
Pr Amadou Haoua, ministre de l’Energie
Madame la ministre, pour commencer, pouvez-vous nous dire très brièvement dans quel état se trouve le secteur de l’énergie avant les évènements du 26 juillet 2023 qui a certainement été aggravé par les sanctions que je viens d’évoquer ? Ensuite, depuis votre nomination à la tête de votre département ministériel, qu’avez-vous fait pour améliorer la situation ?
Je voudrai d’abord vous remercier de l’opportunité que vous m’offrez de faire le premier bilan de la gestion du secteur énergétique dont j’ai la charge depuis février 2024. Je précise que mon département ministériel prend en compte les services énergétiques qui couvrent l’énergie électrique à laquelle votre question fait allusion mais aussi les énergies de cuisson propres.
Permettez-moi tout d’abord de vous rappeler que le système électrique de notre pays est structuré en quatre zones électriques non interconnectées auxquelles s’ajoutent les centres isolés. Ces zones sont la zone fleuve, la zone Niger Centre Est, la zone Nord et la zone Est. Deux de ces quatre (4) zones sont interconnectées au réseau du Nigéria à savoir la zone Fleuve (ZF) et la zone Niger Centre Est (NCE). Ainsi, avant les évènements du 26 juillet 2023, la situation se présente comme suit : La zone Fleuve (Dosso, Niamey et Tillabéry) représente environ 70% de l’énergie appelée au niveau national et était alimentée principalement par la ligne Birni-Kebbi-Niamey et les centrales thermiques de Niamey. A la date des évènements du 26 juillet 2023, les puissances disponibles au niveau des centrales de Gorou Banda, d’Istithmar et de la ligne, étaient respectivement de 54 MW, 47 MW et 80MW pour des puissances installées de 80 MW, 89 MW et 80 MW. La pointe saisonnière annuelle était de 230 MW.
La zone Niger Centre Est (Maradi, Tahoua et Zinder) représente environ 20% de l’énergie appelée au niveau national et était alimentée par la ligne Katsina-Gazaoua et les centrales thermiques installées à Tahoua, Malbaza, Maradi et Zinder et la centrale solaire de Malbaza. A la date du 26 juillet 2023 les puissances disponibles au niveau des centrales Nigelec, d’Istithmar Zinder et de la ligne étaient respectivement de 19,42MW, 20MW et 60 MW pour une demande maximale de 79 MW. Les puissances installées étaient de 27,3 MW pour la Nigelec, 22MW pour Istithmar Zinder et 60 MW sur la ligne venant du Nigéria.
La zone Nord (Agadez) représente environ 5% de la demande du Niger et était principalement alimentée par la centrale thermique à charbon de la SONICHAR de puissance installée de 37,6MW à laquelle s’ajoute la capacité installée de la Nigelec d’Agadez qui est 2,4MW. Les puissances disponibles au même moment étaient de 20 MW pour la SONICHAR et 1,2 MW pour la Nigelec, pour une demande maximale de 14,6 MW.
La zone Est (Diffa) était alimentée en électricité à partir des unités thermiques fonctionnant au diesel. La puissance installée était de 15,48 MW pour une puissance disponible de 5,65 MW. Au même moment la pointe maximale était de 6,5MW. Cette zone représente moins de 2% de la demande du Niger.
Cent seize (116) centres isolés totalisant une puissance installée de 16,5 MW alimentés par des groupes diesels sont repartis dans les différentes régions du pays. Au vu de ce qui précède on constate que l’approvisionnement en énergie électrique dépendait à près de 71 % de l’importation. Les deux (2) zones interconnectées au réseau du Nigéria à savoir la zone Fleuve et la zone Niger Centre Est, représentent à elles seules près de 90 % de la demande nationale en énergie électrique. Plusieurs projets dont l’objectif était l’amélioration de l’accès aux services énergétiques et de l’offre en énergie électrique, étaient en cours d’exécution avant les évènements. Parmi ces projets on peut citer : Centrale solaire PV 30 MWc de Gorou Banda, HASKE, PREDAC, BEST, RANA, PEPERN, NELACEP, NESAP, WAPP-DORSALE NORD, Projet de la centrale hybride d’Agadez.
Et quelle est la situation après les évènements du 26 juillet 2023 ?
