La drépanocytose est une maladie génétique qui affecte les globules rouges, responsables du transport de l’oxygène dans le sang. Le plus souvent diagnostiquée à la naissance, elle se manifeste par une anémie chronique, une plus grande vulnérabilité aux infections et des crises douloureuses affectant divers organes. En effet, la drépanocytose est une maladie chronique pour laquelle il n’existe pas, à l’heure actuelle, de guérison. Cependant, la pratique ciblée du dépistage de la drépanocytose à la naissance permet une prise en charge médicale précoce qui est la clef d’un meilleur pronostic et d’une qualité de vie préservée.
La drépanocytose est un problème de santé publique qui touche plus de 5% de la population. Elle est l’une des maladies dont la prise en charge est des plus chères au monde et touche les personnes de tout âge. C’est pourquoi, pour alléger leurs souffrances et celles des patients, les parents dont les enfants souffrent de la drépanocytose se sont réunis pour mettre en place une association dénommée Association de Lutte contre la Drépanocytose au Niger (ALDN).
Mme Hima Fatoumata est la présidente de l’Association de Lutte contre la Drépanocytose au Niger, une association qui est d’ailleurs la toute première à lutter contre cette maladie puisqu’elle a obtenu son agrément en 1996, pour des textes rédigés depuis 1992. « Notre association a été créée par un groupe de parent d’enfants drépanocytaires qui se rendaient très souvent en consultation à l’hôpital national de Niamey. À l’époque, c’était à la pédiatre B de l’hôpital national de Niamey où le professeur Abdou Sanda était le médecin-chef. C’est lui seul qui accueillait les enfants drépanocytaires à Niamey à l’époque. Comme les crises des enfants ne sont pas espacées, on se retrouve presque tous au même moment. On a eu à discuter des problèmes que chacun de nous rencontre par rapport à la maladie de son enfant. C’est après tout cela que le Professeur Abdou Sanda lui-même nous a conseillé de nous regrouper en association parce qu’il dit recevoir beaucoup d’enfants et de parents drépanocytaires et il entend beaucoup de plaintes des parents », a-t-elle raconté.
Selon son récit, après quelques désagréments dus à l’accueil des enfants drépanocytaires qui arrivent dans un état lamentable, ils ne sont pas immédiatement pris en charge du fait que d’autres enfants sont reçus par la pédiatre A&B de l’hôpital national à l’époque. « On a vu que le personnel n’est pas suffisant pour s’occuper des patients et des urgences. C’est à partir de là, que nous avons décidé de faire sortir les enfants drépanocytaires de l’hôpital national, car il n’était pas adapté pour accueillir uniquement les enfants drépanocytaires. Suite à cela, nous avons fait un plaidoyer pour la construction d’un Centre National de Lutte Contre la Drépanocytose que nous avons soumis au niveau du Consulat de Monaco qui, à son tour, l’a soumis auprès du gouvernement de Monaco qui a trouvé un co-financement auprès d’une association, pour créer le centre qui était logé sur l’actuel emplacement du Centre Mahatma Ghandi », a rajouté Mme Hima Fatoumata.
Un centre ouvert avec plus de 2 millions de malades
L’actuel centre, a-t-elle souligné, a ouvert ses portes en 2010. A l’époque, il comptait plus de deux millions d’enfants drépanocytaires. Il a permis d’avoir un personnel disponible et qualifié pour les enfants drépanocytaires. « Le centre est exigu. Actuellement, on a, à peu près, 15 ou 17 lits. Avec cette saison des pluies, il y a beaucoup de paludéens, surtout que les drépanocytaires ne supportent pas le paludisme, il y a beaucoup d’enfants et d’adultes qui souffrent. On peut accueillir deux adultes sur un petit lit d’une place et les enfants, on peut trouver jusqu’à trois enfants sur un seul lit. Les conditions ne sont pas encore remplies pour que ça soit un centre en bonne et due forme. Mais, la direction actuelle est en train de batailler pour avoir un autre site afin de transférer le centre pour qu’il soit plus accueillant pour les enfants drépanocytaires », mentionne la présidente de l’association de lutte contre la drépanocytose.
