La campagne agropastorale 2024 a été dans l’ensemble bonne au Niger, nonobstant les dégâts causés par les inondations qui ont touché la quasi-totalité des régions. Ce résultat est le fruit d’une excellente pluviométrie et d’un engagement actif des autorités à accompagner les producteurs, en créant les conditions favorables à une bonne campagne agricole. Ainsi, depuis septembre 2024 jusqu’en début janvier 2025, les céréales ont abondé sur les marchés, à travers le pays, d’abord sous une baisse substantielle des prix, avant de connaître, entre la dernière décade de janvier et cette première semaine de février 2025, une certaine tendance vers la cherté. Avec le Ramadan qui s’annonce à grand pas, les prochains jours seront encore plus déterminants, car c’est une période propice aux spéculations, pendant laquelle des commerçants s’enrichissent sur le dos des pauvres consommateurs. Un comportement qui va à contre-courant de la foi et de l’esprit de l’Islam qui recommande la bienfaisance et la miséricorde entre les croyants. Quoiqu’il en soit, le gouvernement, sous l’impulsion du CNSP, tient à assurer la stabilité des prix des produits de première nécessité dont les céréales, à travers des mesures notamment l’interdiction de leur exportation et des actions comme la vente à prix modéré comme ce fut le cas l’année précédente.
Le gouvernement a pris la décision d’interdire l’exportation des céréales telles que le riz paddy, le riz blanchi, le mil, le sorgho, le niébé et le maïs. Ceux qui désirent vendre leurs productions ont désormais, outre les marchés locaux, l’Office des Produits Vivriers du Niger (OPVN) qui achète leurs céréales à un bon prix. Toutes ces mesures, auxquelles s’ajoute l’ambitieux Programme Grande Irrigation, contribuent à garantir la disponibilité des céréales sur les marchés du pays, et s’inscrivent aussi dans la vision des autorités du Niger de lutter efficacement contre la vie chère et pour la souveraineté alimentaire.
Evolution du prix selon les régions
Au cours de la dernière semaine de janvier 2025, les prix des céréales évoluent sur les marchés. Aminou Ibrahim, revendeur de céréales au marché Katako de Niamey précise que la tasse de maïs se vend à 750 FCFA contre 800 FCFA à 850 FCFA pour le mil et le sorgho et celle du niébé à 1000 FCFA. Le sac de 100 kg du mil ou du maïs est cédé entre 28.000FCFA à 30.000FCFA, 28.000FCFA celui du sorgho et 32. 000 FCFA le niébé.
Au niveau de la région de Maradi, le sac de 100 Kg du mil, du haricot et du maïs se vend respectivement à 28.500 FCFA, 32.000 FCFA, 27.500 FCFA soit 850 FCFA, 1.000 FCFA, et 750 FCFA, la tasse mesure. Une situation presque similaire est observée à Dosso où le sac de 100 kg du mil, maïs et niébé est respectivement vendu à 27.000 FCFA, 29.000 FCFA, 28.000 FCFA et la tiya ou tasse de ces céréales est cédée à 700 FCFA. Dans le département de Dioundiou (Dosso), le sac du mil se vend à 27.000 FCFA, celui du sorgho à 25.000 FCFA, le maïs à 33000 FCFA. La mesure du mil, sorgho, maïs, respectivement 650 FCFA, 600 FCFA, 750 FCFA.
A la date du 26 janvier 2025, les différents prix des céréales à Tahoua se présentent comme suit : le sac de 100 kg du mil et le haricot à 36 .000 FCFA, quant au sorgho et maïs à 28.000 FCFA. La mesure du mil, du maïs tout comme le haricot, à 900 FCFA contre 700 FCFA pour le sorgho.
Selon l’Institut National de la Statistique, le niveau général des prix à la consommation, mesuré par l’Indice Harmonisé des Prix à la Consommation (IHPC), est en hausse de 0,2% en janvier 2024 par rapport à son niveau du mois de décembre 2023. En glissement annuel (janvier 2024 par rapport à janvier 2023), le taux d’inflation est ressorti à +6,9%. En moyenne annuelle (variation du rapport de la moyenne des indices des douze (12) derniers mois à la moyenne des indices des douze (12) mois précédents), le taux d’inflation s’est établi à +4,1% en janvier 2024, contre +3,7% le mois précédent et +4,0% en janvier 2023.
Avis des commerçants importateurs et exportateurs des céréales
Elhadji Manomi Tourmi, Premier, vice-président du Syndicat des Vendeurs des Céréales du Niger, s’est réjoui de la stabilité et surtout de la réduction des prix. « Dieu merci, la situation alimentaire est satisfaisante. La situation du prix a été toujours une des préoccupations ; notre objectif est de rendre disponibles les céréales, satisfaire ce besoin légitime des consommateurs », dit-il. Ce commerçant rappelle que, chaque année, les grossistes se concertent à la fin de la récolte pour réfléchir sur les mesures à prendre. « Que la campagne agricole soit bonne ou pas, ces échanges sont toujours utiles car ils permettront de prendre les décisions qui s’imposent, exemple en cas de déficit alimentaire, les grossistes seront chargés de trouver les céréales partout où elles se trouvent afin d’approvisionner les marchés et satisfaire les attentes des populations», explique-t-il.
S’agissant des mesures d’interdiction d’exportation de certaines céréales prises par le Gouvernement, Elhadji Manomi Tourmi souligne que, contrairement aux autres pays, c’est la première fois que le Niger a pris une telle décision au sujet d’exportation de ces produits céréaliers alors que cela s’observe au niveau des autres pays, mais cela n’a pas empêché le Niger de surmonter ce défi.
