En Juin 1990, du haut de la tribune du 16ème Sommet franco-africain, tenu plus précisément du 19 au 21 Juin de cette année-là, à La Baule, presque-île balnéaire de Guérande bordant l’océan, en France, le Président français, François Mitterrand, en maître des lieux, suffisant et dédaigneux, disait devant un parterre de Chefs d’Etat africains qui se sont bousculés pour être présents : « Nous ne voulons pas intervenir dans les affaires intérieures. Pour nous, cette forme subtile de colonialisme qui consisterait à faire la leçon en permanence aux Etats africains et à ceux qui les dirigent, c’est une forme de colonialisme aussi perverse que toute autre. Ce serait considérer qu’il y a des peuples supérieurs, qui disposent de la vérité et d’autres qui n’en seraient pas capables ».
Paradoxalement, plus loin, dans le même discours, le Président français se dédit, prend à contre-pied sa pensée antérieure, s’immisce dans les affaires intérieures des Etats africains francophones, leur donne des leçons en ces termes : « Lorsque je dis démocratie, lorsque je trace un chemin, lorsque je dis que c’est la seule façon de parvenir à un état d’équilibre au moment où apparaissait la nécessité d’une plus grande liberté, j’ai naturellement un schéma tout prêt : système représentatif, élections libres, multipartisme, liberté de la presse, indépendance de la magistrature, refus de la censure : voilà le schéma dont nous disposons ».
Et, péremptoire et paternaliste, François Mitterrand, en véritable bourgmestre de l’Afrique francophone, proclame de façon insidieuse et malicieuse la sentence contre tout contrevenant à son « schéma » : « La France, si vous le souhaitez, est prête à vous apporter l’aide humaine et technique, à former des fonctionnaires ».
Ainsi donc, en termes clairs, la France conditionne son aide au développement à la mise en œuvre du schéma tracé et imposé par François Mitterrand.
Incontestablement, le discours de La Baule, teinté d’hypocrisie et de contradictions, étale aux yeux du monde le visage le plus hideux, le faciès le plus laid, l’esprit le plus ignominieux de la politique française en Afrique qui, toujours et partout, a gardé le même objectif : poursuivre par tous les moyens, des plus violents aux plus cyniques, la colonisation avec ses objectifs spécifiques : l’imposition de pantins accoutrés d’oripeaux de « démocrates », à la tête de nos Etats, la mise à sac de nos ressources naturelles et l’inféodation aux tenants du pouvoir à Paris.
Le système balayé au petit matin du 26 Juillet 2023 par le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP, agissant au nom de l’ensemble des forces de défense et de sécurité, témoins oculaires de l’échec cuisant des politiques et stratégies de développement prétendument mises en œuvre pour le bonheur du peuple par le personnel politique et de l’effondrement de la charpente de la défense du territoire national et de la sécurité des personnes et de leurs biens notamment, est la preuve patente de la défaite des thuriféraires patentés du discours de La Baule et ses avatars.
En effet, aux dernières élections présidentielles dans notre pays par exemple, les Nigériens ont assisté désabusés et décontenancés à l’éclosion d’antivaleurs aux antipodes de la transparence, de la liberté de choix et de l’affirmation de l’expression populaire.
Braquage et bourrage systématiques des urnes, intimidations, corruption, chantage, violations du Code électoral, violations répétées de la Constitution elle-même, dépravation des discours de propagande jalonnés de délation, de mensonge, de communautarisme, d’ethno- régionalisme et leurs appendices en « isme », qui ont permis dans certaines circonscriptions électorales des scores à la Soviétique.
L’objectif de cette manœuvre sous le couvert de « volonté populaire et de démocratie » était tout simplement pour la France, en complicité bien évidemment avec des oligarques du système en place, de poursuivre sa domination à travers un Président de la République corvéable à merci, capable de défendre les intérêts impérialistes voire d’offrir les richesses de notre sous-sol et des portions du territoire national à ses soldats, gardiens de la tradition néocolonialiste.
Par une alchimie dont lui seul a le secret, le système déchu a réussi à banaliser et torpiller la Justice par des immixtions répétitives et ostentatoires, en témoignent les nombreuses mises en garde adressées à certains animateurs pourfendeurs du système judiciaire de ce régime par le principal syndicat des magistrats du Niger.
Le discours de La Baule, c’est aussi et surtout l’éclosion de partis, particules et partitions politiques dont, récemment encore, les animateurs qui tenaient le haut du pavé, se gavaient des deniers publics qui sont détournés avec le milliard comme unité de mesure, au grand dam du citoyen ordinaire qui peine à joindre les deux bouts.
C’est justement tous ces travers de l’exécution aveugle des « ordres » contenus dans le fameux discours du Président français à La Baule qui a, plusieurs fois, poussé les forces de défense et de sécurité à sauter le pas et à mettre fin à la récréation des hommes politiques, véritables enfants choyés et gâtés de la République, plus enclins à assouvir des desseins personnels, une fois au pouvoir, et aptes à créer le désordre une fois à l’opposition, que de répondre positivement aux besoins fondamentaux du peuple.
A l’inverse du schéma déroulé à La Baule par François Mitterrand qui hurlait « Démocratie » à hue et dia, en Juin 1990, répondre aux aspirations profondes du peuple, satisfaire ses besoins fondamentaux, défendre l’intégrité du territoire, assurer la sécurité des personnes et de leurs biens, sauvegarder la patrie, reconquérir la souveraineté nationale mise en concession par des hommes politiques à des puissances étrangères, unir dans une même Nation les fils et filles du pays divisés par un personnel politique avide de pouvoir, telles sont les grandes lignes du schéma déroulé par le CNSP depuis le 26 Juillet 2023.
Alou Moustapha (ONEP)