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Alou Moustapha, DG ONEP
A l’annonce de la résolution relative à la dissolution des partis politiques, prononcée par la plénière des Assises Nationales, deux monumentales œuvres viennent à l’esprit de tous ceux qui s’intéressent à la littérature et au cinéma de notre pays. L’œuvre littéraire « 15 ans ça suffit ! » de Amadou Ousmane et le film « Nuages Noirs » de Djingarey Maiga.
Dans son ouvrage publié en 1978, Amadou Ousmane a étalé le visage froid de tous ceux qui, se prévalant d’une immunité que leur confère, pensent-ils, leur militantisme politique, ont profité de leur statut de « militant politique intouchable » pour toucher, détourner, dissiper, maltraiter, manipuler à leur guise les deniers publics y compris des vivres et autres denrées alimentaires destinés à être distribués gratuitement aux populations nécessiteuses, au vu et au su de leurs camarades de parti qui, dans une hypocrisie collective, les encourageaient ou se muraient dans un silence complice.
Un jour, « après 15 ans de règne jalonné d’injustice, de corruption et d’égoïsme à l’endroit du peuple auquel il prétendait assurer le bonheur », l’armée, ne pouvant plus tolérer la permanence de cette oligarchie, a ‘’décidé de mettre fin au régime que vous connaissez’’ ».
Quant au film « Nuages Noirs » que Djingareye Maiga a réalisé en 1979, il pose un diagnostic sans complaisance de tous ceux qui ont fait de la politique un métier, une fonction régulière et rétribuée, un ascenseur social, une caverne d’Ali Baba, un tremplin pour assouvir des ambitions personnelles, un parasol à l’ombre duquel on peut tout se permettre, tout faire et même ne rien faire, et « gagner sa vie ».
Ce film étale le comportement de certains compatriotes parvenus à des postes de responsabilité grâce à leur zèle, leur capacité à faire adapter leur Curriculum Vitae à toute situation, leur ingénierie à aduler les dirigeants de leurs partis, leur propension à considérer la carte d’adhésion à un parti politique comme une carte bancaire, un badge qui leur ouvre toutes les portes de la réussite, une accréditation auprès des responsables de l’Etat pour développer avec leur bénédiction, le trafic d’influence, la concussion, le népotisme, les passe-droits, la corruption, leur militantisme sans bornes et parfois sans repères puisqu’en réalité ils ne croient à aucune idéologie politique et n’ont que faire d’un quelconque idéal politique.
L’un des acteurs principaux du film, rôle joué par Damouré Zika, est justement un militant d’un parti politique au pouvoir, dont le profil rame à contre-courant du poste qu’il occupe, qui s’est vu parachuter, en guise de remerciements et de récompense pour tout ce qu’il a fait non pas à la Nation mais au parti, à un prestigieux poste dans l’administration. Directeur Général des Douanes ! ni plus ni moins.
L’arrivée d’un jeune cadre, sérieux, compétent et qui n’a jamais milité dans un quelconque parti politique, mit le militant-DG dans tous ses états et il décida d’utiliser tous les moyens de pression politique, chantage, tentative de corruption et d’intimidation, humiliation, pour étouffer l’énergie, l’enthousiasme et l’intelligence du jeune cadre dont le profil cadre parfaitement avec la haute responsabilité dans la structure.
Le parvenu -politicien tenta vainement d’accuser le jeune homme dans une « affaire de mœurs » montée de toute pièce, fausse et grotesque. Voici un extrait du face à face entre les deux acteurs :
-Politicien : Bonjour jeune homme, comment ça va ?
-Jeune cadre : ça va bien Monsieur le DG !
Politicien : Voilà ! Je t’ai fait venir ici parce que moi je suis un homme très simple et qui a du courage. J’ai milité toute ma vie, j’ai été politicien et j’ai travaillé dur pour le parti et le parti m’a récompensé. Je suis très sensible quand quelqu’un me fait du mal et d’ailleurs c’est pour cette raison que j’ai décidé de t’enfermer pour la bêtise que tu as faite à ma fille. Seulement, aujourd’hui, j’ai tout perdu et je voudrais te faire savoir que j’ai décidé de retirer ma plainte car ça ne me sert à rien du tout et je te remercie d’être venu.
-Jeune cadre : J’ai compris ! J’ai très bien compris ! Seulement, je voudrais vous dire une chose monsieur : je ne suis pas prêt à laisser tomber cette affaire, j’irai jusqu’au bout et mettez-vous ça dans la tête : vous ne me faites pas peur avec votre titre de politicien qui a aidé le parti. Vous êtes politicien ? Moi Pas ! vous avez aidé le parti ? moi Non ! je n’ai jamais fait quelque chose pour le parti et je ne le ferai jamais ! et je voudrais vous dire autre chose monsieur : si jamais un jour, un malheur arrive à votre parti, à son gouvernement ou à son Président vous êtes responsables, vous et vos semblables ! retirer votre plainte, je vous comprends car aucune âme n’est brave quand la mort sonne à sa porte.
Alou Moustapha (ONEP)