bonjour monsieur, en tant que Directeur Général de Swiss Umef University of Niger, voudriez-vous vous présenter brièvement ?
Je suis Tahirou Korombeizé, « André » pour mes familiers. Au nom du groupe genevois UMEF- , je dirige la filiale Swiss Umef University of Niger depuis juillet 2017, année de son ouverture.
Je suis non-voyant. C’est un statut que je ne manquerais pas de signaler, pour justement souligner le rôle de l’éducation comme ascenseur social sans égal. L’éducation est un droit pour tous. L’éducation supérieure de qualité doit être accessible au plus grand nombre. C’est cette valeur portée par le groupe suisse UMEF qui fonde mon engagement personnel à œuvrer à ses côtés pour la promotion de l’éducation au Niger.
A Swiss Umef University of Niger, vous pensez “différemment”, selon votre slogan. Quelle lecture faites-vous de l’écosystème de l’enseignement supérieur au Niger ?
La Suisse, berceau du groupe UMEF, est un milieu de haute compétition mondiale et d’innovation pointue pour maintenir ce pays aux exceptionnelles performances dans tous les domaines, à la tête des nations. Cela demande de se distinguer constamment de la concurrence, d’être capable d’innover, d’accepter de se remettre en question pour s’améliorer. C’est un environnement qui exclut la routine, et la sclérose. L’éducation est un domaine d’engagement et de sacrifice. Une université, dans un pays comme le Niger est une entreprise à vocation sociale, avant d’être une entreprise économique. « Penser différemment » est donc pour nous une philosophie, une doctrine, un fonds de valeurs et une disponibilité constante pour aider l’institution à se forger une âme distinctive, lui indexer un horizon de grands objectifs pour la société nigérienne et adapter sa stratégie en fonction des données de l’environnement de l’enseignement supérieur.
Au Niger, il faut le dire, l’enseignement supérieur ne brille pas particulièrement dans l’innovation et je crains que le pays ne soit distancé par tous ses voisins.
Quel doit être le rôle de l’enseignement supérieur dans la marche du pays, un Niger désormais engagé à recouvrer sa souveraineté tant politique que socio-économique ?
Les milieux académiques ont partout et de tout temps, pour rôle de fournir les cadres en charge de penser une vision pour le pays et en esquisser les grandes orientations stratégiques. Partout où l’émancipation politique et le développement économique ont pu être possibles, les universités en furent à la base. C’est dire le lien étroit entre les institutions de gouvernance et les milieux universitaires d’une part, et les milieux universitaires et les entreprises d’autre part. La souveraineté politique et économique se réaliseront à travers des liens dynamiques entre l’université et ces deux pôles, ou alors elle ne s’obtiendra pas. Une université n’a pas pour vocation de délivrer simplement des diplômes. Elle doit surtout s’impliquer dans les hautes réflexions stratégiques du pays. A Swiss Umef nous avons pour tradition de convier des personnes éminentes à ce genre de réflexions pour les traduire souvent en recommandations aux milieux de décision. Il reste bien-sûr à susciter de la part de toutes les universités du pays une telle dynamique de mise en batterie des grands esprits pour aider la gouvernance dans sa mission. Certes, des universitaires sont entendus tous les soirs sur des plateaux de télévision pour donner des appréciations personnelles sur les évènements en cours au Niger. Mais il faut regretter le fait que les universités du pays n’aient pas encore créé une synergie sur ce terrain en se mettant ensemble, par exemple au cours d’un simple colloque pour émettre des propositions d’orientation stratégique en direction des preneurs de décisions. Nous avons commencé à réfléchir sur un tel projet au niveau d’UMEF.
Je suis au regret de le dire, les universités accusent déjà un grand retard sur la marche du pays, alors que le peuple est debout et engagé à pousser à des réformes politiques, économiques et sociales. Les universités sont la lanterne du peuple. Elles sont attendues à prendre officiellement part à ce rendez-vous historique.
Pour remplir ce rôle, quelle doit être l’attitude des autorités, en soutien à la mission républicaine de l’enseignement supérieur, surtout privé ?
Les autorités doivent travailler à des réformes profondes pour libérer l’enseignement supérieur de ses nombreux problèmes. Ce domaine souffre du manque de vision pour le pays. Il souffre de la politisation de ses milieux de décision. De ce fait l’enseignement privé baigne dans la complaisance la plus effarante quand on sait la rigueur qu’il y a ailleurs. Il se déroule dans la tolérance de programmes au rabais et non harmonisés, d’années académiques conduites de manière désinvolte, de diplômes carrément achetés souvent, d’institutions de formation œuvrant simplement pour l’argent, se refusant ainsi à investir, etc., les maux sont indescriptibles.
J’en appelle à plus de rigueur pour sauver l’enseignement public et privé. C’est une question de grande préoccupation car elle relève de la qualité du capital humain du pays.
Quelle est votre vision, dans ce nouveau Niger, sur la formation de cadres et ingénieurs au service du développement du pays ?
La qualité est le principal attribut de la Suisse à travers son haut standard de vie, son cadre de vie respectueux de l’environnement, ses industries et ses services. L’étendard suisse que nous arborons et les certifications de qualité qui sont décernées au groupe UMEF nous obligent à des normes de qualité en matière d’infrastructures d’accueil et qualité des enseignements. Le campus du quartier Terminus est le fruit d’une promesse faite à l’Etat nigérien d’investir dans le secteur éducatif.
Nous prouvons par cet investissement de près de quatre (4) milliards de FCFA, notre pari sur l’avenir et notre engagement à durer au Niger. A Swiss Umef University nous ne regardons pas à la dépense pour jouer notre rôle d’une université qui se veut internationale et qui veut figurer au Top 10 des universités africaines à moyen terme. Dans cette optique, nous investissons dans une infrastructure aux normes internationales, nous convions d’éminents enseignants locaux et internationaux à dispenser les formations et nous nous entourons du maximum de procédures pour promouvoir une gestion impersonnelle empreinte de rigueur et d’efficacité.
Nous offrons dans les stricts délais académiques des diplômes de qualité internationale en Droit, Diplomatie et Management.
Cela dit, notre institution a aidé le gouvernement dans ses efforts de modernisation de l’administration publique en formant à ce jour au cycle du Master plus de cent fonctionnaires gouvernementaux de haut niveau de décision. Et pour nous ancrer davantage dans la formation du capital humain, nous travaillons à ouvrir en octobre 2024, in shaa Allah, une école d’ingénieurs. Le Niger a beaucoup de potentiel pour se développer. Ce développement passera par son industrialisation et la formation d’un capital humain solide et diversifié. C’est un axe majeur de plan stratégique.
Un mot pour clore l’entretien ?
Je présente mes félicitations au CNSP, au gouvernement et au peuple nigérien à l’occasion de ces moments historiques que vit le pays. J’appelle à l’unité et à l’engagement patriotique pour que le pays traverse vaillamment cette phase de lourdes épreuves résultantes de sanctions économiques, commerciales et financières que tous les Nigériens sentent durement. Tenez, notre chantier de campus a connu des surcouts de plus de trois cents millions FCFA dus à des surestaries et des frais de transports.
La liberté s’acquière par la lutte et seuls les grands peuples en sont capables et le peuple nigérien est capable du meilleur.
Propos recueillis par Ismaël Chékaré (ONEP)