Lors du Festival International de la Mode Africaine tenu du 1er au 5 décembre 2021 à Niamey, des créateurs nigériens ont voulu accorder une place de choix à nos us et coutumes, notamment le tissage traditionnel. A travers ce choix, ces passionnés de la mode entendent simplement promouvoir la culture nigérienne en ce qu’elle a de singularité et donc de spécifique. En modélisant nos tenues traditionnelles, ils ont ouvert les yeux en essayant de moderniser ce savoir ancestral en voie de disparition. C’est le cas de Hassane Ali Sidibé, la quarantaine révolue, natif de Ouro Gueladio (Say) qui, avec sa collection ‘’Mi yetti lamdo’’ en langue fulfuldé ‘’ qui veut dire dans la langue de Molière, je remercie le seigneur Allah’’, a défilé sur le podium du FIMA sous les ovations du public venu nombreux apprécier les talents artistiques présents à l’évènement. A travers ses créations, il a su adapter les goûts et les bonnes couleurs qui allient traditions et modernité.
Visiblement joyeux de faire partie de cette horde de stylistes qui ont assisté au grand festival international, Hassane Ali Sidibé nous raconte avec lucidité son amour pour la mode, son parcours artistique et aussi et surtout son passage remarquable au FIMA. L’atelier de notre interlocuteur est situé au quartier Boukoki, précisément sur la grande voie du Collège Lako. En effet, ‘’création Ghallo’’, c’est le nom qu’il a choisi pour donner à son atelier. Il signifie en langue peuhle ‘’ prince courageux’’ qui s’inspire de cette culture dont il tire ses origines. Un message bien lancé lors de ce rassemblement de la mode africaine avec le passage des stylistes hommes en tenue ‘’ Barkary ‘’ ou Bolaré selon l’appellation du terroir, cette chemise que porte généralement les jeunes hommes peulhs communément appelés ‘’garçons ‘’ et les bergers lors des cérémonies sociales, le mariage, le baptême, le hotungo, les jours des marchés. Cousu généralement en tissu de couleur vive, le Barkary est porté fièrement par les bergers avec des affiches de boutons en cauris blancs, les princes moyens l’arborent en boutons argentés et les rois la portent en or. Dès l’enfance, dans certains terroirs, on l’offre aux jeunes ce Barkary qu’ils portent dignement à toutes les grandes occasions. Cette chemise est souvent ornée même avec des broderies, des perles…… et ou d’un mélange des matériaux, tout dépend des occasions. Selon lui, le tissage en fil sur ces genres de chemises typiquement culturelles, est un art que seuls les initiés maitrisent parfaitement la portée. Avec le tissu, il suffit juste de savoir coudre avec des textures différentes et savoir bien manipuler le crochet, les broderies…..
Selon lui, il faut de temps en temps associer les tisserands qui par manque de ‘’consommons local’’ se retrouvent au chômage et qui techniquement sont efficaces et qui peuvent bien manier tous ces matériaux et c’est là où nous intervenons souvent. Et des festivals comme le FIMA peut ne serait-ce que pendant un temps résorber le chômage des jeunes. Nous avons l’obligation de préserver cet art, ce savoir-faire traditionnel, un savoir-faire transmis de père en fils. A travers « créations Ghallo », ‘’mes modèles et ma ligne de vêtement, j’ai voulu créer une marque moderne avec des motifs traditionnels tirés de la culture peuhle. Ma collection ‘’mi yetti lamdo’’ est une mode, un vecteur de transmission de culture et de partage des passions. Elle fait surtout référence à ma culture et à la fierté d’appartenir au Niger et en Afrique. Mon enfance est liée à ce tissu qui célèbre la vie quotidienne du petit berger peulhe’’, se souvent-t-il avec un brin de nostalgie.
Valorisons nos tenues traditionnelles
‘’J’ai commencé depuis 2000 chez Alphadi, un grand styliste modéliste. Après 14 ans de service dans cette grande maison de la mode africaine, il intègre le du comité d’organisation de ce grand festival FIMA comme membre permanent. Voyant la nécessité de voler avec ses propres ailes, il s’était envolé pour le Togo pour aller ouvrir son atelier là-bas. Et quelques années après, il est revenu au bercail pour des raisons familiales et rouvrir son atelier où présentement il emploie quatre couturiers qui l’aident à perfectionner son travail. Ces couturiers sont payés au prorata’’, précise le jeune systiliste Hassane Ali Sidibé.
Notre styliste utilise, le tissu, la soie, le pagne, le coton, avec tout un éventail de couleurs et des matériaux variants que nos grands-parents aimaient porter et qu’ils maitrisaient à merveille. ‘’Aussi dans mes collections, j’essaie de créer des pièces, des ensembles, des robes, de chemises avec plein de motifs, de couleurs, d’accessoires, de broderies. Je collectionne aussi des habits surtout avec l’avènement des ‘’kawayen party ‘’ ou nous confectionnons des tenues Djerma, haoussa, touarègues, kanuri….Ou boubous traditionnels et ou pagnes tissés. Avec ces créations, je reçois des commandes des institutions, pour habiller les hôtesses et ou des agents de certains services, instituts et ou écoles. Egalement, j’ai bénéficié des distinctions et des invitations hors du pays pour représenter mon pays lors des festivals de la mode dans certains pays africains’’ se réjouit-il.
D’où vient cette inspiration pour la mode ?
« Suite à des invitations aux différents défilés, je participais étant jeune aux rencontres culturelles. J’ai commencé à apprécier les mannequins, les stylistes, ce monde artistique et créatif. Et après, j’ai commencé à, apprendre, à coudre pour moi, et mes amis appréciaient. Certains me donnaient des petites commandes pour coudre leurs tenues. Cette passion grandissante pour la mode m’a amené à en faire un métier pour la création de mes propres modèles. Je tiens à rendre un hommage mérité à Alphadi, l’initiateur du plus grand évènement de la mode africaine », a expliqué le créateur Ghallo.
Selon lui, son inspiration vient de partout, de la vie de tous les jours, des hommes et des femmes qu’il croise au quotidien, de son environnement et de l’histoire de ses origines peuhles, une communauté proche de sa culture avec son sens du goût et de l’élégance. ‘’Nos cultures sont riches, notre pays a des potentiels sur le plan culturel, il suffit juste de s’en servir bien. Valorisons nos cultures, et la mode est le meilleur moyen d’imposer nos traditions, cessons juste de piétiner ces valeurs et ou d’abandonner ces valeurs sous l’influence des cultures occidentales ’’, conseille-t-il.
« Comme ambition et ou projets, je veux être régulier sur les podiums, au niveau des grands festivals comme le FIMA au Niger et à l’International. Et cela passe par le travail bien fait. Je rêve aussi d’habiller des hautes personnalités, bien que de plus en plus ma clientèle qui était uniquement à Niamey est en train de s’étendre aux autres régions du pays. Pour le moment, je me focalise sur la qualité de mes créations avec mes quatre employés, le reste viendra, à qui sait attendre et certainement je serai de la partie », raisonne-t-il avec sagesse.
Par Aïssa Abdoulaye Alfary(onep)