Le gouvernement du Niger a donc décidé, le 16 mars 2024, « en toute responsabilité, de dénoncer avec effet immédiat l’accord relatif au statut du personnel militaire des Etats-Unis et des employés civils du département américain de la Défense sur le territoire de la République du Niger ». Les motivations de cette décision ont été données sans langue de bois dans le communiqué officiel lu par le porte-parole du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie, l’organe dirigeant du pays présidé par le Général de Brigade Abdourahamane Tiani.
Les accords qui viennent d’être dénoncés par le Niger révèlent d’abord une des faces cachées du régime déchu. Au même moment où il s’autoproclame « socialiste » et garant de l’intégrité territoriale du pays, ce régime réussit le tour de force d’appliquer une politique ultra-libérale et d’offrir des portions entières du territoire national à des armées étrangères. Ce, dans l’opacité et sans consulter la représentation nationale. Les responsables de cette forfaiture sont les mêmes qui, dans les années 1960-1970, détournaient la définition de l’OPVN : ils l’appelaient non pas « Office des Produits Vivriers du Niger » mais « On Peut Vendre le Niger ». A peine arrivés aux affaires en 2011, ils s’attelèrent donc à traduire leur slogan en actes. Ce qui fut fait avec les accords de 2012-2013 et quelques autres signés avec des pays de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) dirigée par les Etats-Unis.
Mais, quid des Etats-Unis d’Amérique et de leur réaction à cette décision historique du CNSP ?
Les USA sont un pays qui a connu la colonisation et la guerre civile, qui s’est battu pour son indépendance et a constitutionnalisé la démocratie moderne, qui a développé son économie et a marché sur la Lune ; mais, ce modèle de progrès est aussi celui qui a organisé le génocide des Indiens « Peaux rouges » et refusé les droits civiques aux Noirs américains. Ce pays a toujours pratiqué la politique de « deux poids, deux mesures », à l’interne comme à l’externe. De Mossadegh à Saddam Hussein en passant par Patrice Lumumba, Che Guevara, Salvador Allende et tant d’autres leaders progressistes, l’Oncle Sam a « raccourci » nombre de dirigeants « mal pensants ». Et a laissé prospérer des régimes honnis comme ceux de l’Apartheid, de Pinochet, Ferdinand Marcos, le Shah, etc.
Le peuple américain n’est pas en cause. Ce qui est en cause, ce sont les firmes multinationales comme « la pieuvre verte » qui sévissait en Amérique du Sud et ailleurs ainsi que le complexe militaro-industriel américain qui crée des conflits partout pour pouvoir écouler ses armes. Comment peut-on, avec un tel pedigree, imposer une ligne de conduite ou donner des leçons de morale à un autre pays qui veut affirmer sa souveraineté longtemps confisquée par les mêmes donneurs d’ordres ?
Voyez ce qui se passe avec la Russie de Poutine. L’OTAN installe des bases militaires tout autour de la Russie et s’offusque lorsque Poutine monte une opération militaire spéciale pour desserrer l’étau qui l’étouffe…
Cela dit, le Niger ne veut plus de « l’amitié » étouffante, d’où qu’elle vienne !
Les Etats-Unis attaqueront-ils le Niger pour autant ? Non ! L’Oncle Sam a échoué à Cuba et au Vietnam, en Afghanistan et en Irak, au Nicaragua et en Corée, etc. Qui a sauvé ces pays de la rapacité US ? Leurs peuples respectifs bien sûr, avec le soutien avisé et efficace de Moscou et/ou de Pékin.
Alors, quand l’Oncle Sam exige du Niger qu’il renonce à ses relations avec Moscou, Téhéran ou même Pékin, il donne la mesure du désarroi dans lequel il s’est plongé tout seul. C’est pathétique. Mais, qu’il se rassure : les Officiers nigériens ne commettront pas la même erreur que le Conventionnel Saint-Just. Au plus fort de la bataille entre la Plaine et la Montagne à laquelle il appartenait, Saint-Just écrivit un discours d’où on retient cette phrase : « Je ne suis d’aucune faction ; je les combattrai toutes ». La quasi-totalité de l’Assemblée constituante, apeurée, se ligua pour guillotiner et Saint-Just et son patron Robespierre.
Le Niger a choisi son camp. The game is over !
Par Sani Soulé Manzo (ONEP)