La politique et les défis diplomatiques des Etats sont en premier chef dans leur géographie. Il en est de même pour ces trois Etats sahéliens : le Burkina Faso, le Mali et le Niger. En effet, la proximité géographique imprime à ces Etats un voisinage qui peut constituer une menace ou une opportunité pour eux.
Par rapport au voisinage, le bon voisinage a aussi une portée géographique puisqu’il englobe de bonnes relations dans les zones limitrophes notamment le respect de la souveraineté et de l’indépendance des pays voisins, l’interdiction de recourir à la force, la non-ingérence, le règlement pacifique des différends et l’obligation de coopérer entre les Etats voisins.
Dans la rigueur scientifique, il peut être distingué « d’une part, un voisinage pacifique qui relève du ‘‘bon’’ et qui, dans le cadre du bon voisinage génère une coopération et d’autre part, un voisinage belliqueux, qui relève de la sécurité internationale en raison de l’existence des conflits ou d’une menace quelconque de recourir à la force ».
Le « bon voisinage » reste tout de même une notion pratique que les Etats ont l’obligation de respecter, sous peine de s’éveiller des différends avec leurs voisins. Et selon ce bon sens populaire « les bonnes clôtures font les bons voisins ». Aussi, le réalisme et la sagesse recommandent aux Etats d’avoir des amis proches d’eux et des ennemis loin de leurs frontières.
La notion du bon voisinage a été appréhendée par les Nations Unies et par plusieurs organisations régionales. En effet, le préambule de la Charte des Nations Unies indique que « les Etats doivent vivre dans un esprit de bon voisinage ». Cette notion a connu un véritable développement avec la prolifération des organisations internationales, régionales et sous –régionales axées sur l’espace géographique, les questions de développement, la coopération, la solidarité et la prise en charge des relations pacifiques.
En diplomatie, la notion du bon voisinage fait aussi appel à d’autres variantes telles que les notions de vigilance et de diligence. Le bon voisinage renvoie à la notion de vigilance afin d’éviter de ne pas violer les droits d’un Etat voisin. Ce devoir de vigilance évolue vers une autre variante connue sous le principe de diligence qui s’impose aux Etats, autrement dit, autant des garanties à mettre en place pour préserver les relations de bon voisinage.
A cet effet, les relations de bon voisinage sont au cœur de la diplomatie trilatérale du Burkina Faso, du Mali et du Niger qui ont décidé de renforcer et de mutualiser leurs efforts diplomatiques par une vision commune à travers une Alliance dénommée « Alliance des Etats du Sahel » instituée par la Charte du Liptako-Gourma, signée le 16 septembre 2023 à Bamako.
Les jalons de cette diplomatie sont posés de manière solennelle dans le préambule et les dispositions de l’article 5 de cette Charte. Ainsi, « guidés par leur esprit de solidarité, de fraternité et d’amitié, le Burkina Faso, le Mali et le Niger visent à court, moyen ou long terme, à œuvrer à la prévention, la gestion ou au règlement de toute menace portant atteinte à leur intégrité territoriale et à leur souveraineté, en privilégiant les voies pacifiques et diplomatiques, et en cas de nécessité, à user de la force pour faire face aux situations de rupture de la paix et de la stabilité », puisque la diplomatie et la guerre sont complémentaires et relèvent de la conduite diplomatico-stratégique.
Comme les diplomates et les soldats symbolisent les relations interétatiques, les premiers dans l’exercice de leurs fonctions, parlent au nom de l’ Etat qu’ils représentent et les seconds, en portant l’uniforme, agissent par devoir, au nom de cet Etat, l’Alliance des Etats du Sahel (AES) s’appuie désormais sur le tryptitique Diplomatie-Défense et Développement (3D) afin de répondre aux vraies aspirations des peuples du Burkina Faso, du Mali et du Niger unis par des liens géographiques, historiques, culturels et séculaires..
In fine, les jalons de cette diplomatie trilatérale de bon voisinage sont posés pour restaurer un climat de solidarité, de bonne entente et de compréhension mutuelle entre ces Etats. Et désormais, c’est à travers ces relations de bon voisinage que l’on peut apprécier l’effectivité et l’efficacité des principes qui sous-tendent la mise en œuvre de l’action diplomatique entre ces Etats.
Dr ADA Moussa,
Ministère des Affaires Etrangères, Contribution à l’analyse de la diplomatie trilatérale des Etats de l’Alliance du Sahel