Le 14 novembre est célébrée la journée mondiale du Diabète. A cette occasion, nous avons rencontré l’endocrinologue/diabétologue, Pr Mahamane Aminou Mamane Sani qui, dans cet entretien, décrit sur les différentes formes du diabète, le mode de contraction de la maladie, les complications mais aussi les mesures idoines pour soigner, prévenir le diabète et comment vivre avec.
Professeur, qu’est-ce qu’on appelle le diabète ?
Le diabète est une maladie du métabolisme de glucide. C’est un problème d’assimilation de sucre lié à un problème de sécrétion d’insuline ou d’une anomalie de l’action de l’insuline. Cela se traduit par un taux de sucre élevé de façon permanente au-delà de 1.26g/litre de sang à jeun. Il y a d’autres critères pour définir le diabète notamment quand la glycémie est supérieure à 2g à n’importe quel moment avec des signes cliniques ou lorsqu’on fait la HGPO. Le 4ème critère, c’est lorsque l’hémoglobine glyquée (la moyenne des glycémies de deux à trois mois) est supérieure à 6.5 %. Il y a 4 critères pour savoir qu’on a le diabète. Le premier, c’est lorsqu’on a une glycémie au-delà de 1.26g /l à jeun, le second, c’est lorsqu’elle est toujours supérieure à 2g/l avec un excès d’urine, tertio, c’est quand l’hémoglobine glyquée est supérieure à 6.5 % et le quatrième critère lorsqu’après deux heures d’injection de glucose (HGPO) la glycémie est supérieure 2g. Donc, si quelqu’un présente un de ces critères alors il est diabétique. Lorsque la glycémie est élevée, il y a des manifestations dont l’excès d’émission d’urine (plus de deux à trois fois par nuit), la soif, l’amaigrissement et la fatigue. La personne est aussi sujette à des multiples infections, le flou visuel ou d’autres manifestations neurologiques. Mais, malgré ces signes, on ne peut pas attester le diabète tant qu’on n’a pas fait la glycémie, car ces manifestations ne sont pas forcément toujours présentes.
Quels sont les différents types de diabète, leur degré de dangerosité et quels sont les organes susceptibles d’être atteints par le diabète ?
Il y a quatre types de diabète. Le premier qui intervient chez les enfants, celui qu’on appelle de type 1, c’est un diabète juvénile autrefois appelé diabète insulinodépendant. Il est lié à un manque de sécrétion d’insuline. Il représente moins de 10 % de la population diabétique. La seconde forme de diabète et le plus fréquent d’ailleurs, c’est le diabète de maturité dit de type 2, appelé diabète non insulinodépendant autrefois. Contrairement au premier qui est lié à une maladie auto-immune avec des anticorps qui détruisent le pancréas, le diabète de type 2 n’est pas lié à un problème de sécrétion d’insuline. C’est plutôt une anomalie de l’action de cette insuline qui est liée à ce qu’on appelle les facteurs d’insulinorésistance; l’excès de graisse, une prédisposition génétique ou bien une sédentarité. Il est une maladie multi factorielle et représente 80 à 90 % de la population diabétique. Il y a également le diabète gestationnel survenant pendant la grossesse chez une femme qui ne se connait pas diabétique. Et enfin, il y a le diabète secondaire. Il peut être secondaire à des prises de médicaments, à une maladie hormonale, à une maladie du foie, à une maladie génétique ou une maladie du système. Il faut savoir que toutes ces quatre formes sont dangereuses. L’excès de sucre entraine des complications comme le coma diabétique. Et ça détruit progressivement tous les organes, qu’il s’agisse du cerveau, du cœur, des reins, des nerfs, des yeux. Il s’attaque aux vaisseaux et bouche ces vaisseaux et y entraine ce qu’on appelle une ischémie au niveau de ces organes. Donc tous les types de diabète aboutissent aux mêmes complications. Seulement le diabète de type 1, on le croit plus sévère parce qu’il faut de l’insuline tous les jours alors que, pour les autres, on peut les traiter et soigner avec des médicaments.
Les personnes en surpoids sont-elles les plus susceptibles à attraper le diabète ? Si oui pourquoi ?
Effectivement, le diabète de type 2 (80-90 % de cas) c’est un diabète multifactoriel où l’obésité est au centre. A part le problème génétique, la sédentarité, toutes les autres causes passent par l’obésité pour entrainer ce diabète-là. On peut prendre beaucoup de sucre sans pour autant développer le diabète si on n’est pas en surpoids. Mais quand la prise du sucre entraine une obésité, un surpoids, c’est en ce moment-là que le sucre peut entrainer le diabète. Qu’est-ce qui se passe lorsqu’une personne est obèse ? Son organisme n’arrive plus à utiliser convenablement le sucre. Il y a alors ce qu’on appelle une insulinorésistance, une résistance à l’action de l’insuline qui va entrainer la survenue d’une hyperglycémie, donc du diabète. Les personnes obèses sont les plus sujettes au risque du diabète. Quant à ceux qui pensent qu’il s’agit d’une maladie des riches, je leur dis qu’il n’y a pas de lien. Mais quand cette opulence entraine une mauvaise alimentation, il se passe une obésité abdominale. Or, le gros ventre est un facteur de risque du diabète parce que cette graisse abdominale empêche l’assimilation du sucre.
