Kader Laouali, le Niger compte actuellement plus de 100 partis politiques. Selon vous, qu’est-ce-qui explique cette pléthore de partis politiques ?
Permettez-moi tout d’abord de vous remercier très sincèrement pour cette opportunité que vous m’offrez de m’adresser aux lecteurs du Sahel Dimanche. Je profite de cette occasion, en ce début de l’année 2020, pour présenter mes vœux de bonheur, de santé et de prospérité à toute la nation nigérienne. Pour être plus précis avec vous, notre pays le Niger compte à ce jour 134 partis politiques reconnus officiellement par le Ministère en charge de la tutelle des partis politiques. Comparativement à certains pays de la sous-région, on ne peux pas parler de pléthore de partis politiques, mais peut être de la qualité ou de l’opportunité de création de ces partis politiques. Selon les dispositions de l’alinéa 1 de l’article 9 de la Constitution de la 7ème République, je cite : « Dans le cadre de la liberté d’association reconnue et garantie par la présente Constitution, les partis, groupements de partis politiques, syndicats, organisations non gouvernementales et autres associations ou groupements d’associations se forment et exercent leurs activités librement, dans le respect des lois et règlements en vigueur ». De ce fait, nous constatons que la création des partis ou groupements de partis politiques, est une liberté d’association qui est reconnue par la loi fondamentale sans limitation du nombre. Tant que cela se fait dans le respect des lois et règlements en vigueur au Niger. Mais hélas, dans le cadre de la conquête et de la gestion du pouvoir, certains citoyens estiment être en devoir de créer des partis politiques pour avoir une certaine promotion sociale que ne peut leur conférer leur qualité intrinsèque.
Quelles peuvent être les conséquences politiques et sociales de cette situation pour le Niger ?
Si on parle en termes de liberté d’association et libertés d’opinion, je pense que le fait pour le Niger d’avoir plusieurs partis politiques n’est pas un véritable problème. Toutefois, la question qu’il faut se poser est justement celle de savoir en quoi ces partis politiques contribuent à la bonne marche de la démocratie et à l’effectivité des politiques publiques. C’est-à-dire, est-ce que globalement ces partis politiques fonctionnent conformément aux lois et règlements qui les régissent ou est-ce que ces partis politiques assurent leur fonction électorale ou même est-ce que ces partis politiques accomplissent leurs fonctions d’encadrement et d’éducation civique de leurs membres, ou disposent-ils réellement d’un projet politique. Ce comportement qu’on peut appeler ‘‘soutien contre poste’’, a entrainé une course effréné pour le gain facile sans aucune plus-value effective au développement harmonieux du pays. Ceci est source de corruption ou passe-droit préjudiciable à la bonne gouvernance.
Certains partis politiques ne sont que l’ombre d’eux même et d’autres ne tiennent même pas leurs instances (Congrès, Assemblées générales,…). Comment un parti politique peut-il exister dans ces conditions ?
Malheureusement, je ne suis pas qualifié pour faire un tel jugement ou une telle affirmation car je n’ai aucun élément d’appréciation de cet état de fait auquel vous faites allusion. Mais si c’est vraiment le cas, je pense que les textes règlementaires notamment les dispositions de la Charte des partis politiques sont clairs là-dessus. En effet, si vous vous referez aux dispositions de la Charte des partis politiques notamment l’article 19, il dit clairement ceci : ‘’Les partis politiques sont tenus de respecter la périodicité de leur congrès ordinaire telle que prévue par leurs statuts respectifs. Si à l’issue d’une période de six (6) mois depuis l’expiration du délai statutaire, le parti politique n’a pas tenu son congrès, sa suspension est prononcé d’office par le Ministre en charge de l’intérieur jusqu’à la tenue dudit congrès. Toutefois, après l’expiration du délai statutaire, un dernier délai de deux (2) mois est accordé au parti politique qui en fait la demande jusqu’à la tenue dudit congrès’’. Donc, voyez bien que les textes règlementaires sont clairs là-dessus. Un contrôle de conformité des partis politiques à la Charte qui les régissent est régulièrement exercé en principe par les services compétents du Ministère en charge de l’Intérieur. Pour preuve, il y’a quelques mois de cela je pense, une lettre circulaire avait été adressée à tous les partis politiques qui ne sont pas à jour vis-à-vis de leurs congrès statutaires pour qu’ils s’y conforment dans un délai précis. Cela a suscité évidemment la tenue de plusieurs congrès des partis politiques en 2019.
Comment sont-ils financés ?
Au Niger, le financement des partis politiques est encadré, depuis 2010, par l’Ordonnance N°2010-84 du 16 décembre 2010 portant Charte des partis politiques. Selon les dispositions de l’article 26 de ladite Charte, les ressources des partis politiques sont constituées par les cotisations des membres, les produits de vente des cartes, les dons et legs, les revenus liés à leurs activités et les subventions et aides éventuelles de l’Etat conformément à la loi et aux dispositions des articles 30 et 31 de la présente ordonnance. Ainsi, on le voit bien, les dispositions de la Charte des partis politiques y relatives ont bien défini les sources de financement des partis politiques, les exigences de transparence et l’obligation de dépôt de leurs rapports financiers auprès de la Cour des Comptes. L’Etat de son côté, fournit aux partis politiques des appuis divers et multiformes à l’occasion des consultations électorales. Aussi, une subvention annuelle de l’Etat est accordée aux partis politiques, qui satisfont à des critères bien définis par la loi, pour leur permettre de mener à bien leurs activités dont la prise en charge de leur fonctionnement et la formation ou l’éducation de leurs militants. Toujours selon le cadre juridique, qui régit leur financement, les partis politiques sont tenus de tenir une comptabilité de type privé, faisant l’inventaire de leurs biens meubles et immeubles qu’ils doivent déposer, au plus tard le 31 mars de chaque année, auprès de la Cour des Comptes. Cette dernière procède à des vérifications pour attester de la véracité des informations fournies. A l’issue de cette vérification, un rapport est dressé et publié au Journal Officiel de la République du Niger. En cas de manquement constaté, la Cour fait des recommandations auxquelles le Parti concerné est tenu de mettre en œuvre. Comme on le voit, le cadre juridique est assez étoffé pour permettre une meilleure gouvernance des partis politiques. Mais dans la pratique, il reste peu effectif en raison des violations qu’il subit.
Quel est votre mot de la fin ?
Je vais juste vous renouveler mes sincères remerciements pour cette interview et profiter pour souhaiter à mon pays le Niger les meilleurs vœux de paix et de prospérité. Que Dieu bénisse le NIGER et son peuple, amine !
Propos recueillis par Mahamadou Diallo (onep)