A l’issue de la réunion du 31 juillet 2023 des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la Communauté Economique des Etats De l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), plusieurs sanctions dont la rupture de la fourniture de l’énergie électrique, ont été prononcées contre notre pays. Cette interruption a fortement affecté la vie socio-économique du pays. La mise en œuvre de nos projets a aussi été fortement impactée par le départ de certains partenaires et la suspension des décaissements. L’approvisionnement en énergie électrique des zones interconnectées a de ce fait été sérieusement impacté. Les déficits en offre étaient de l’ordre de 30% pour la zone fleuve et de 50% pour la zone Niger Centre Est. Les zones Nord et Est n’ont pas été impactées par cette situation. C’est le lieu de saluer la population nigérienne qui à travers sa patience et sa résilience, a fait preuve de patriotisme.
Mon département ministériel, grâce à l’appui des plus Hautes Autorités du pays, au premier rang desquelles le Président du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP), Chef de l’Etat le Général de Brigade Abdouramane Tiani et le Premier Ministre, Ministre de l’Economie et des Finances Son Excellence Mr Ali Mahamane Lamine Zeine, a pu identifier et mettre en place des mesures d’urgence pour assurer la continuité du service public de l’énergie électrique en utilisant nos moyens propres (Nigelec et producteurs indépendants) en leurs pleines capacités. Parmi ces mesures, on peut retenir le maintien en état de fonctionnement optimal des moyens de production propres de la Nigelec (Gorou Banda), de la SONICHAR et du producteur indépendant Istithmar ; la finalisation des travaux et la mise en service de la centrale électrique photovoltaïque de 30 MWc de Gorou Banda ; l’acquisition de capacités thermiques Diesel de 6 MW (groupes diesel de l’Université islamique) installées dans la zone Niger Centre Est ; l’approvisionnement continu de nos unités de production en combustible (gas-oil, pétrole brut, charbon minéral) en quantité suffisante. La capacité disponible de Istithmar Niamey est passée de 48MW à 72 MW. C’est le lieu de saluer l’idée ingénieuse d’installer la raffinerie de Zinder qui a servi non seulement notre pays mais aussi les pays de l’AES ; la diversification des sources d’approvisionnement des opérateurs du service public d’énergie électrique, en ce qui concerne les lubrifiants, les pièces de rechange et d’autres intrants nécessaires à la poursuite de leurs activités.
La mise en œuvre de toutes ces mesures a permis non seulement de maintenir en état de fonctionnement optimal les moyens nationaux de production mais aussi d’augmenter les capacités de production. C’est ainsi qu’on est passé de 54 MW à près de 80 MW dans la journée à Gorou Banda et de 48 MW à 72 MW pour Istithmar. Je voudrai exprimer un témoignage de satisfaction à l’endroit des opérateurs du service public de l’électricité, notamment la NIGELEC, Istithmar mais aussi la SONIDEP pour tous leurs efforts ayant permis d’assurer une desserte continue du pays en énergie électrique.
Madame la Ministre, pouvez-vous nous décliner les grands axes de la politique énergétique du Niger et quelles sont les adaptations que vous envisagez pour plus d’efficacité en tenant compte du contexte que nous connaissons ?
Pour faire du secteur énergétique le moteur du développement économique et social, et de notre pays un acteur majeur sur le marché régional de l’électricité à travers la valorisation de ses ressources énergétiques, mon département ministériel a élaboré et adopté les documents programmatiques importants. Il s’agit d’abord du Document de Politique Nationale de l’Electricité (DPNE) qui s’articule autour de l’électrification du territoire national, du développement de la production nationale d’électricité avec l’exportation en perspective, de la promotion du secteur privé et de l’adaptation et le renforcement du cadre règlementaire et institutionnel. Il y a ensuite la Stratégie nationale d’accès à l’électricité dont l’objectif est d’accélérer l’accès à l’électricité afin d’atteindre à l’horizon 2035, un taux national d’accès à l’électricité d’au moins 80% à travers l’extension du réseau électrique, le développement de mini-réseaux décentralisés et les solutions distribuées (kits individuels). Cette stratégie est assortie d’un plan de mise en œuvre dénommé Plan Directeur d’Accès à l’Electricité (PDAE).
Mon département ministériel a aussi mis en place un cadre législatif, règlementaire, contractuel et fiscal, favorable au développement des investissements privés dans le secteur de l’Energie plus particulièrement dans le sous-secteur de l’électricité. Ce qui a permis d’attirer des investisseurs privés qui ont déjà installé des capacités à titre de producteurs indépendants dans un cadre de partenariat public-privé (PPP). Toutes ces actions ont permis la mobilisation de ressources à travers l’ensemble des projets cités ci-haut qui visent à améliorer l’accès à l’électricité et aux énergies de cuisson propre mais aussi l’offre de production d’énergie électrique. Grâce à ces mesures le taux d’accès à l’électricité est passé en peu d’années de 12% à 24%.
