
Au Niger, la culture maraîchère occupe une place importante dans les activités agricoles. En tant qu’activité économique et source de création d’emplois pour les paysans, le maraîchage contribue dans l’économie des ménages. Malgré les défis tels que le changement climatique, la disponibilité de l’eau et l’accès aux marchés auxquels elle est confrontée, cette activité contribue de manière substantielle au renforcement de la sécurité alimentaire et au développement économique du pays.
Dans le contexte actuel où la sécurité alimentaire est une préoccupation majeure des autorités du CNSP, le maraîchage se présente comme une alternative pour accroître la sécurité alimentaire. Grâce à cette activité, les produits frais, notamment fruits et légumes, sont disponibles au niveau des marchés de la place.
A Niamey, les bords du fleuve Niger sont le lieu de prédilection des maraîchers. De Lamordé à Saga, ces producteurs, jeunes et personnes âgées, s’activent. Ils produisent de la laitue, de la tomate, de l’oignon, du poivron, de la carotte et différentes variétés de feuilles vertes. Très souvent, le choix de la culture est lié à la forte demande du produit. C’est le cas de la laitue.

Ainsi, parmi ces producteurs figure Eric, un jeune jardinier rencontré en train d’arroser ses planches de salade dans son jardin à la rive droite du fleuve. Il cultive actuellement deux types de produits : la laitue et la menthe. Pourquoi se limiter à la culture de ces deux produits exclusivement en cette période ? Le jeune producteur explique que c’est la saison de la laitue maintenant, elle est rentable et facile à écouler. En plus, la plante évolue vite et la production peut se faire entre 25 à 30 jours. Cela permet de gagner de l’argent pour s’occuper de sa famille et continuer à produire. En revanche, la culture de la tomate et de l’oignon n’est pas adaptée pour les plus démunis en raison du coût élevé de la production.
« En cette période propice à la culture de la laitue, nous pouvons vendre une planche entre 7 000 FCFA et 8 000 FCFA, et il existe également des périodes, comme pendant la saison chaude, où une seule planche peut se vendre jusqu’à 25.000 f CFA, 30.000 f CFA voire même 40.000 f CFA », souligne notre interlocuteur. Concernant le système d’irrigation, le jeune jardinier précise que l’utilisation d’un arrosoir est une technique efficace, car elle permet de contrôler la quantité d’eau utilisée sur les planches, favorisant ainsi la productivité des cultures. « Actuellement, j’arrose une fois par jour et cela est suffisant. Cependant, pendant les périodes chaudes, je peux arroser 4 à 5 fois par jour », explique-t-il. Toujours, selon Eric, après la saison froide, il cultive le gombo. « Nos produits sont vendus à la population et ce sont les clients qui viennent directement les acheter auprès de nous », a-t-il souligné.
À quelques mètres du jeune Eric, se trouve un autre jardinier du nom de Yacouba, un ancien qui pratique le maraîchage depuis près de 40 ans. Il cultive également la laitue, la menthe et deux types de plantes, dont l’une est appelée ‘’MasaMasa’’ et l’autre «Boma». Ces deux dernières variétés de plantes sont utilisées dans la cuisine et traitent diverses maladies, telles que les problèmes de tension. « Cette activité me permet de générer des revenus et les clients viennent acheter petit à petit. Je vends une planche de laitue à 4.000 f CFA voire 5.000 f CFA. Je vends également au détail à partir de 250 f CFA », a-t-il déclaré.

Par ailleurs, Yacouba a énuméré les raisons du manque de production de tomate et d’autres produits. « C’est vrai qu’il y a des moments où les tomates sont chères sur le marché. Il y a également des périodes où elles sont disponibles sur le marché, mais les clients n’achètent pas. Le problème est lié au manque de moyens pour produire pendant les périodes où elles coûtent cher. Généralement, pendant la saison chaude, c’est difficile à produire, du fait des aléas climatiques. C’est uniquement pendant la saison fraîche que nous pouvons la cultiver, de même pour les carottes », a-t-il souligné.
Il a également estimé que, pour tous ceux qui souhaitent produire des tomates, du chou et des carottes, c’est maintenant le moment opportun pour le faire. La production de tomate dure deux mois ou plus, tandis que celle du chou dure trois mois. « Chaque mois, je plante entre 30 et 40 planches de divers produits comme la laitue, les menthes dans ce jardin. J’ai toujours des ouvriers qui m’aident dans cette culture maraîchère. Chaque jour, j’arrose la planche deux fois, le matin et le soir », a-t-il affirmé.
En ce qui concerne les difficultés rencontrées, il a mentionné le problème d’écoulement de leurs produits. « On peut produire en grande quantité, mais sans acheteurs, cela revient à zéro. Nous avons besoin d’équipements de travail, d’engrais et de la construction de digues pour protéger nos productions des inondations », a-t-il indiqué.
Moins coûteuse et moins risquée
Le Conseiller Agricole RECA Djibo Alzouma Ousmane explique, qu’au début de chaque saison froide, il y a des actions de sensibilisation au niveau de groupes WhatsApp et, à travers les radios communautaires. Des images sont partagées pour la conception d’une belle planche de plantation de pépinière. « Pour réussir sa culture, il faudrait des semences de qualité et réussir sa pépinière. Réussir sa pépinière annonce une bonne récolte. Nous leurs apprenons comment préparer le sol, le compost, comment désherber », a-t-il ajouté.

