Les crises diplomatiques et la diplomatie de crise demeurent des préoccupations des Etats et aussi des acteurs non étatiques. Les crises diplomatiques peuvent être définies comme des évènements qui surviennent de manière brusque, inattendue, imprévisible, remettant en cause les bonnes relations entre Etats. Elles revêtent une importance particulière pour les Etats et leurs gouvernements. Alors que la diplomatie de crise est une stratégie qui consiste à éviter que la crise ne conduise à une catastrophe. La survenue des crises diplomatiques convoque la sollicitation de la diplomatie de crise.
En effet, l’histoire diplomatique est truffée d’exemples des crises diplomatiques. Mieux, avec le phénomène de la mondialisation et le développement des nouvelles technologies l’information et la de communication, les crises diplomatiques entre Etats sont devenues partout des préoccupations des gouvernements, des organisations internationales et des organisations de la société civile.
Les crises diplomatiques peuvent avoir plusieurs origines et revêtir diverses formes. La crise diplomatique peut naître d’un écart de langage ou d’une mauvaise communication diplomatique, puisque le langage diplomatique est vivement intégré dans les relations internationales qu’un mot déplacé, maladroit ou discourtois peut susciter des vives réactions. La crise peut évoluer vers un incident diplomatique, c’est-à-dire un événement qui survient entre deux Etats ou plus, généralement en paix et qui peut nuire à leurs relations mutuelles. Ce qui conduit au risque d’altérer les relations de ces Etats avec des graves conséquences de restrictions économiques (embargo par exemple) ou de rupture de négociations en cours ou de compréhension mutuelle.
La crise peut également entrainer le rappel pour consultation d’un chef de mission diplomatique ou conduire à une rupture des relations diplomatiques entre les Etats.
En effet, le rappel d’un diplomate peut être lié, d’une part, au comportement de cet agent (ingérence dans les affaires intérieures de l’Etat de résidence, crimes et délits). Dans ce cas, il lui est imputable, et, d’autre part, le rappel peut être lié au comportement de l’Etat d’envoi sans que l’agent ait été impliqué personnellement (lorsque l’Etat de résidence sanctionne la politique de l’Etat d’envoi dont le diplomate n’est que le porte-parole). Dans ces cas d’espèces, on peut citer les exemples historiques de l’ambassadeur d’Espagne près de la Reine Elizabeth I qui avait comploté contre elle et qui reçut l’ordre de quitter le pays (V. Satow Ernest, Guide to Diplomatic Practice) et le rappel de l’ambassadeur de Cuba à Lisbonne parce que le Gouvernement cubain avait porté des accusations contre le chargé d’affaires portugais à la Havane de collusion avec la CIA (V. Jean Salamon, Manuel de Droit diplomatique, édition Delta 1996, p. 489).
Concernant la rupture des relations diplomatiques, elle recouvre la plupart de temps non la rupture de tout contact diplomatique, mais celle de relations par le truchement des missions diplomatiques permanentes. C’est pourquoi, la rupture des relations diplomatiques, si elle n’est pas suivie d’une déclaration de guerre, ne devrait pas entrainer celle des relations consulaires.
Les motifs qui amène un Etat à prendre cette décision sont très variés (geste de protestation à la suite d’un conflit armé ou territorial, attitude de protestation à la suite d’une reconnaissance d’un gouvernement ou d’un Etat, indignation morale ou dégradation progressive de relations…). On peut citer les exemples de ruptures de relations diplomatiques entre le Maroc et la Tunisie à la suite de la reconnaissance de cette dernière de la Mauritanie ou du Maroc avec l’Ethiopie à la suite de la reconnaissance de cette dernière de la République Arabe Sahraouie Démocratique.
Aussi, dans le domaine international, la crise peut apparaitre comme une modification soudaine et inattendue dans le déroulement d’une situation et peut déterminer ainsi les réactions de la part des Etats qui y sont confrontés et révéler leur degré de résistance.
Plus la crise évolue en intensité, plus elle se transforme en différend ou en conflit ouvert entre Etats. Mais, cela n’empêche pas que la notion de crise puisse rapprocher de celle de différend ou de conflit. Il arrive qu’un conflit frontalier puisse être qualifié de crise diplomatique ou de guerre interétatique. D’où la nécessité de définir la relation entre conflit, différend et crise.
En effet, le concept de conflit est protéiforme et difficile à définir. Il met en concurrence plusieurs termes : « litige, différend, crise, tension, antagonisme, situation…». Le conflit est un litige qui fait intervenir des acteurs qui ne sont pas en harmonie. Il peut être une forte contestation.
Quant au différend, il peut être perçu comme une divergence de vue sur un point de droit ou de fait qui peut naitre d’un contentieux. Il est plus faible en degré et plus atténué que le conflit. C’est du différend, de son évolution que pourra naitre un conflit.
Concernant la crise, elle est une situation brusque, inattendue. Elle peut être un passage actif aux hostilités, même si une crise ne débouche pas sur une issue armée. Tout l’enjeu est d’éviter le passage d’une situation de crise à un conflit ouvert. C’est à ce niveau que la diplomatie de crise est constamment sollicitée pour éviter que la crise ne conduise à une catastrophe.
L’important est de considérer la crise comme un ennemi commun aux acteurs étatiques et non étatiques en sollicitant le rôle de la diplomatie pour la résoudre. A cet effet, la diplomatie de crise consiste à « parvenir à une solution acceptable pour les deux parties en crise sans recourir à l’emploi de la force ».
Si la prévision d’une crise diplomatique est difficile, au moins est-il possible de la gérer, de prendre les décisions appropriées pour la contrôler? C’est là un défi intéressant pour les diplomates. De ce fait, la gestion d’une crise diplomatique nécessite l’élaboration d’une stratégie ou du moins d’une diplomatie de maîtrise de crise. Ainsi, on fait appel à l’expertise diplomatique puisque la diplomatie de crise devra combiner les négociations diplomatiques et les pressions militaires de manière à éviter que la crise ne débouche sur un conflit armé.
Si l’absence totale de relations est de rigueur, elle doit s’accompagner du tact et de la discrétion désirables. Car, l’évolution même du conflit peut amener certains changements dans les positions relatives des Etats en crise et que la fin du conflit peut aboutir à un retour de relations normales. En l’espèce, on peut citer la crise diplomatique qui a opposé en 2017, les pays du Golfe notamment le Qatar avec l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis et plusieurs autres pays musulmans, suite à laquelle certains pays africains (Sénégal, Tchad, Niger) ont rappelé leurs ambassadeurs à Doha pour consultation. Avec l’évolution de la situation, on constate de nos jours, un retour de relations normales entre ces pays. C’est pourquoi, le métier diplomatique est un métier qui donne le sens des nuances.
In fine, quelles que soient les formes que peuvent prendre les relations de crise entre les Etats, ces derniers devraient avoir à l’esprit que dans un monde où l’emploi de la force ou le recours à la guerre pourrait avoir des conséquences imprévisibles sur l’avenir de l’humanité, le seul moyen pour résoudre les crises diplomatiques même les plus aiguës, ne peut être qu’un moyen pacifique, donc diplomatique. Par conséquent le droit diplomatique existe toujours pour apporter son aide.
Dr ADA Moussa, Spécialité Diplomatie et Relations Internationales
Contribution à l’analyse des crises diplomatiques et de la diplomatie de crise entre Etats.