«Nous saluons cette vision de nos autorités car, elle participe à garantir la sécurité alimentaire et à répondre aux besoins des populations du Niger en matière d’alimentation, conformément aux priorités nationales définies par le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) et son gouvernement à travers le Programme de Résilience pour la Sauvegarde de la Patrie (PRSP) », soutient ce grossiste. Il rappelle également que le niébé est une denrée qui est souvent exportée vers le Nigéria, le Ghana et d’autres pays de la sous-région.
Pour le Syndicat des Vendeurs des Céréales du Niger, cette décision permettra également à l’Etat du Niger d’en acheter et de renforcer le stock national afin de prévenir des éventualités. « Nous encourageons le Gouvernement à acheter les céréales des mains des producteurs, de sécuriser le niébé comme l’a si bien fait le Président Tandja à son époque. Il serait mieux de poursuivre cette campagne d’achat des céréales auprès des producteurs car c’est une céréale périssable », exhorte notre interlocuteur.
Abondant dans le même sens, Elhadji Sani Chékaraou Garo, président du Syndicat des Commerçants Importateurs, Exportateurs, et Grossistes du Niger (SCIEGN), a fait remarquer qu’en dépit de toutes les péripéties, le bateau nigérien a accosté à bon-port. Autrement dit, malgré les sanctions, les intimidations, les menaces, le Niger reste débout grâce au combat de ses fils. Selon lui, la vraie souveraineté est d’abord celle alimentaire. « Les nigériens, dont les commerçants étaient à l’avant-garde de cette lutte car les importateurs et exportateurs ont pris le risque d’investir leur bien pour satisfaire à la demande des clients. Cela a permis à nos producteurs de rester labourer la terre afin d’atteindre ce résultat appréciable », a-t-il dit.
« En tant que patriote, nous respectons également toutes les mesures prises par nos autorités en remplissant les préalables pour écouler nos céréales au niveau des pays frères de l’Alliance des Etats du Sahel (AES). Nous avons compris que ce sont eux nos vrais frères car, ils l’ont montré au moment où le Niger en a besoin. Privilégier ces pays n’est que rendre la monnaie », indique Elhadji Sani Chékaraou Garo.
Pérennisation des acquis
Pour rendre disponibles et accessibles les produits de premières nécessité, le gouvernement a pris certaines meures. Il s’agit de l’interdiction de l’exportation de céréales comme le riz paddy, le riz blanchi, le mil, le Sorgho, le niébé et le maïs, la poursuite du Programme de la Grande Irrigation et surtout l’achat des céréales auprès des producteurs.
Cette décision, approuvée de tous y compris les producteurs et exportateurs, vise à sécuriser les agriculteurs, limiter ou réduire la dilapidation de leurs biens. C’est pourquoi, le gouvernement à réactivé l’achat des céréales auprès des producteurs afin de les stocker en un lieu sûr comme l’OPVN, pour répondre aux demandes des populations surtout en période de soudure. Les opérations d’achat de produits agricoles auprès des producteurs ont été lancées depuis le 21 novembre 2024 avec 21 450 tonnes de mil et sorgho à acheter directement à travers l’aide de 101 réseaux d’organisations de producteurs. Le but de cette démarche est de fournir aux producteurs des revenus suffisants pour faire face à leurs besoins, tout en renforçant les stocks de la Cellule en charge de la gestion des crises alimentaires. Cette initiative salutaire est soutenue également par l’ensemble des acteurs de la chaîne, y compris par le Réseau National des Chambres d’Agriculture (RECA) du Niger. Ledit réseau a recommandé à l’Etat d’étendre cette démarche à tous les types de produits.
Mieux, pour interrompre le cycle d’insécurité alimentaire, l’Etat du Niger a initié, depuis mars 2024, le Programme Grande Irrigation (PGI) 2024-2027. Cette vision, à long terme, s’inscrit dans le cadre du Programme de Résilience pour la Sauvegarde de la Patrie (PRSP) du Président du CNSP. Elle est conçue pour transformer radicalement le paysage agricole du Niger.
Lancée dans toutes les différentes régions du Niger, cette révolution verte prévoit l’aménagement plusieurs milliers d’hectares. Le Niger dispose d’un potentiel en surfaces cultivables inestimable, plus de 19 millions d’hectare dont 11 millions irrigables. Selon le Ministère en charge de l’Agriculture, le Programme Grande Irrigation vise à augmenter considérablement les surfaces irriguées en réhabilitant 10 000 hectares de périmètres existants et en aménageant 21.200 hectares de nouveaux périmètres. Avec un budget indicatif de 520 milliards de FCFA, il est financé par l’Etat et ses partenaires dont la Banque Mondiale, la Banque Africaine de Développement et la Coopération italienne.
Ainsi, le gouvernement du Niger, sous l’égide du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie, ambitionne de transformer son secteur agricole à travers ce Programme. L’Etat Nigérien s’est engagé de manière significative en mobilisant des ressources propres à hauteur de 128.170.320.000 FCFA pour les travaux d’aménagement prévus. Ces actions, soutenues par un contrat pluriannuel entre l’Etat et l’Office National de l’Aménagement Hydro-agricoles (ONAHA), requièrent, au-delà de la volonté politique et la mobilisation financière, l’implication de tous les acteurs autour de cet objectif commun d’atteinte de la souveraineté alimentaire et nutritionnelle.
Abdoulaye Mamane (ONEP)