En prélude à la deuxième réunion interministérielle sur le pipeline export Niger-Bénin qui s’est tenue du 9 au 11 mars 2023 à Agadem, le gouverneur de la Région de Diffa M. Smaine Youssousse avait entrepris une série de campagnes de sensibilisation dans le département de N’Gourti. Pendant ce périple, le gouverneur a échangé avec les communautés issues des villages, tribus, groupements et campements sur la sécurité, la cohésion sociale, le rapport entre les sociétés chargées de l’exploitation pétrolière et les populations locales, les questions de l’emploi des jeunes, de la santé, de l’hydraulique, de l’environnement etc. Dans cet entretien, le gouverneur de Diffa nous décline l’objectif de cette tournée de sensibilisation.
Monsieur le gouverneur, vous avez entrepris une série de campagnes de sensibilisation dans la partie nord du département de N’Gourti où se trouve d’ailleurs les installations pétrolières de notre pays, quel est concrètement l’objectif de cette tournée ?
Je vous remercie beaucoup de m’avoir donné l’opportunité de m’exprimer par rapport à un sujet aussi important qui concerne la vie des populations particulièrement celles qui vivent là où les différentes sociétés chargées de l’exploitation pétrolière sont implantées. Cette visite a été initiée par le Ministère du Pétrole qui m’a contacté pour me demander d’effectuer une visite de terrain en prélude à la réunion interministérielle sur le pipeline export Niger-Bénin. Au regard de l’importance de cette visite conjointe Niger-Bénin, il fallait que je devance les ministres sur le terrain pour prendre contact avec les populations, les informer de l’arrivée de cette délégation à Agadem et leur présenter le cadre dans lequel se situe cette visite. C’est ainsi que nous avons profité de cette occasion pour sensibiliser les populations par rapport à la latitude qu’il faille avoir en contact avec les sociétés implantées dans la zone. En plus, j’ai expliqué à ces populations que les installations pétrolières sont les leurs. Elles doivent participer à leur sécurisation et leur protection. Ces sociétés pétrolières font quand même un excellent travail qui, à moyen et long terme, fournira de l’emploi aux jeunes.
Et quelle a été la réaction de la population au cours des échanges que vous avez eus avec elle ?
Les populations ont soulevé un certain nombre de préoccupations liées aux questions de l’eau, de l’éducation, de la santé (notamment les longues distances à parcourir pour l’évacuation des patients), de l’emploi des jeunes, de l’environnement etc. Nous avons échangé avec les différents hameaux; tribus et villages sillonnés. Je pense bien que nous nous sommes compris pour aller avec ces populations vers des solutions durables et des projets qui impactent véritablement la vie de ces populations. La zone pétrolière du département de N’Gourti, c’est-à-dire le bloc d’Agadem est une zone extrêmement difficile d’accès. Il s’agit justement de trouver des réponses efficaces à toutes ces préoccupations soulevées par les populations. D’ores et déjà, nous avons tracé une feuille de route avec les populations au cours des échanges. La substance de nos échanges avec les populations a été transmise aux différentes sociétés pétrolières et au ministre du Pétrole qui semble être attentif, soucieux par rapport à toutes les préoccupations qui concernent ces populations. Le déplacement du ministre du Pétrole avec son homologue du Bénin est une visite de haut niveau dans la mesure où ils sont venus voir de visu l’évolution de la construction du pipeline, échanger directement avec les responsables des sociétés, rencontrer les employés nigériens afin de s’enquérir de leurs conditions de travail et dégager les perspectives liées à l’exploitation du Pétrole. Le travail qui est en train d’être fait à Agadem va certainement permettre à notre pays d’amorcer un développement durable. Agadem est aujourd’hui une zone d’avenir et les jeunes de la Région ont des raisons d’espérer par rapport aux retombées et à l’impact de la présence de ces sociétés pétrolières et de l’exploitation.
Le chantier du pipeline est un ouvrage de grande envergure pour le Niger en général et particulièrement pour la région de Diffa, quel sera l’impact environnemental de ce projet sur les populations et leurs biens ?