Les objectifs que je vise à travers la politique que je mets en œuvre et qui répondent à ceux visés dans le document du Compact Energétique que notre pays a défendu lors du Sommet des Chefs d’Etat africains tenu du 27 au 28 janvier 2025 à Dar Es Salam en Tanzanie, sont notamment de développer les infrastructures de production et transport d’énergie pour porter l’offre d’énergie électrique de 317 MW actuellement à plus de 1500 MW en 2035 ; électrifier plus de 2,9 millions de foyers à l’horizon 2030 à travers le développement des infrastructures de distribution, de mini-réseaux et de kits individuels ; développer la cuisson propre pour préserver le couvert végétal par l’utilisation de sources d’énergie domestiques propres et la fabrication de kits (bouteilles de gaz, foyers améliorés etc.)
Madame la Ministre, comment définir aujourd’hui un modèle de transition énergétique qui corresponde aux réalités, atouts et enjeux de souveraineté et de développement du Niger ? Et comment mettre en œuvre un programme de renforcement de la production de l’énergie électrique, en valorisant les sources disponibles et accessibles dans notre pays ?
Je rappelle que notre pays dispose d’un fort potentiel énergétique riche et varié, qui peut être utilisé pour satisfaire nos besoins énergétiques mais aussi permettre à notre pays de se positionner en exportateur net d’énergie électrique. Ce potentiel comprend l’uranium, le charbon minéral, les hydrocarbures, l’hydroélectricité, le solaire et l’éolien. Le tableau ci-après résume les ressources disponibles.
Dans le cadre du développement de notre secteur qui prend en compte nos réalités ainsi que les enjeux et atouts de souveraineté nous nous devons d’œuvrer à une transition énergétique qui fait une place de choix à la valorisation des ressources renouvelables nationales dans un mix énergétique optimal. Les investissements publics mais aussi privés qui viendront, doivent être orientés vers les énergies renouvelables pour atteindre au moins 30% du mix énergétique total. C’est pour bénéficier pleinement du potentiel en énergie renouvelable du pays que mon département ministériel a engagé une étude pour la réalisation d’un plan de production à moindre coût qui met un accent particulier sur les sources renouvelables. Par ailleurs, un Atlas sur les énergies renouvelables est en cours de réalisation afin de connaitre à terme le potentiel de chaque région du pays en vue de faire sa promotion.
Notre pays a adopté une nouvelle approche et entrepris d’importantes réformes dans le but d’une mise en valeur de l’ensemble de son potentiel énergétique (fossile, renouvelable et nucléaire) pour atteindre sa souveraineté énergétique et un développement économique endogène du pays conformément aux aspirations légitimes du peuple Nigérien. S’il y a un secteur au niveau duquel, le peuple Nigérien entend affirmer sa souveraineté, c’est bien celui de l’énergie. L’atteinte de cette souveraineté énergétique passe par un vrai investissement politique et économique, un vrai choix qui implique tout le monde, du consommateur en passant par les grandes et petites entreprises, les pouvoirs publics, les Institutions d’Enseignement et de Recherche. Les axes prioritaires qui doivent accompagner notre choix sont la diversification des sources d’approvisionnement (marché de l’électricité) ; le développement d’une politique de mix énergétique associant le thermique (Diesel, Gaz et Charbon), les énergies renouvelables (l’hydroélectricité, l’éolien et le Solaire) et le nucléaire, en exploitant au mieux toutes les possibilités d’interconnexion régionale et sous régionale ; la promotion de la maîtrise de l’énergie et l’efficacité énergétique ; la substitution du bois de chauffe par les énergies alternatives ; le développement et la promotion des centrales solaires, de parcs éoliens, de centrales à biomasse pour la production d’électricité ; le renforcement des capacités des acteurs publics et privés du sous-secteur ; la mise en place de mécanismes de financement adaptés et durables ; la mise en place d’une politique pour l’émergence d’industries locales ; le renforcement de la formation et la recherche développement.
Madame la Ministre, quelle est à date, le niveau de la couverture de l’énergie électrique sur l’ensemble du pays ? Dites-nous, quel était l’existant avant les évènements du 26 juillet et qu’avez-vous fait depuis lors ?
Dans le cadre des nouvelles orientations définies par les plus Hautes Autorités, le Ministère a pour feuille de route de mettre en œuvre un programme de renforcement de la production de l’énergie électrique dans le pays en valorisant les ressources disponibles et accessibles sur la base de l’évolution des besoins ; de définir un modèle de transition énergétique qui correspond aux réalités, atouts et enjeux de souveraineté et de développement du Niger et aussi ; de mettre en place un cadre approprié de mesures de résultats et d’appréciation de la performance des actions du Ministère.
