Dès 6h du matin, au quartier des forgerons du marché de Katako, on sent une forte chaleur et une odeur de brûlé qui se répand dans l’air. Dans un modeste hangar clôturé avec des tôles rouillées, les forgerons fabriquent, avec leurs mains habiles, des ustensiles de cuisine en aluminium. Ces ustensiles sont fabriqués à base de matériaux récupérés comme les boites vides et les objets en aluminium usés. Au Niger, les marmites en aluminium, fabriquées selon le savoir ancestral, sont très prisées par les populations locales pour leur durabilité, leur forme luisante et leur prix abordable.
Rien ne se fait au hasard ! La fabrication des marmites en aluminium nécessite le respect des différentes étapes. Tout commence d’abord par la collecte de la matière première, d’où l’importance du recyclage. Ce dernier permet non seulement de réduire le volume des déchets et la pollution de l’environnement, mais aussi de collecter du métal qui sera fondu pour servir de matière première.
Selon Ibrahim Lawan, un chaudronnier de Katako, la fabrication d’une marmite nécessite la maitrise d’une succession de gestes techniques qui doivent être accomplis avec beaucoup d’habilité et de précision. Le corpus technique d’aluminium comprend quatre séquences d’actions distinctes qui sont la fonte, le moulage, la coulée et la finition.
En première position, il y a une équipe qui est chargée de la fonderie. La fonte consiste à mettre les matériaux recyclés, après avoir fait le tri et s’assurer qu’aucune substance dangereuse ou impureté ne puisse être introduite lors de la fusion du métal, dans une fosse de moins d’un mètre carré. Les matériaux recyclés fondent pendant quelques heures sous une température très élevée. Ce processus de liquéfaction est contrôlé par un employé, un long pieu en main afin de pouvoir enlever les résidus qui remontent à la surface et lui permettre de s’éloigner de la chaleur infernale dégagée par le bouillonnement de l’aluminium.
Installé sous un petit hangar à côté de la fosse, un autre ouvrier est chargé de souffler le feu à l’aide d’un soufflet mécanique jusqu’à l’obtention du résultat voulu.
Ensuite, il y a l’étape du moulage. Une autre équipe se met en place et s’active pour préparer les moules à base de mélange de sable et d’argile humide qui va lui permettre de résister, sans se déformer au contact du métal en fusion. Les mouleurs vont élaborer un dispositif qui va permettre de contenir le sable et l’empreinte de l’objet à réaliser. « Sous cette tente, nous travaillons seulement avec du sable et un peu d’argile. Nous prenons une ancienne marmite, nous la découpons en deux morceaux, ce qui va nous servir de modèle. On remplit d’abord avec un mélange sablo-argileux humide puis un moule en bois pour placer la marmite modèle, nous tapotons le sable pour qu’il soit uniforme au moule afin de former un moule de terre. Ensuite, on retire la marmite modèle, ce qui crée un espace qui sera rempli d’aluminium fondu », a expliqué Ibrahim Lawan.
Après le moulage, l’aluminium fondu en amont est coulé dans les moules à l’aide d’un récipient en acier maintenu par une longue pince de forgeron. Après cinq minutes, une marmite solide est manuellement produite. A travers cette production, différents ustensiles sont conçus à savoir les marmites, les casseroles, les pince-citron, les louche de cuisine, etc. « En une journée, nous produisons plus de 150 marmites de différentes tailles et différents modèles. Les tailles varient du numéro 2 au numéro 30 », a ajouté le chaudronnier.
La dernière étape consiste à bien scier les défauts et à limer les traces coulées. « Après ce processus, nous devons regarder avec attention les ustensiles afin de détecter les défauts et imperfections et faire les retouches. Une fois ces opérations terminées, le récipient est prêt à être vendu sur le marché », a-t-il notifié.
D’après les explications de Ibrahim, ce sont les grossistes qui viennent s’approvisionner chez eux pour ensuite les écouler auprès des revendeurs. « Mais, il y a aussi des gens qui viennent acheter auprès de nous, et il y a ceux qui amènent des vielles marmites et nous les rénovons nous-mêmes », a-t-il fait comprendre. Cet artisan dit avoir hérité ce métier de son père, qui lui aussi l’avait hérité de son père. Le seul problème que ces artisans rencontrent dans ce métier « c’est quand nous faisons les marmites et que ça se gâte au cours du processus. Pendant les moments de fortes chaleurs, il nous est difficile de travailler, mais nous faisons avec puisque c’est dans ce métier que nous nous retrouvons », a confié le chaudronnier.
Boubacar est un étudiant à l’Université Abdou Moumouni de Niamey. Il allie les études à la fonderie. Il est un ouvrier dans la même fonderie que Ibrahim Lawan. Il explique que ce métier se fait dans des conditions difficiles. Selon lui, travailler avec du métal fondu est dangereux. « Il faut être prudent car la personne risque de se retrouver avec des brûlures. Je ne peux pas te dire que ce métier a un impact ou pas, mais les brûlures, c’est presque notre quotidien. Ce qui nous fatigue, c’est de faire un bon travail et de ne pas arriver à écouler le produit. Nous avons vraiment besoin d’aide. Que ça soit des opérateurs économiques ou de l’État, le domaine de la fonderie mérite un accompagnement et un appui financier pour booster le génie créateur des artisans », a plaidé le jeune ouvrier.
Mariama Souley (Stagiaire)