Incontestablement, l’avènement des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) aura inauguré pour l’humanité une nouvelle ère de progrès social et économique prodigieux à tous égards, exactement comme la révolution industrielle le fut dans la seconde moitié du dix-neuvième siècle. A la révolution mécanique d’hier a donc succédé la révolution numérique d’aujourd’hui ! L’idéal philosophique poursuivi depuis Descartes, en passant par Malebranche pour aboutir à Bachelard, selon lequel les sciences et les techniques (« être maîtres et possesseurs de la nature ») feraient le bonheur de l’humanité, n’aura jamais semblé aussi accessible que de nos jours avec cette révolution numérique, mieux avec les balbutiements de l’ère quantique qui ouvre désormais de nouveaux champs d’exploration scientifique. Une fois encore, les privilèges des dieux viennent d’être dérobés pour rendre hommage à Epicure dans sa quête du bonheur véritable qu’il nomme ataraxie.
Cependant, la foi inébranlable dans les progrès scientifiques et technologiques pourrait conduire à une illusion suprême, voire à un désenchantement profond chez les hommes, lorsque les inventions sont détournées de leurs finalités premières. Et, c’est ce que l’on appelle couramment le revers de la médaille. En effet, très vite, le culte du scientisme et de la puissance technologique qui en découle, fait apparaître le spectre de l’angoisse de ne pouvoir maîtriser une telle puissance qui peut se retourner contre les hommes. Il en est, hélas, ainsi au Niger et ailleurs dans le monde avec l’usage dévoyé que l’on fait souvent des réseaux sociaux, notamment de cette fameuse application appelée Whatsapp.
Créée en 2009 par deux anciens ingénieurs de Yahoo, Whatsapp est une application de messagerie instantanée par laquelle les messages sont envoyés et reçus grâce à une connexion Internet. C’est un réseau social qui permet donc de communiquer et de s’échanger des messages, des vidéos et même des enregistrements vocaux. L’avantage incomparable de cette application, c’est qu’elle permet de communiquer sans réseau, il suffit simplement d’être connecté à Internet pour pouvoir échanger avec ses, proches, ses amis ou avec d’autres personnes, partout dans le monde. Devant le succès rapide rencontré par cette application, Facebook l’a racheté en 2014 pour près de 19 milliards de dollars, un record dans l’histoire !
Et depuis cette acquisition, ce succès ne s’est pas démenti, mieux, Whatsapp est devenue un phénomène planétaire, surtout dans les pays en voie de développement comme le Niger où les smartphones mobiles ont permis à un grand nombre de citoyens de se connecter à ce réseau social très facile d’accès, une puce Sim et une connexion Internet suffisant largement pour cela ! De l’extase suprême procurée par cette avancée technologique, l’on semble, aujourd’hui, passer à la gueule de bois avec l’usage perverti qui est fait parfois de Whatsapp.
Censé être un instrument de rapprochement – tel était en tout cas le vœu le plus cher de ses promoteurs, Whatsapp s’est vu détourné de cette noble voie par des individus sans grandes vertus, mus simplement par des intentions malveillantes, qui croient trouver dans cette application le moyen lâche de salir la réputation d’un homme ou d’une femme sans aucune raison valable, ou encore celui de mettre à mal l’unité nationale et la cohésion nationale, sans compter les innombrables fausses informations qu’ils déversent chaque jour. Whatsapp est maintenant devenu le carrefour des fake-news, le moyen le plus facile pour donc discréditer et rouler les honnêtes citoyens dans la boue, et impunément.
Aucune composante de la société ne semble aujourd’hui échapper à ces dérives dangereuses, pas même les gardiens de la foi, quand des marabouts se sont, récemment, copieusement et outrageusement insultés à travers Whatsapp.
Même la grande muette n’est pas à l’abri de ce fléau, lorsqu’avant même l’annonce officielle des bilans de certaines attaques terroristes qui ont frappé le Niger, des images macabres circulent déjà sur ce réseau social à la vitesse de la lumière, cela au mépris de la morale et de des familles endeuillées par les terroristes. Ce qui dans la plupart des cas participe à amplifier la terreur et la propagande de nos ennemis. Rien donc n’échappe désormais à Whatsapp, y compris la vie privée des gens et la sécurité intérieure de l’Etat, tout est dans la rue, du fait des agissements de certains citoyens irresponsables. Même le secret de certaines délibérations importantes et hautement officielles en est menacé.
Face à la gravité de la situation, que faire alors ? Il n’y a pas, visiblement, trente-six mille solutions, ailleurs, les lois humaines sont venues à la rescousse des pouvoirs publics pour encadrer efficacement l’utilisation des plateformes de communication en ligne. En mettant l’accent sur la responsabilité civile et pénale de l’hébergeur ou prestataire de stockage, du fournisseur d’accès à Internet, du commerçant en ligne, et enfin de l’abonné, le législateur français, par la loi 2004-575 du 21 juin 2004, pour la confiance dans l’économie numérique, semble avoir pris les devants par l’institution de ces quatre régimes de responsabilité.
Face aux dérives des hommes, la seule digue indestructible résiderait dans la loi des hommes, professait un jurisconsulte français ! Le grand Machiavel n’en disait pas autre chose, lorsqu’il recommandait dans la gouvernance des hommes d’user du bâton quand la carotte ne suffit pas.
A bon entendeur salut !
Zakari Alzouma Coulibaly