L’impact environnemental est surtout perceptible au niveau des camelins qui constituent l’animal dominant de la zone, la reproduction des camelins, caprins et ovins. Aujourd’hui, par rapport aux chameaux qui sont la plus grande richesse au niveau de cette zone, on constate un ralentissement de la reproduction comparativement aux années antérieures. Avant, les chamelles se reproduisent annuellement. Ce qui n’est plus le cas ici. Une chamelle peut aujourd’hui faire quatre (4) ou cinq (5) sans mettre bas. Peut-être que cela est dû à la dégradation de l’environnement. Mais nous sommes en train de voir avec nos partenaires qui exploitent le pétrole sur place et le Ministère du Pétrole comment les populations qui vont être impactées seront appuyées afin d’atténuer les effets liés à l’impact environnemental. Cette année, la saison des pluies n’avait pas répondu aux attentes du monde pastoral dans cette zone. C’est la raison pour laquelle, nous avons demandé à ce qu’il soit mis à la disposition des éleveurs des aliments bétail afin que les animaux puissent supporter et traverser sans grande difficulté cette période de crise pastorale. Pour les populations, compte tenu des distances qui séparent les différents hameaux des marchés et autres, nous avons recommandé à ce que la vente à prix modéré soit effective partout dans la région afin que des populations puissent accéder aux vivres à des prix modérés.
Lors de la visite des différents chantiers du pipeline, vous aviez insisté sur le fait que l’électricité produite par les sociétés puisse bénéficier aux campements et villages environnants, est-ce que ce paramètre sera réellement pris en compte ?
Effectivement, notre souhait est que cela soit pris en compte. La production de l’électricité va attirer les populations vers les sites pétroliers. Les villages et hameaux vont vouloir venir s’installer tout autour. Ce scénario nous rappelle le peuplement de la ville d’Arlit qui avait commencé exactement dans les mêmes conditions. D’une petite ville, ce site va progressivement évoluer jusqu’à devenir une grande ville. Et les populations ont besoin d’un certain nombre de services tel que l’électricité qui fait partie de la sécurité. Je l’ai rappelé aux membres du comité interministériel sur le pipeline afin qu’ils puissent réfléchir de façon stratégique sur cet aspect qui est extrêmement important. Ce site ne restera pas toujours désert. Un jour, il sera une grande ville et toutes les populations qui viendront s’installer tout autour auront besoin de l’électricité. Cette dernière contribue au pouvoir économique des communautés qui profiteront pour faire du commerce.
Il y a eu récemment dans la ville de Diffa un regain d’insécurité qui s’est traduit par des enlèvements des personnes, quelles sont les dispositions qui ont été prises pour ramener la sérénité dans une zone déjà meurtrie ?
Ce sont des enlèvements des personnes qui n’ont pas prospéré parce que nous avons vite agi. Dès mon arrivée à Diffa comme Gouverneur, j’ai pris des arrêtés pour règlementer la circulation des tricycles à Diffa qui étaient impliqués dans les enlèvements. Nous avons juste demandé aux conducteurs des tricycles de se mettre en règle en ayant au moins les pièces nécessaires à la mise en circulation de ces engins-là. Ce qui est une bonne chose car, il est tout à fait normal que l’autorité marque sa présence en règlementant ce secteur pour qu’il n’y ait pas de pagaille, de désordre dans un contexte d’insécurité. Nous n’avons pas empêché aux tricycles de circuler, mais c’était juste pour ordonner les choses et faire en sorte que la loi soit respectée. Comment peut-on expliquer que des gens viennent dans la ville de Diffa enlever des personnes et qu’on dise que des tricycles sont impliqués ? Finalement, j’étais obligé d’immobiliser les tricycles au regard de la recrudescence des enlèvements. Actuellement, nous sommes dans le processus de filtrage de ces tricycles et de leurs conducteurs afin de s’assurer désormais que celui qu’on va autoriser à conduire dans la ville de Diffa soit discipliné et qu’il ne nous cause pas de problème par rapport à tout ce qui s’est passé auparavant. La situation sécuritaire de Diffa est calme parce que les Forces de Défense et de Sécurité maitrisent complètement la situation. La preuve, c’est que nous n’avons aucun élément de Boko Haram sur nos frontières. Les terroristes sont même en débandade.
Quel message particulier avez-vous à lancer à l’endroit de la population ?
Tout ce que je vais demander aux populations de la région de Diffa, c’est d’être patientes et résilientes parce qu’il y a de très belles perspectives. Il ne faut pas qu’elles se mettent dans le désarroi. Il faut qu’elles évitent de céder aux intoxications, qu’elles protègent les installations pétrolières qui sont les leurs. Les entreprises sont venues travailler ici, elles ont un contrat avec le Niger. Elles finiront par partir et la gestion de ces entreprises sera assurée par des Nigériens lorsqu’ils auront développés une expertise. C’est pourquoi, les populations ont intérêt à protéger ces infrastructures.
Réalisé par Hassane Daouda, Envoyé Spécial