A l’occasion de la 5ème édition du festival des civilisations du Fleuve Niger tenue à Boubon le 24 février 2024, couplée à la 31ème édition de la fête de l’Artisanat, les artistes ont livré des prestations spectaculaires tant dans la catégorie de la musique traditionnelle que dans celle de la danse traditionnelle. Ils sont en effet, des véritables ambassadeurs de la culture nigérienne et constituent un symbole de fierté nationale. Il s’agit des groupes Gourmantché POGARI de Makalondi, Takayala d’Abala, le Goumbé de Boubon, Bitti Harey de Ouallam et bien d’autres.
L’objectif visé à travers ce festival est la promotion du tourisme culturel par la valorisation du patrimoine culturel de la vallée du fleuve Niger. La pertinence de ce festival est d’autant plus justifiée aujourd’hui pour les nouvelles autorités de la transition car il permet de mettre en valeur les potentialités culturelles de notre pays, dont celles de la vallée du fleuve. Facteur de promotion du tourisme, le festival peut également contribuer, dans le contexte actuel, au raffermissement de la cohésion sociale et de l’intégration des populations riveraines.
Le Niger est un grand réservoir en matière de variété de cultures dont chacune se caractérise par son langage, ses traditions et ses formes artistiques. En effet, la danse traditionnelle est un élément important de la culture locale. Elle est une pratique culturelle ancrée dans les attitudes et mode de vie des populations riveraines du fleuve Niger. Parmi la multitude de troupes de danses traditionnelles qui existent, certaines ont su conquérir le cœur et les esprits du grand public au fil des années. Réputés pour leurs talents exceptionnels, les groupes nous transportent dans un voyage captivant à travers les rythmes et les mouvements de la danse traditionnelle nigérienne.
Basé à Makalondi, village situé dans le département de Torodi, à quelques 80 km de Niamey, le groupe Gourmantché POGARI de Makalondi, a été créé dans les années 1980 pour faire la promotion de la culture nigérienne. Aujourd’hui, le groupe est composé d’une vingtaine de personnes, hommes et femmes dont l’âge varie de 17 ans à 53 ans. Ce groupe continue de préserver jalousement les danses, les chants et les costumes traditionnels qui caractérisent la richesse culturelle de leur ethnie. Considéré comme l’identité culturelle des gourmantchés, le POGARI est une danse traditionnelle qui est exécutée spécialement lors d’événements tels que les mariages, les anniversaires, les cérémonies pour accueillir des visiteurs ou pour célébrer d’autres événements partagés par l’ensemble du groupe. En outre, cette danse est un véritable récit, racontant des histoires ancestrales, des légendes et des traditions transmises de génération en génération. Cette danse est utilisée pour raconter, communiquer ou plus simplement pour vivre des moments de joie. Elle est une composante majeure de la vie sociale. Pendant leur prestation, les danseurs portent des vêtements dont l’accoutrement est plein de symboles dans leur culture. Les hommes portent des accoutrements complets, bonnets et ceintures de cérémonie, tandis que les femmes portent des pagnes ou jupes colorés et ornés de bijoux et sont généralement pieds nus, avec des hochets aux chevilles.
Néanmoins, il existe également plusieurs types d’habits. « Chaque habit est confectionné localement et a sa propre signification. On utilise les tissus en coton, les coris, les pièces d’argent, les plumes d’oiseaux et la peinture », explique M. Yacouba Saley, président de la troupe. La danse s’exécute au rythme du tam-tam, pendant qu’hommes et femmes se meuvent avec une synchronisation parfaite, captivant le public par leurs mouvements élégants et leurs expressions intenses.
« Le POGARI est notre identité culturelle. Malgré le modernisme et le manque d’appui, nous faisons tout pour continuer à préserver cet héritage culturel transmis par nos aïeux. C’est une fierté pour nous de continuer à pratiquer cette danse », précise M. Yacouba saley avec conviction. Quant à Assia Lompo, une ravissante danseuse de la troupe de 19 ans, elle fait partie du groupe depuis plus d’un an. « Je suis passionnée par la danse, on y joue dès notre jeune âge. On ne voit aucun mal à ce que les filles se déguisent et participe publiquement à des danses, c’est notre tradition », confie-t-elle.
La troupe est souvent sollicitée lors des grands événements culturels, tant au niveau national qu’international. Des occasions pour mettre en valeur leur riche patrimoine culturel et de partager pleinement leurs passions. « Grâce à cette danse, nous avons participé à plusieurs événements culturels, notamment en Libye, au Burkina Faso, au Mali et au Bénin. Nous avons également été invités lors des 5èmes jeux de la Francophonie, tenus à Niamey en 2005. Nous avons plusieurs palmarès à notre actif », souligne le président avec enthousiasme. Quant à Ibrahim Lankondé, membre de la troupe, il se dit fier d’appartenir à ce groupe qui lui a permis de voyager au-delà de son imagination et de rencontrer plein de gens et faire la connaissance d’une diversité de cultures.
Cependant, cet enthousiasme ne doit pas cacher la réalité dans laquelle se trouve le groupe. « Le dernier appui que nous avions reçu était lors des 5èmes jeux de la Francophonie. Nous nous débrouillons avec le peu qu’on gagne, à l’occasion des prestations auxquelles nous sommes invités, c’est juste la passion qui nous guide », a confié le président de la troupe. « Les différentes troupes de danse traditionnelle sont vraiment dans une situation moribonde, les quelques événements ne doivent pas nous faire oublier la réalité. On manque de tout, de l’élémentaire à l’essentiel, beaucoup de personnes s’intéressent de moins en moins aux traditions. Il faut un véritable appui pour ne pas assister à la disparition pure et simple de nos traditions. Comme on le dit souvent, un peuple sans tradition est un peuple sans histoire », a-t-il relevé.