Conformément à cette lettre de mission, le Ministère a élaboré un plan d’actions pour la période 2024-2027 qui comporte trois programmes définis comme suit : (i) Administration et Pilotage du Secteur de l’Energie ; (ii) Amélioration de l’Offre en Energie Electrique et (iii) Amélioration de l’Accès aux Services Energétiques. La mise en œuvre de ce plan d’actions nous a permis d’obtenir les résultats suivants :
Au titre du Volet administration et pilotage du secteur de l’énergie, le Ministère a engagé un processus de renforcement des outils de pilotage du développement du sous-secteur de l’électricité en mettant en place des instruments de planification à moyen et à long termes du secteur de l’énergie relatif à la production, au transport et à la distribution de l’énergie électrique. A ce titre, plusieurs actions ont été entreprises. On peut citer entre autres l’élaboration d’un plan de production d’énergie électrique à moindre coût pour la période 2025-2035. Ce plan sera finalisé et adopté en 2025 ; la validation d’une étude portant sur la méthodologie tarifaire pour la période 2024-2027 afin d’assurer l’équilibre financier de la NIGELEC ; l’adoption d’un document de compact énergétique national qui vise à atteindre l’accès universel à l’énergie de manière abordable, fiable et durable d’ici 2030 ; la révision du code de l’électricité dont le processus est en cours de finalisation ; l’évaluation de la mise en œuvre de la Stratégie Nationale d’Accès à l’Electricité (SNAE). Il ressort de cette étude la nécessité de réviser la stratégie.
Au titre du Volet offre en énergie électrique, les actions réalisées sont l’inauguration d’une centrale thermique diesel de 20 MW à Niamey II (don de Sa Majesté le Roi Mohammed VI du Maroc) intervenue le 12 décembre 2024 ; l’installation d’un 5ième groupe d’une capacité de 20 MW à Gorou Banda, dont les premiers essais ont été effectués le 10 février 2025 ; la mise en service de la centrale solaire photovoltaïque de 30 MWc à Gorou Banda ; l’installation en cours d’une centrale diesel de 30 MW sur le site de Goudel à Niamey dont les travaux de génie civil ont déjà démarré ; la finalisation de l’installation du système de piquage du pétrole brut à la SORAZ pour permettre à Istithmar de disposer de quantités de combustible nécessaires au fonctionnement continu de ses centrales de Zinder et Niamey. Cette opération a permis de faire passer la puissance de 48 MW à 72MW à Niamey ; l’acquisition du train d’engrenage de la 2ieme tranche de la centrale thermique à charbon de la SONICHAR, ayant permis de porter la puissance de la centrale à 26MW ; le raccordement de la centrale de la cimenterie de Badaguichiri au réseau de la zone NCE pour renforcer l’offre de la région de Tahoua (15 MW) dont les travaux de construction de la ligne d’évacuation vers le poste d’Illéla sont en cours. La réhabilitation du poste Illéla pour accueillir cette capacité est déjà terminée ; l’installation d’une centrale diesel de 5 MW à Dosso dont les travaux de génie civil sont en cours ; l’installation d’une centrale diesel de 0,4MW à N’Guigmi (région de Diffa) ; l’installation d’une centrale hybride diesel+PV de 0,54MWc/0,4MW à N’Gourti (région de Diffa) ; la remise en état et l’installation de groupes électrogènes de 2 MW à Agadez ; l’installation d’une centrale de 2 MW à Arlit dont les travaux de génie civil sont en cours.
Globalement, les capacités supplémentaires dont les travaux ont été finalisés sont de 105,34 MW et d’autres capacités sont en cours d’installation.
Le Volet accès aux services énergétiques comporte deux aspects à savoir l’accès à l’électricité et l’accès aux énergies de cuisson propre.