Le RECA recommande également aux producteurs de détruire les anciennes cultures car elles sont sources de multiplication des ennemis de culture. « Souvent, ces producteurs nous appellent concernant les attaques des mouches blanches sur leurs cultures. Faire un bon compostage peut faire revivre le sol. Beaucoup d’engrais peut appauvrir également le sol et rendre la plante toxique, donc impropre ou dangereuse à la consommation. Nous les orientons là où sont vendues les semences les mieux indiquées du moment. L’objectif pour nous est de rendre l’information disponible », explique-t-il.
Selon cet expert agricole, le choix de la laitue au détriment des autres choux, tomates ou aubergine peut s’expliquer par plusieurs facteurs. « La laitue a un cycle court, ensuite la semence n’est pas chère. Le sachet peut se vendre à 1000 f CFA, 1.500 f CFA ou 2.000 f CFA tandis que le simple sachet de semence de tomate peut coûter 6000F. En plus, il y a des boites de tomate ou poivron qui peuvent coûter jusqu’à 35 000F », a-t-il précisé.
Ce conseiller agricole indique que plus la superficie est grande plus le producteur aura beaucoup à dépenser pour l’exploiter. A cela s’ajoute la gestion d’autres facteurs comme les ennemis de cultures. La laitue n’est pas du tout attaquée. Elle a un cycle relativement court tandis que d’autres cultures comme les tomates ou les choux ont un cycle de près de trois mois. Ces derniers, surtout la tomate, peuvent être attaqués par des mouches blanches, les chenilles et d’autres insectes. Et cela demande beaucoup d’efforts et de temps. Mais, pour ceux qui s’y connaissent, notamment les grands producteurs, ils préfèrent ces cultures à la laitue.
Nécessité de faire des plans de production
Au cours de la saison pluvieuse, la plupart de nos producteurs sont occupés par la culture des céréales et légumineuses. Pendant ce temps, certains pays produisent la tomate. C’est pourquoi, en octobre et novembre, nos marchés sont alimentés par la production de l’extérieur. Selon le Conseiller Agricole RECA Djibo Alzouma Ousmane, cette situation est la cause de la cherté des produits maraîchers. En cette période, le prix de la caisse de 30 kg varie de 30.000 f CFA à 35.000 f CFA ou encore de 65.000 f CFA à 90.000 f CFA selon la provenance.
Selon ce spécialiste, le RECA conseille les producteurs sur les variétés qu’ils peuvent cultiver en toute saisons. « Nous sommes en train de les sensibiliser dans ce sens. Ceux qui nous suivent à travers notre réseau disponible ont compris, surtout ceux qui produisent les pastèques », souligne-t-il.

Cet expert reconnaît que notre climat est certes chaud. Cela a des impacts sur le développement ou cycle de la plante, mais il y a des variétés résistantes. Entre autres stratégies, il recommande les haies vives comme le maïs qui va réduire la chaleur. « La période de chaleur est aussi propice à la multiplication des ennemis de culture, une pression phénoménale parasitaire et autres. Le producteur n’a d’autre choix que d’utiliser beaucoup de pesticides. Certes, ces derniers sont disponibles mais chers », explique-t-il. Toutefois, ajoute-t-il, le producteur peut lui-même faire son cocktail bio pesticide naturel local composé de feuilles ou grains de neem, de piment, de tabac et des feuilles de papayer. « Nous conseillons nos producteurs d’utiliser les produits homologués. Ce qui n’est pas homologué est dangereux pour la plante, le producteur et le consommateur », précise-t-il.
Selon ce spécialiste, cette forme d’agriculture semble être développée aujourd’hui, car il y a des producteurs qui travaillent sur des grands domaines. Le RECA aide ces producteurs à l’application du plan de production. Ce qui évitera la pénurie, la cherté ou la surproduction. L’Etat est entrain de déployer d’énormes efforts à travers ses appuis multiformes en intrants et installations solaires pour faciliter l’irrigation. Pour le RECA, plusieurs systèmes d’irrigation existent. La méthode ‘’hadari’’ n’est pas encouragée dans la production de l’oignon ou la tomate. Elle fait pousser des mauvaises herbes, favorise le développement des bactéries et des champignons. Par contre, le système goutte à goutte est efficace, car il n’arrose que la plante. Quant à l’arrosage par l’arrosoir, c’est une méthode utilisée par les petits producteurs.
Toutefois, le RECA n’a pas la vocation de distribuer les semences, mais s’il en trouve auprès de ses partenaires, il mettra cela à la disposition des producteurs pour qu’ils puissent les expérimenter. Souvent, il reçoit des échantillons auprès de l’ICRISAT ou d’autres firmes. Le RECA fait la mise en relation, assiste les producteurs à écouler leur production, le réseautage producteur-vendeur-promoteur, fournit des conseils sur la transformation pour faire face à la mévente.
En termes de message aux producteurs, le Conseiller Agricole RECA invite les producteurs à installer leur pépinière à temps, de produire ce qui est sollicité, d’éviter l’utilisation abusive des pesticides.
Yacine Hassane et Abdoulaye Mamane (ONEP)
– – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – –
Une rente saisonnière des maraîchers
De couleur verte-citron, la laitue communément appelée salade est le plus souvent cultivée dans les jardins en cette période de fraîcheur, ce qui explique son abondance dans tous les coins et recoins de la ville de Niamey.