Au Niger, la drépanocytose demeure plus qu’un problème de santé publique, car elle touche plus de 5 % de la population. C’est une maladie très pénible, dont la prise en charge n’est pas à la portée de tous les parents. « Un enfant drépanocytaire fait en moyenne 4 crises par an, au minimum. Il y en a qui sont constamment dans les centres ou dans les hôpitaux. Celui qui tombe le moins malade, le fait au minimum 4 fois, 5 à 6 fois voire 8 fois par an. Il y en a qui tombe malade tous les 2 mois. La prise en charge d’une seule crise va de 50.000 à 500.000 F, tout dépend du temps de séjour. Si un drépanocytaire fait 3 semaines au centre, le minimum qu’il faut dépenser, c’est entre 200. 000 et 500.000 F. Pour un parent de drépanocytaire dont le salaire tourne autour 34.000 FCFA, comment débourser au minimum 50.000 F 4 fois dans l’année soit 200.000 F? C’est tout un problème », dit-elle avec tristesse.
« Nous demandons aux décideurs une prise en charge gratuite de la drépanocytose et la mise en place d’un programme de lutte contre la drépanocytose »
Pour une meilleure prise en charge et une vie rassurante aussi bien pour les parents que pour les patients, la présidente de l’Association formule, à l’endroit du gouvernement actuel, une prise en charge totale pour les enfants drépanocytaires. « Tous les parents drépanocytaires sont des cas sociaux, il n’y a aucun parent en mesure de supporter convenablement le coût de la maladie d’un enfant drépanocytaire. Nous demandons aux décideurs une prise en charge gratuite de la drépanocytose et établir un programme pour la drépanocytose. Quand on fait le programme au moins, l’Etat peut avoir une politique claire pour la maladie. Comment prendre en charge la maladie et qu’est-ce qu’il faut mettre, comment faire la prise en charge pour que les parents soient soulagés ? Nous demandons également aux partenaires de nous aider pour avoir une assurance-maladie parce que tant qu’on n’a pas cette assurance-maladie, on est en train de rouler et de fabriquer plus de 5.000.000 de parents cas sociaux », a-t-elle formulé.
La drépanocytose et ses multiples formes
Dans une interview parue dans nos colonnes, Dr Beidari a expliqué que la drépanocytose est causée par un trouble au niveau des globules rouges. Cette anomalie de l’hémoglobine que transportent les globules rouges qui fournissent de l’oxygène au niveau des tissus et qui rapportent le gaz carbonique au niveau des poumons, entraîne la rupture des hématies. Cette mutation, a-t-il dit, unique et ponctuelle dans l’ADN, du gène codant, beta-globine, est située sur le chromosome 11 rendant rigides et collants les globules rouges qui prennent la forme C appelé ‘’faucille’’. Il existe, selon le médecin, plusieurs formes et différents niveaux de la maladie. « La drépanocytose est une maladie génétique autosomique récessive et on distingue plusieurs types. Il s’agit : de la forme SS, AS, SC, et AC, mais les principales formes qu’on reconnait au Niger sont la forme SS, SC et la forme S béta + ou béta -3 », a expliqué Dr Beidari.
En effet, lors de la célébration de la Journée Mondiale de Lutte contre la Drépanocytose, organisée par le Centre National de Référence de la Drépanocytose le mercredi 19 juin 2024 à Niamey, le Pr Badé Malan Abdou, Président du Conseil d’Administration du centre, a indiqué que la maladie constitue un problème de santé publique. Elle est peu ou mal connue au Niger, tant par son mode de transmission que par sa prévention qui est bien possible. « Au Niger, le syndrome drépanocytaire majeur ou drépanocytose touche environ 4, 5 % de la population. Le nombre de sujets hétérozygotes AS, également appelés porteurs sains, est estimé à plus de 23 % de la population générale, soit plus d’un Nigérien sur 5 », a mentionné le Pr Badé Malan Abdou.
