«Face à l’intolérance et à la haine, il n’y a pas de transaction possible, pas de compromission possible, pas de débat possible ». Ces phrases pleines de sagesse ont été prononcées par Jacques Chirac, ancien Président de la République française, disparu en 2019.
Aujourd’hui, au Niger, à l’occasion de la campagne électorale pour le second tour de l’élection présidentielle du 21 février 2021, nous assistons à une polarisation excessive du climat politique national, qui devient de plus en plus tendu, électrique, au point d’inquiéter les uns et les autres sur l’issue finale de l’actuel processus électoral. En effet, à la place du débat démocratique pour éclairer les électeurs sur leur choix de programmes politiques des deux candidats – c’est là, assurément, le but ultime de la campagne électorale -, c’est plutôt une hystérisation de la présente campagne électorale que l’on a observée avec des passes d’armes indignes d’une démocratie respectable, non pas entre les deux protagonistes de ce second acte, mais bien entre de seconds couteaux des deux camps opposés. Descendant dans les fins fonds des égouts politiques, ‘’ces soupapes d’occasion’’ n’ont pas fait dans la dentelle en se livrant à des attaques personnelles d’une bassesse inqualifiable dans une République. A vrai dire, à entendre ces insanités débitées par certains hauts responsables politiques, on se croirait dans une scène de ménage entre coépouses, et non dans une arène politique où doivent triompher les idées.
Pourtant, la démocratie véritable, telle que conçue par les ingénieux Athéniens de l’Antiquité, suppose toujours la confrontation des idées, des projets de société, mais pas des états d’âme, des humeurs ou autres ressentiments personnels. Le grand philosophe et penseur politique français du 20ème siècle, Paul Ricœur, ne s’y trompait pas d’ailleurs, quand il écrivait dans son ouvrage, ‘’L’idéologie et l’utopie’’ que : « Est démocratique, une société qui se reconnaît divisée, c’est-à-dire traversée par des contradictions d’intérêts, et qui se fixe comme modalité d’associer à parts égales chaque citoyen dans l’expression, l’analyse, la délibération et l’arbitrage de ces contradictions. » !
Rien qu’à la veille de l’actuel processus électoral, au moment de retirer sa carte électorale biométrique, le Président de la République, SE. Issoufou Mahamadou, avait émis le souhait ardent que chaque candidat privilégie la force des arguments pour convaincre les électeurs sur la pertinence de son programme politique, de sa capacité à mieux diriger le pays. Et d’appeler de tous ses vœux à ce que la campagne électorale se déroule dans le calme, la sérénité, et dans un contexte de programmes contre programmes, projets contre projets ! Car, il est vrai, c’est par le débat d’idées que progresse la culture démocratique dans un pays. Tout au long de sa longue et riche carrière politique, le Président Issoufou Mahamadou a fait de la force des arguments (et non l’argument de la force) sa ligne de conduite politique, convaincu en cela que le salut du Niger contemporain ne saurait être trouvé en dehors de la démocratie.
Pendant ces trois (3) décennies de son engagement politique, il aura su toujours privilégier le débat contradictoire d’idées et faire preuve de beaucoup d’esprit de tolérance même envers ses adversaires politiques. Personne au Niger, à moins d’être de mauvaise foi, ne l’a entendu proférer des injures, des insultes contre X ou Y parmi ses adversaires politiques ; tout ce qui comptait pour lui, c’était d’exposer sa vision politique, ses grandes ambitions pour le Niger, quitte à y adhérer ou pas. C’est par cette sage méthodologie que patiemment, il se forgea une stature d’homme d’Etat qui lui permit d’avoir la confiance et l’attachement d’une majorité de concitoyens au point de lui confier les destinées du pays par deux fois. C’est cette même démarche programmatique qui lui aura permis d’avoir un leadership régional, continental et international, qui aura valu aujourd’hui au Niger une place importante dans le concert des nations.
Aujourd’hui, face à l’exacerbation du débat politique à l’occasion de la présente campagne électorale pour le second tour, l’on ne peut être que sidéré et saisi de colère devant tant d’infantilisation des masses populaires avec ces dérives langagières qui n’honorent ni la classe politique nigérienne dans son ensemble, ni la démocratie nigérienne.
Au cours de cette même campagne, l’on aura aussi assisté au paroxysme du discours xénophobe, identitaire qui met à mal la notion chère du vivre ensemble. Cela n’est pas simplement regrettable, mais pitoyable pour des gens qui aspirent à présider aux destinées d’un peuple.
En réalité, la polarisation excessive du débat politique actuelle n’est que la traduction de l’incapacité de camps politiques à s’en sortir autrement que par le recours facile à la violence verbale, aux invectives personnelles et autres instincts primaires synonymes ahurissants d’une absence totale de démarche programmatique valable pour convaincre le peuple autour d’un projet de société viable et crédible. C’est cette faiblesse programmatique qui explique aujourd’hui, en profondeur, la migration vers l’extrême polarisation du débat politique national actuel. C’est aussi cela qui explique, sans doute, le refus injustifié d’une partie de participer au ‘’face à face’’ télévisé qui devrait pourtant constituer le clou final de ce second round de l’élection présidentielle. Il est bien évident que ce débat télévisé aurait semblé redoutable pour certains, car cela reviendrait à tenir un discours responsable et argumenté devant un parterre de journalistes expérimentés triés sur le volet ! A cet exercice démocratique périlleux, visiblement, la politique de la chaise vide était l’option la plus ‘’censée’’, voire la plus facile !
Voilà, hélas, où nous en sommes aujourd’hui, dans cette campagne de l’entre-deux- tours de l’élection présidentielle. La place doit être au débat, sur un ton apaisé et démocratique, elle sera ensuite dans les urnes. Car, à l’évidence, nous ne saurions être en permanence dans une démocratie de la contestation et du règne des réseaux sociaux. Encore moins, nous ne saurions être dans une démocratie du dénigrement personnel, de la stigmatisation identitaire et du discours xénophobe, mais bien dans une démocratie républicaine qui associe tous les citoyens sans exclusive ni distinction de leurs origines sociales, religieuses ou autres.
Voyez-vous, le soleil se lève, inexorablement, à l’Est et se couche, immanquablement, à l’Ouest, c’est à Allah Le Très Haut que revient la signification de ce mouvement orbital. Que Dieu, le Très Miséricordieux bénisse le choix des Nigériens le 21 février prochain.
Amen !
Par Zakari Alzouma Coulibaly