Il est environ 9 h du matin. Ousseini Namata est dans son jardin aux abords du fleuve Niger, en face de l’INJS de Niamey. Tenant ses deux arrosoirs remplis d’eau, il est en train d’arroser ses planches de laitue. « Je fais ce travail le matin et le soir au coucher du soleil pour permettre une bonne production de la laitue. J’exerce ce métier depuis mon jeune âge. On réserve les graines de la laitue de notre propre production pour ne pas tomber sur de mauvaises graines », a-t-il affirmé.
Ousseini Namata a expliqué que la production de la laitue peut durer 45 jours, ajoutant qu’il en existe plusieurs types dans sa pépinière. « On verse les graines dans les pépinières puis de la fumure. Nous avons la laitue Paloma, la laitue 25, celle appelée haoussa et la laitue chinoise, mais celle que les gens aiment le plus, c’est la laitue Paloma », a-t-il indiqué.
Selon ce jardinier, le commerce de laitue dépend de la période. « En ce moment de forte disponibilité, je peux produire 30 planches en même temps et nous pouvons vendre la planche à 5. 000fcfa voir 6000fcfa ou 7000fcfa. Mais, en saison de chaleur où elle se fait rare, on peut la vendre de 12 000 f à plus », a-t-il précisé.
Pour Ousseini Namata, accorder une grande importance à la culture maraîchère pourrait permettre d’atteindre l’autosuffisance alimentaire, mais, selon lui, cela n’est possible qu’avec des appuis, pour une bonne qualité des cultures », a-t-il fait savoir.
À quelques mètres des pépinières de Ousseini se trouve un vieil homme accroupi dans sa pépinière sous les rayons de soleil. Cet homme, venu du Burkina Faso, cultive la laitue depuis belle lurette. « Depuis mon arrivée à Niamey, il y a 40 ans de cela, j’exerce ce travail. Ma vieillesse ne m’empêche pas d’exercer, et j’ai des enfants qui m’aident à arroser mes pépinières. C’est ce travail qui m’aide à vivre. Je nourris ma famille avec le peu que je gagne », a-t-il affirmé.
Cet homme âgé indique qu’il vend la laitue à toute personne qui le désire, quelle que soit sa bourse. « Il y a des gens qui viennent acheter pour 250 f, par contre, d’autres achètent des planches pour aller revendre en ville», a-t-il dit.
Le véritable problème du vieux Yacouba est le manque d’aide de l’Etat pour une multiplication des productions. « Les inondations bloquent nos cultures. Nous avons aussi besoin d’engrais, des motos pompes pour réduire le temps de travail. Ces derniers temps aussi, la clientèle se fait rare. On produit assez de laitue, mais on n’arrive pas à écouler le tout », a-t-il conclu.
Toujours soucieuse de ses dépenses, Madame Ramatou choisit de faire ses courses dans les jardins, convaincue que les vendeurs urbains vendent à des tarifs plus élevés. « Je viens acheter la laitue chaque soir. J’achète pour 500fcfa dans les jardins, car c’est très proche de ma maison. Je prépare une bonne salade pour la famille pour le dîner. Ici, j’ai le choix pour le type de salade que je désire et à moindre coût. », a-t-elle justifié.
Bien que la vente de laitue soit normalement limitée aux hommes, Aichatou Lompo se distingue en tant que femme courageuse qui a décidé de s’impliquer dans ce commerce. Elle se procure sa marchandise dans les potagers pour aller revendre dans son quartier. « C’est un commerce rentable qui m’aide beaucoup pour subvenir aux besoins de mes enfants. Je vends à partir de 250 et plus », a-t-elle confié.
Salima H.Mounkaila (ONEP)