
Alou Moustapha
En vérité, pour être membre de la camorra des parcelles, nous ne sommes pas en Sicile ou dans les ruelles d’une ville Colombienne, mais bien à Niamey, que les fins limiers de la Police Judiciaire viennent de démanteler avec tact et professionnalisme en quatre jours, sous la coordination du Directeur de la Police Judicaire et l’autorité du Procureur de la République, Près le Tribunal de Grande Instance Hors-classe de Niamey, il faut une forte dose de courage, une haute intensité d’audace, une extrême témérité, une maîtrise de la triche et de la tricherie, une volonté inébranlable de s’enrichir à tout prix, des prédispositions à remuer ciel et terre pour ne pas rester désargenté, des prérequis pour vendre terres, espaces publics ou privés et peut-être même l’air, le tout avec de vraies-fausses preuves d’authenticité.
Et enfin, last but not least, être sans vergogne, bien sûr, sans foi, naturellement, et sans loi, évidemment !
Ainsi donc, la Police Judicaire vient de mettre fin à la désastreuse aventure immobilière de vingt-deux (22) individus qui, à la recherche du gain facile et pour assouvir leurs fantasmes de « gagner de l’argent sans rien faire » comme le disait il y a quelques années quelqu’un d’autre qui a pris la poudre d’escampette par des « voies clandestines » au lendemain du 26 Juillet 2023, n’ont pas lésiné sur…les terres !
S’emparant des espaces publics, morcelant des domaines de l’État, s’accaparant des lotissements privés, arrachant des parcelles de particuliers, ce gang a, contre toutes les lois de la République et celles de la nature, frauduleusement vendu, illégalement cédé, irrégulièrement concédé, publiquement bradé tous les terrains vierges ou presque de la Ville de Niamey et de ses environs qui leur sont tombés dans les mains voire qu’ils ont vu, aperçu ou dont ils ont entendu parler, instaurant de facto une insécurité foncière dans la capitale et ses environs.
Vendredi 25 avril 2025, le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance hors classe de Niamey, lui-même surpris par le toupet, l’ingénierie et l’ingéniosité de ce cartel a donné des explications concises et on ne peut plus claires sur son modus operandi.
Les investigations menées ont permis de mettre en lumière les différentes manœuvres frauduleuses employées par ce gang : des rabatteurs identifient les références des parcelles non mises en valeur pour le compte de promoteurs immobiliers, les références des parcelles sont communiquées à la Ville de Niamey puis au Ministère de l’Urbanisme, ce ministère formule une requête d’établissement des actes de cession.
A l’issue des enquêtes, le dossier a révélé plusieurs lotissements frauduleux, des parcelles disposant de plusieurs actes de cession, des faux actes de cession qui circulent à Niamey et Karma, des faux titres fonciers, plusieurs places publiques morcelées ou vendues en violation flagrante de la loi, des lotissements régulièrement autorisés auxquels sont adjoints des terrains qui ne font pas partie.
Le réseau est allé jusqu’à établir des cachets et signatures des responsables de la Mairie ou d’un lotisseur attitré afin que tout le processus se passe à l’interne. Ce qui permettra de délivrer des actes de cession qui n’ont pas de traces à la Mairie.
Pire, des agents de la Mairie regardent eux-mêmes les parcelles qui n’ont pas été attribuées et passent les renseignements aux rabatteurs qui procèdent aux vérifications sur le terrain.
En plus, un particulier peut détecter une parcelle vide dans la ville, il s’adresse au réseau qui lui fournira séance tenante toutes les pièces nécessaires.
Bref, à l’issue de cette enquête, 22 personnes présumées auteures de détournement de biens publics, faux et usage de faux sont placées en garde à vue, plus de 2300 faux actes de cession et 77 titres fonciers ont été saisis sur ces prévenus.
Alou Moustapha (ONEP)