Le diabète est-il transmissible ou héréditaire et est-ce qu’on peut s’en prévenir ?
Alors là, rassurez-vous. Le diabète est une maladie non transmissible tout comme l’hypertension artérielle, la drépanocytose par exemple. Par contre, elle est héréditaire ; certes pas toutes les formes mais dans la majorité des cas. Il y a une prédisposition de l’hérédité. 50 % des personnes qui ont le type 2 ont au moins un parent qui est diabétique.
Quel est le taux de prévalence du diabète au Niger et est-ce qu’il constitue un problème de santé publique de nos jours ?
Selon l’enquête STEPwise de l’OMS en 2021, la prévalence du diabète au Niger était de 2.3 % de la population adulte de plus de 20 ans. Certes, c’est une étude dont nous avons un peu contesté la méthodologie. La prévalence était de 4.3 % en 2008. Bien sûr que le diabète est un problème de santé publique parce que toute maladie qui touche 2.3 % est considérée Problème de santé publique. C’est énorme. Pourquoi est-ce un problème de santé publique ? C’est que non seulement, elle est fréquente mais c’est une maladie grave qui entraîne des multiples complications. La prévalence augmente rapidement aussi. Le taux de diabète dépasse les taux de certaines maladies pour lesquelles il y a des programmes que l’OMS a pris comme problème de santé publique comme le VIH SIDA, la tuberculose, le paludisme. Au Niger, le nombre des patients diabétiques dépasse celui des trois maladies réunies. Donc, c’est un problème de santé publique que nos Etats doivent prendre en compte pour diminuer la prévalence.
Maintenant, on constate le diabète chez les jeunes et même les enfants, qu’est-ce qui explique cela ?
Le diabète est une maladie héréditaire mais également une maladie de notre mode de vie actuel. De ce fait, la tendance globale de diabète chez l’enfant est croissante à cause du mode de vie qui est différent de celui d’autrefois. Nos enfants ne mangent que ce qui amène à une situation d’obésité, trop sucré, trop gras et ont moins d’activités physiques qu’avant. Aujourd’hui, ils regardent plus la télé, alors qu’avant les enfants jouaient aux cerceaux et pneus, à la voiture en tiges, aux petits ballons faits en tissus et autres jeux d’enfance. Maintenant, les enfants sont devant la télé, collés aux smartphones, aux jeux vidéo. Ils sont trop sédentaires et cette sédentarité couplée à l’alimentation induit l’obésité qui expose aux risques de diabète. Quand on a un des parents qui est diabétique, le risque du diabète chez les enfants est plus élevé.
Cette année, la journée est célébrée sous le thème, « le diabète et le bien-être ». Est-ce possible de vivre bien alors qu’on a le diabète ?
Bien sûr, on peut très bien vivre comme quelqu’un qui n’a pas le diabète. C’est une maladie qui se soigne correctement et avec laquelle on peut vivre le plus longtemps possible. Il faut seulement respecter les consignes des médecins : respecter les consultations, respecter le régime alimentaire et le traitement. J’ai connu un patient qui a 70 ans de diabète qu’il a contracté à l’âge de 11ans. Il se porte bien, n’a aucune complication et fait régulièrement son bilan. Si nos patients sont observants, ils peuvent bien vivre avec sans complication aucune
La JMD, c’est dans moins d’une semaine, qu’en est-il des séances de dépistage du diabète que vous organisez chaque année ?
Nous espérons bien faire que nous allons installer des stands de dépistage dans la Ville de Niamey et à l’intérieur du pays, si on a le soutien des services de maladies non transmissibles, du Ministère de la Santé. Dans le passé, nous avons l’appui des ONG, ce qui n’est pas le cas cette année. Nous espérons bien que l’Etat va prendre le relai.
Que préconisez-vous aux personnes atteintes de diabète pour éviter les complications ?
Pour les personnes sans diabète, il y a deux mots clés pour l’éviter : une bonne alimentation et une activité physique régulière entre 30 mn par jour ou 45 mn un jour sur deux. Comme ça, elles ont la chance de ne pas développer le diabète ou en éloigner l’échéance. Pour les diabétiques, il faut qu’ils observent une assiduité de traitement et de consultation et un régime strict. Leur régime est d’ailleurs un régime pour tout le monde. Il faut une alimentation qui augmente moins la glycémie, faite de légumes, de feuilles, avec modérément un peu de céréales, de la viande, du poisson et de fruits. L’activité physique doit être privilégiée pour les deux cas. Le sport fait partie du traitement et de la prévention du diabète.
Réalisée par Zabeirou Moussa (ONEP)