Dans le domaine de l’accès à l’électricité, plusieurs projets de construction de lignes haute tension sont en cours. Il s’agit notamment de la construction en cours de la ligne 330 kV de la dorsale nord du West Africa Power Pool (WAPP) d’une longueur d’environ 875 km. Au Niger, le projet concerne la construction d’une ligne d’une longueur d’environ 420 km et de deux postes de transformation à Zabori et Gorou Banda. Il est prévu aussi l’installation des systèmes de compensation d’énergie réactive à Niamey II et à Gazaoua, l’électrification de 432 villages (dont 76 ont été déjà électrifiés) et la proposition de solutions de cuisson propre (plus de 5000 foyers améliorés sont à distribuer). Il y a aussi la signature du décret de cessibilité du couloir de passage de la ligne 330 kV en double terne Zabori-Malbaza, d’une longueur de 270 km. Cette ligne va permettre l’interconnexion de la zone Niger Centre Est à la zone Fleuve ; la construction en cours de la ligne 132 kV de la boucle de Niamey pour la sécurisation de la fourniture de la ville en énergie électrique (le passage de la boucle existante de Niamey de 66 à 132 kV concernera une distance de 26,3 km) ; la construction en cours du Bâtiment du Bureau Central de Conduite du réseau de distribution de Niamey (BCCN) qui rentre dans le cadre de la modernisation de la gestion du réseau électrique de Niamey ; l’installation de plus de 349 transformateurs moyenne tension/ basse tension en 2024 pour accroitre les capacités de distribution de l’énergie électrique ; la réalisation de 80 km de lignes basse tension permettant aux ménages d’être raccordés directement au réseau électrique ; l’électrification par système solaire photovoltaïque de 73 Centres de Santé Intégrés en milieu rural et de 4 centres de santé en milieu urbain notamment au niveau de la communauté urbaine de Niamey ; la réalisation en 2024 de 25 895 nouveaux branchements de ménages et plus de 40 000 sont en instance ; l’installation de 04 mini réseaux d’une puissance totale de 370 kWc dans les régions de Zinder, Agadez et Tahoua pour une population bénéficiaire de 815 ménages.
Dans le domaine de l’accès aux énergies de cuisson propre, on retient entre autres actions la distribution sous forme de don, vente promotionnelle de 2 700 kits de gaz, charbon minéral ; la vulgarisation du charbon minéral à travers des campagnes de sensibilisation et l’installation de 21 Plateformes Multifonctionnelles (PTFM) pour le décorticage et la mouture des céréales, les opérations de soudure locale (chaises, charrettes, …) et la recharge des batteries, permettant ainsi à 42 000 personnes vivant en milieu rural d’accéder à un service énergétique moderne à travers la force motrice et 22 sites maraichers avec dispositifs solaires ont été aménagés.
Madame la Ministre, dans quelques semaines nous allons affronter la forte canicule saisonnière des mois d’avril et mai. Quelles sont les dispositions prises par votre département ministériel pour y faire face ?
Mon département ministériel en collaboration avec les acteurs impliqués dans la production de l’énergie électrique met en œuvre des stratégies en vue d’assurer un approvisionnement en énergie électrique de façon continue. Ainsi, concernant la Zone fleuve, la demande maximale estimée est de 270 MW pour une capacité disponible de 235 MW repartie comme suit : 72 MW pour Gorou Banda, 72 MW pour ISTITHMAR Goudel, 25 MW pour la centrale solaire PV, 20 MW pour la centrale diesel Sa Majesté le Roi Mohammed VI et 46 MW pour la ligne Birni Kebbi-Niamey. L’analyse des données de l’offre et de la demande, montre qu’un taux de couverture de la demande de l’ordre 88% sera atteint au cours de la période de fortes chaleurs pour la zone Fleuve. Ce taux de desserte peut être amélioré si certains projets en cours de réalisation arrivaient à terme dans les délais prévus. Il s’agit notamment du projet de construction de la centrale diesel de 30 MW de Goudel dont la mise en service est prévue à la fin du second trimestre 2025 et de la centrale diesel de 5MW de Dosso.
Pour ce qui est la Zone Niger Centre Est, la demande maximale estimée est de 89 MW pour une capacité disponible de 93 MW répartie comme suit : 3,2 MW à Maradi, 20 MW à Zinder, 6,6 MW diesel et 4,2 MW solaire PV à Malbaza, 1,85 MW à Tahoua, 57 MW de la ligne Katsina-Gazaoua. L’analyse des données de l’offre et de la demande, montre que la zone sera couverte à près de 100% pendant la période de fortes chaleurs. L’alimentation peut être fortement impactée en cas d’indisponibilité de la ligne d’interconnexion. Cependant, la finalisation de la construction de la ligne Badaguichiri-Illéla pour l’évacuation de l’excédent de 15 MW de la centrale de la société China Building Materials va contribuer à améliorer la desserte de cette zone.
Au niveau de la Zone Nord, la demande maximale estimée est de 37,26 MW pour une capacité disponible de 31,8 MW répartie comme suit : 5,8 MW centrale Nigelec et 26 MW pour la SONICHAR. L’analyse des données de l’offre et de la demande, montre que la zone sera couverte à 83% pendant la période de fortes chaleurs. L’alimentation peut être fortement impactée en cas d’indisponibilité de la centrale thermique de la SONICHAR. En cas de nécessité de délestage, c’est SOMAIR qui sera délestée.