Selon le Directeur Général du Centre National de la Drépanocytose, le Médecin Colonel Boureima Soumana, à la date du 19 juin 2024, 9.400 drépanocytaires ont été suivis au centre par un personnel pluridisciplinaire composé de médecins spécialistes, médecins généralistes, médecins nutritionnistes, des infirmiers, des communicateurs et des travailleurs sociaux. Les prestations offertes se résument, en 2023, à 17.301 consultations réalisées dont 3.365 enfants de moins de 5 ans. Plus de 900 cas de drépanocytose ont été dépistés en 2023 avec une hospitalisation chaque 4 heures et un nouveau cas dépisté chaque 5 heures.
Une maladie inquiétante qui fait des victimes chaque jour
Vivre avec la drépanocytose, c’est mener chaque jour un combat qu’on n’est jamais sûr de gagner. La petite Fatouma est atteinte de drépanocytose, une maladie qui lui a été transmise par ses parents, dont le père était conscient qu’il portait la maladie, mais la maman ignorait son statut de type AS. La mère de Fatouma se rappelle encore aujourd’hui la toute première crise qu’a piquée sa fille qui n’était âgée que de treize mois. « La crise s’est déclenchée tard dans la nuit, c’était aux environs de 2 h du matin. C’est vrai, au début, elle faisait de la fièvre, elle ne mangeait pas, c’est ainsi que la maladie a commencé. Je lui ai donné du paracétamol sirop, ça n’a pas marché, elle faisait des convulsions, tremblait, ses yeux étaient devenus blancs, j’étais très inquiète car elle n’a jamais fait ce genre de crise avant », se souvient-elle avec douleur.
Plus les heures passent, plus la crise s’aggravait. « Nous nous sommes directement rendues au CHU. On l’a conduite dans la salle d’urgence pédiatrique, où nous avons été interrogés sur les antécédents. J’ai expliqué que son papa était atteint de la drépanocytose, car moi, au début, je ne savais pas que j’étais porteuse du type AS. On nous a hospitalisées pendant trois jours, après les examens et tout, le résultat a indiqué qu’elle est porteuse du type SS », a indiqué la mère de Fatouma.
Après sa convalescence, a-t-elle dit, sur conseil des médecins « nous nous sommes rendues au Centre National de Référence de la Drépanocytose, où nous avons pu lui faire un dossier. Dieu merci, maintenant ça va. Avec le suivi, tout est rentré dans l’ordre. Au début, on nous donnait rendez-vous tous les 6 mois, maintenant, c’est tous les 5 ou 4 mois, tout dépend en réalité des examens », a-t-elle souligné.
Le CNRD : un centre qui répond aux attentes des patients
Le Centre National de Référence de la Drépanocytose est, selon la mère de Fatouma, un centre qui répond aux attentes des patients. « Au niveau du centre, on nous sensibilise sur la maladie : comment les patients doivent être habillés ? Comment les nourrir ? On nous dit de ne pas les laisser jouer avec du sable ou de l’eau. Pendant la saison froide, on nous conseille de les habiller au chaud, de ne pas les exposer à la fraîcheur, de ne pas les laisser sortir, d’éviter de leur donner des bains n’importe comment, de leur donner à manger des aliments nutritifs comme le lait, les fruits, le haricot et de ne pas les laisser se déshydrater. Le centre s’occupe très bien des enfants ! Quand on s’y rend, le personnel respecte les ordres d’arrivée et donnent à chaque patient le soin qu’il lui faut, selon les examens », a-t-elle avoué avec satisfaction.
Fatiyatou Inoussa (ONEP)