En habits blancs et noirs avec une broderie typiquement traditionnelle qui reflète l’identité touarègue, les artistes de la troupe Takayala (Abala) dont les hommes en turban noir et blanc et les femmes en foulard noir communément appelé ‘’turkudi’’, ont créé la sensation lors de la cérémonie. « Nous gardons jalousement notre tradition. C’est pourquoi, nous sommes toujours dans notre tenue traditionnelle et nos instruments sont purement traditionnels. Nous préférons restés dans notre monde que de perdre notre identité », s’exclame Aghali, le chef de la troupe Takayala. Ainsi, ces passionnés du ‘‘tendé’’ ont livré une prestation spectaculaire et ont tenu en haleine le public à travers leur musique unique en son genre et les messages qu’ils ont véhiculé à travers leur chanson.
« A travers cette prestation, nous voulions contribuer à l’évolution de la culture dans la région de Tillabéri. Nous sommes fiers d’avoir non seulement émerveillé le public, mais aussi de représenter notre commune à cette grande rencontre », dit-il. Dans leurs paroles qui accompagne la musique, ils disent clairement qu’ils sont « nés » pour jouer le ‘’tendé’’ suivant les coutumes de la communauté Touarègue. On compte parmi eux des femmes et des hommes doués d’une compétence et d’un talent remarquable. Dans la communauté Touarègue, a-t-il expliqué, ‘’le tendé’’ est un instrument de musique parlant et les notes musicales sont des messages. « La musique dans cette communauté se fait autour de ‘’tendé’’, l’élément principal. Il reste un élément incontournable dans notre société lors des cérémonies des mariages, baptêmes ou les moments de réjouissances », a-t-il indiqué. Le ‘’tendé’’ est en effet constituée d’une structure en bois tendue de peau de vache sur laquelle sont fixées des lames en bois de même longueur sur les deux côtés. Le son de cet instrument, accompagné des youyous des femmes et des cris propres aux hommes touareg, a suscité une attention particulière du public fortement mobilisé lors de leur prestation. Une troupe bien structurée avec ses propres pas de danse qui force l’admiration à travers ses « excellentes prestations » sur le lieu du festival.
Parmi les artistes qui ont émerveillé le public, figurent les joueurs de ‘’Goumbé ‘’ un instrument de musique plein de symboles, car, il représente la culture Songhay. Ces joueurs, avec une énergie exceptionnelle et l’amour de ce qu’ils font, ont su tenir le public en haleine durant les deux jours de festivités. Cet instrument impressionnant conçu à l’aide d’un tonneau recouvert d’une peau de vache, galvanise le public. Cet instrument est joué dans la communauté Zarma à l’occasion des grandes cérémonies. « Ces derniers temps, les jeunes ne s’intéressent plus à la musique traditionnelle, ils préfèrent la musique moderne, ce qui fait que les musiciens traditionnels que nous sommes, n’avons plus le courage de continuer, mieux vaut consacrer notre énergie à autre chose », nous confie un des joueurs de Goumbé, un natif du village de Boubon Goungou. « Si nous sommes là aujourd’hui, c’est pour accompagner nos autorités dans leur élan de promotion de la culture nigérienne à travers l’organisation de ce festival », confie-t-il. En effet, ces deux joueurs de Goumbé égayent simultanément le public à travers une mélodie identique, dont la signification, même en l’absence de paroles chantées, n’échappe à personne. Le tout donne un caractère de note sonore incroyablement forte et attirante et les femmes, les jeunes et mêmes les enfants les accompagnent avec des pas de danse bien structurés.
‘‘Alzanayé’’ ou festival des civilisations du fleuve Niger, initié en 2008 par le Ministère de l’Artisanat et du Tourisme en collaboration avec les populations de la région de Tillabéri, signifie en langue Zarma-Sonrhaï « réjouissance ». Selon le directeur régional de l’Artisanat et du Tourisme de Tillabéri, par ailleurs directeur de la Culture par intérim, M. Guiré Mounkaïla Moussalina, de 2008 à 2010, trois éditions ont été organisées à Ayorou, au bord du fleuve Niger, et à proximité de la frontière malienne. Depuis lors, le festival ne s’est plus tenu, non pas parce que les objectifs qui ont présidé à l’organisation de cette manifestation n’ont pas été atteints, mais plutôt à cause de l’insécurité qui sévit dans la partie ouest du pays, a expliqué le directeur régional. Ainsi, après tant d’années de léthargie, le Ministère de l’Artisanat et du Tourisme, les populations de la région de Tillabéri et les autres acteurs concernés (les professionnels de l’hôtellerie et du tourisme), en raison de la pertinence du festival, ont jugé nécessaire et opportun de réhabiliter cette manifestation en 2022, mais cette fois-ci à Boubon, un village situé à quelques encablures de la capitale, dans la commune rurale de Karma. Et récemment, en février 2024, la tenue de la 5ème édition de ce festival à Boubon a atteint tous ses objectifs. Le choix du village de Boubon n’est pas un fait de hasard dans la mesure où ce village répond aux critères retenus par les organisateurs. La renommée de Boubon tient du fait qu’il est ce village pittoresque où la poterie fait partie des activités socio-culturelles et économique à laquelle, les populations s’adonnent depuis des années.
Aïchatou Hamma Wakasso et Nazir Ousmane (stagiaire)