Enfin la Zone Est, qui elle, ne dépend que de la production locale de la NIGELEC à travers les centrales Diesel d’une capacité totale disponible de 5,1 MW pour une pointe de la demande de 6 MW, ce qui donne un taux de couverture de 89%. Les demandes de N’Gourti et N’Guigmi sont totalement couvertes.
Madame la ministre, quels sont les grands projets structurants en vue, au niveau de votre ministère pour régler de manière définitive le problème de manque de courant électrique et pour avoir une véritable capacité énergétique à même de booster notre développement économique et social ?
Parmi les projets structurants qui permettront de régler de manière définitive le problème de l’énergie électrique dans notre pays, on peut citer le projet de réalisation du complexe charbonnier de Salkadamna.
Dans sa conception initiale, le projet comporte quatre (4) composantes, à savoir une mine de charbon à ciel ouvert avec une capacité minimale de production annuelle de trois (03) millions de tonnes ; une centrale thermique de puissance nominale 600 MW en plusieurs tranches et extensible ; des lignes d’évacuation et des postes de transformation et une usine de briquettes de charbon d’une capacité de production de 100 000 tonnes par an, indépendante des autres composantes.
Pour l’usine de briquettes de charbon, la Compagnie Minière Energétique du Niger (CMEN), en charge du projet, est en partenariat avec la société China Building Material (CBM) qui a réalisé une étude de faisabilité pour mettre en œuvre cette composante. Pour les trois autres composantes, un cadre de partenariat a été créé entre CMEN et un groupement de sociétés sino-nigériennes Wanda/Jimei et Partenaires. Un mémorandum d’entente a été signé le 03 septembre 2024 entre l’Etat du Niger et ce groupement. Au terme de ce mémorandum, le groupement devrait financer l’actualisation des études de faisabilité. Une mission des cadres du Ministère de l’Energie, du Ministère des Mines, de la CMEN, de la NIGELEC et de l’ANPIPS, a séjourné en Chine au mois d’octobre 2024 pour échanger avec les entreprises intéressées par le projet. Il ressort de cette mission que lesdits partenaires disposent des capacités techniques et financières nécessaires à la réalisation de ce projet. Dans le cadre de ce même partenariat, des équipes de partenaires techniques chinois sont prévues arriver en fin février 2025 pour démarrer les travaux de l’étude de faisabilité.
Nous avons ensuite, le projet d’accroissement de la capacité de production de la SONICHAR à travers la construction d’une centrale thermique à charbon de 2×25 MW hybridée avec 50 MWc solaire pour lequel le Ministère et la SONICHAR recherchent les financements nécessaires. Il faut noter que la centrale thermique de SONICHAR d’une puissance installée de 2×18,8 MW est dans un état vétuste. Elle a été conçue pour une durée vie de 25 ans et totalise actuellement plus de 42 ans d’exploitation. Cet état occasionne des pannes récurrentes qui affectent les activités socio-économiques de la région ; le projet de construction de la centrale solaire PV 150 MWc à Bangoula pour lequel le terrain est acquis et les études de faisabilité sont achevées. Le Ministère est à la phase de recherche de financement pour ce projet ; le projet de construction de la centrale éolienne de 250 MW à Tahoua (dans la vallée de la Tarka) par Savannah Energy dont les études techniques, financières et environnementales sont en cours ; le projet de construction de la centrale solaire PV de 50 MW de Gorou Banda (Scaling Solar), pour lequel l’entreprise chargée de la construction a été sélectionnée. Les négociations pour la signature du contrat, conformément aux procédures de partenariat public-privé (PPP), sont presque à terme. A cela il faut ajouter le projet de construction d’une centrale thermique de 90MW dans la région de Dosso mis en œuvre par un promoteur nigérien Niger Oil Exploitation (NOEx) ; le projet de construction de la centrale hydroélectrique de Kandadji de 130 MW couplée à une centrale solaire PV de 70 MW. Pour ce projet, les travaux de construction de la ligne d’évacuation de la production vers Gorou Banda, sont presque à terme et les projets de lignes d’interconnexion entre les zones électriques du pays notamment la ligne 330 kV Malbaza-Zabori pour relier les zones Fleuve et Niger Centre Est ; la ligne 132 kV Anou Araren-Soraz reliant les zones Nord et Niger Centre Est et la ligne 330 kV du WAPP pour relier le réseau électrique à ceux d’autres pays de la sous-région.
Madame la Ministre, on ne peut pas parler de l’énergie au Niger sans évoquer la NIGELEC et l’ANERSOL ? Pouvez-vous nous dire la situation de ces deux structures importantes de l’Etat et leur contribution dans la politique énergétique du Niger ?
Permettez-moi de vous rappeler qu’en dehors des structures que vous avez citées dans votre question, il existe d’autres acteurs opérationnels dans le secteur de l’énergie.
La Société Nigérienne d’Electricité (NIGELEC) qui assure le service de production, importation, transport et distribution d’énergie électrique. Elle met également en œuvre un certain nombre de projets d’électrification, notamment le Projet d’Electrification en milieu Rural, Périurbain et urbain au Niger (PEPERN) le Projet d’Accélération de l’Accès à l’Electricité au Niger (HASKE) et le Projet de Développement de Centrales Solaires et d’Amélioration de l’Accès à l’Electricité (RANA).
Il y a la Société Nigérienne de Charbon d’Anou Araren (SONICHAR) qui est chargée de la production et du transport de l’énergie électrique destinée à alimenter les sociétés minières installées dans la zone Nord (Région d’Agadez) et les villes induites. Nous avons la Société Nigérienne de Carbonisation du Charbon (SNCC) chargée de la promotion du charbon minéral carbonisé d’Anou-Araren. L’Agence Nigérienne de Promotion de l’Electrification en milieu Rural (ANPER) qui a pour mission la conception, la mise en œuvre et le suivi des programmes de développement de l’électrification rurale sur toute l’étendue du territoire national.
La Compagnie Minière et Energétique du Niger (CMEN) qui est chargée de la mise en œuvre du projet de Complexe charbonnier de Salkadamna (Région de Tahoua), en vue de la production de l’énergie électrique et des briquettes de charbon pour les usages domestiques.
Il y aussi l’Agence Nationale de Contrôle des Installations électriques intérieures au Niger (CONTRELEC) chargée de vérifier la conformité des installations électriques intérieures aux normes en vigueur ; l’Agence Nationale d’Energie Solaire (ANERSOL) ayant pour mission la promotion et le développement de l’énergie solaire dans tous les secteurs de l’économie nationale. Il y a ensuite l’Agence du Barrage de Kandadji (ABK) qui est une administration de mission, chargée de la mise en œuvre du Programme «Kandadji» qui comporte un volet de construction d’une centrale hydroélectrique et des lignes de transport d’énergie associées et enfin la Haute Autorité Nigérienne à l’Energie Atomique (HANEA) ayant pour missions principales la supervision, la coordination et la promotion de toutes les applications nucléaires pacifiques, y compris l’électronucléaire.
Comme vous le constatez, il y‘a plusieurs intervenants dans le secteur de l’énergie d’où le rôle de coordination que joue le Ministère pour le maintien d’une synergie d’actions entre tous les acteurs en vue d’atteindre les objectifs de valorisation du potentiel énergétique du pays et de l’amélioration de l’accès des populations aux services énergétiques.
Madame la Ministre, l’installation, la mise en service et la maintenance des centrales électriques, des groupes et autres matériels d’électricité ont relevé la nécessité pour le Niger de disposer de compétences nationales suffisantes en la matière. Avez-vous un programme de formation ou de recrutement de personnels qualifiés pour combler ce déficit?
Les sanctions imposées à notre pays suite aux événements du 26 juillet 2023, ont fait ressortir la nécessité de disposer de ressources humaines qualifiées capables d’installer et d’exploiter tout type d’ouvrages électriques. En général, toutes les études réalisées dans le secteur et les travaux de construction d’infrastructures énergétiques sont réalisées par des entreprises et firmes étrangères. Il faut rappeler qu’après le départ soudain des agents de l’entreprise étrangère chargée de l’exécution des travaux d’installation de la centrale solaire PV de 30 MWc de Gorou Banda, une équipe d’expatriés restés sur site appuyée par des agents de la Nigelec ont pu achever et mettre en service la centrale. De même, les travaux d’installation de la centrale 20 MW de Sa Majesté le Roi Mohamed VI, ont été exécutés par des techniciens marocains appuyés par des équipes de techniciens de la Nigelec. Mon département ministériel est déjà en contact avec des partenaires locaux (Universités, IUT, EMIG, Lycées professionnels, Centres de formation et d’apprentissage) et internationaux, pour l’élaboration de curricula de formations pointues dans différents segments du secteur de l’énergie.
Madame la Ministre, dans le cadre de notre Confédération AES, quelles mesures et quels projets communs envisagez-vous pour parvenir à une véritable politique énergétique commune dans notre espace ?
Dans son fonctionnement, l’Alliance des Etats du Sahel prévoit plusieurs reformes dans différents secteurs. Pour le secteur de l’énergie, du 14 au 15 janvier 2025, s’est tenue à Bamako une réunion des Experts, et le 16 janvier 2025 la rencontre des Ministres en charge du pilier « Développement » de la Confédération des États du Sahel (AES). Les conclusions de cette rencontre des Ministres ont réitéré l’engagement des Etats à rechercher les financements nécessaires à la réalisation des projets structurants contribuant à l’indépendance et à la sécurité énergétique de l’Espace AES.
A ce titre, il a été demandé à chaque pays de prendre toutes les dispositions nécessaires pour la réalisation des projets structurants de production et de transport d’énergie électrique dont la communauté pourrait en tirer bénéfice. Notre pays conformément à sa politique de renforcement de l’offre d’énergie électrique, a identifié les projets suivants le projet Salkadamna avec 600 MW ; le projet de renforcement de la capacité de production électrique de la SONICHAR à travers la construction de 50 MW thermique et 50MW solaire photovoltaïque ; le projet de la centrale thermique à gaz à cycle combiné 120 MW à Niamey ; le projet de la centrale à gaz de Maradi 240 MW ; le projet de la centrale thermique 90MW de Dosso mise en œuvre par NOEx ; le projet de la centrale solaire de 150 MW à Bangoula ; le projet de construction de la centrale solaire de 50 MW de Gorou Banda ; le projet de construction de la centrale solaire de 70 MW de Kandadji ; et le projet de construction d’un parc éolien de 250 MW dans la vallée de la Tarka (région de Tahoua).
Pour ce qui est des échanges énergétiques entre les Etats de la Confédération, le réseau électrique de notre pays sera connecté à celui du Burkina Faso à travers la Dorsale Nord qui est une ligne 330 kV en cours de construction dont la mise en service est prévue en fin 2025. Pour ce qui concerne l’interconnexion électrique entre le Mali et le Niger, un nouveau projet a été inscrit pour relier Niamey à Gao. Les études de faisabilité détermineront la meilleure variante pour le tracé de cette ligne. Les trois pays de l’AES se sont entendus pour mettre en œuvre un programme électronucléaire civil commun selon les étapes définies par les Institutions internationales spécialisées en la matière, notamment l’Agence Internationale de l’Energie Atomique.
Madame la Ministre, comment mettre en place un cadre approprié de mesures et d’appréciation de la performance de vos actions à la tête de ce ministère ?
Au niveau de mon département Ministériel, il existe déjà un cadre approprié pour mesurer et apprécier la performance des actions mises en œuvre dans le secteur de l’énergie. Il s’agit d’un organe dénommé Système d’Information Energétique du Niger (SIE-Niger). C’est une structure qui est chargée notamment de collecter les données énergétiques, démographiques et socioéconomiques ; traiter, analyser et valider les données collectées ; élaborer, valider et publier régulièrement le bilan énergétique national ; élaborer un rapport annuel sur la situation énergétique du pays ; définir des indicateurs énergétiques permettant le suivi des priorités de la politique énergétique nationale ; faire des analyses prospectives sectorielles.
C’est un instrument statistique qui nous permet d’appréhender la manière dont nous constituons notre approvisionnement énergétique et comment nous consommons l’énergie. Ce cadre nous permet de suivre la traçabilité de l’énergie depuis sa production jusqu’à sa consommation. A partir des travaux effectués par cet organe, nous pouvons dégager aisément des indicateurs, pour comprendre le comportement des acteurs énergétiques et les orientations de politique énergétique à mettre en place. Avec ce système, nous développons les indicateurs énergétiques particulièrement le taux d’accès à l’électricité, le taux de couverture, la consommation énergétique par habitant et le taux d’indépendance (ou d’autosuffisance) énergétique.
Madame la Ministre, quel sera votre mot de la fin ?
Je voudrai rassurer les nigériens que sous la conduite éclairée du Président du CNSP, Chef de l’Etat le Général de Brigade Abdourahamane TIANI et le leadership du Premier Ministre, Ministre de l’Economie et des Finances SEM Ali Mahamane Lamine Zeine, tous les défis qui se posent actuellement au secteur de l’énergie, seront relevés pour permettre un accès plus large des populations à l’électricité, favoriser l’industrialisation du pays et booster le secteur tertiaire. C’est d’ailleurs l’occasion pour moi d’inviter tous les acteurs du secteur à s’impliquer davantage dans ce sens. Je reste très optimiste quant à l’atteinte de la souveraineté énergétique projetée en accélérant la mise en œuvre des projets phares dans les domaines de la production de l’énergie électrique, du renforcement des réseaux de transport et de distribution, et l’accès des ménages à l’électricité et à des moyens de cuisson propre.
Source : Ministre de l’Energie