La journée internationale de la femme a été célébrée, le 8 mars dernier au Niger. Mais au-delà de l’événement, quelle est la réalité vécue par les femmes ? Quelles sont leurs difficultés ? Leurs revendications ?
Que pouvons-nous faire en tant que femmes?
Selon Amina Weira, réalisatrice cinéaste : « En tant que femme, la journée du 8 Mars symbolise pour moi cette lutte menée avec brio par nos devancières dans les différentes manifestations pour obtenir le droit d’être tout simplement citoyenne » a indiqué la réalisatrice cinéaste. Amina Weira a reçu une formation de base en Montage vidéo à l’Institut de formation aux techniques de l’information et de la communication (IFTIC) de Niamey. Elle est titulaire d’un master en réalisation documentaire de création de l’université Gaston berger de Saint-Louis au Sénégal. En 2011, Amina a réalisé son premier film court métrage intitulé ‘’la musique de film’’. Elle a aussi fait quatre autres courts-métrages titrés : ‘’Des études au miel’’ en 2012 ; ‘’C’est possible’’ sorti en 2013 et ‘’Un geste, un cœur’’ sorti en 2018; une scolarité confinée sorti en 2020. ‘’ La colère dans le vent‘’, sorti en 2016 est mon seul film moyen métrage qui a reçu une dizaine de distinctions à l’échelle internationale affirme-t-elle.
Pour Amina Weira la commémoration de cette journée est un combat pour l’amélioration du statut et des conditions de vie des femmes. Imaginez, elles ont pendant des années travaillé à l’ombre des hommes sans même avoir le droit de choisir leur propre représentant c’est-à-dire leur président, ni de donner leur propre avis sur quoi que ce soit. Quoi de plus normal selon elle de fêter avec fierté cette journée. A travers la célébration de ces journées, les femmes revendiquent encore plus de droits. Parlant de sa carrière artistique, Amina Weira précise que les femmes ont fait aujourd’hui de l’art un moyen d’expression en inspirant d’autres femmes à écrire sur des histoires avec cet outil. Beaucoup de femmes ont su, à travers leurs sensibilités culturelles, faire parler d’elles au-delà des frontières.
S’agissant de l’avenir de la femme nigérienne dans le domaine artistique et culturel, elle confie qu’il y’a une nouvelle vague d’artistes femmes qui fait surface ces dernières années. « Quand je prends le cas du Cinéma, il y a de plus en plus de femmes qui, à travers l’outil numérique s’activent à s’exprimer, raconter, communiquer en s’inspirant d’un vécu, d’une histoire » a-t-elle estimé avant d’évoquer les obstacles auxquels les cinéastes font face. « Mais ce qui freine l’émergence des femmes artistes c’est en partie un manque de confiance et d’encouragement dans la concrétisation de leurs œuvres. Quand on veut réaliser une œuvre, on a toujours peur de l’échec surtout dans ce domaine qui a longtemps été masculin». Selon elle, aujourd’hui la femme artiste a besoin de beaucoup plus d’accompagnement dans ses responsabilités de femme de la culture sans aucune discrimination lui permettant ainsi de trouver sa propre sphère et de se tracer un avenir meilleur. Pour elle, il faut aussi que les acteurs culturels pensent à valoriser, à financer, à promouvoir les projets des femmes et à créer plus d’opportunités pour elles pour leur montrer qu’elles ont elles aussi leur place dans ce domaine.
Amina Weira conseille à ses sœurs artistes d’avoir de l’ambition, d’avoir du caractère, d’être des femmes fortes pour éviter de se fondre dans la masse et passer inaperçu. « Et la meilleure manière de montrer qu’on mérite notre place dans ce domaine culturel c’est de travailler dur, montrer nos preuves et accomplir des œuvres remarquables. Il faut tout simplement oser ».
Fatouma Akiné est plasticienne. Elle pense que «le 8 mars n’est ni une fête, ni un hommage. Ce n’est vraiment pas un jour pour offrir des fleurs, mais c’est une journée de lutte pour les droits des femmes ». Fatouma a obtenu une licence en arts plastiques au conservatoire des arts et métiers multimédia Balla Fasseké de Bamako. Agée de 26 ans, elle a participé à plus de trente (30) expositions dont huit (8) individuelles.
Pour elle, c’est claire, « le 8 mars n’est pas un jour en l’honneur des femmes, c’est une journée pour rappeler le chemin qu’il reste à parcourir en matière d’égalité entre les sexes. C’est aussi le moment d’apprendre à écouter vraiment. Ecouter, ça ne consiste pas seulement à attendre de prendre la parole à son tour, ça consiste à être attentif à ce qu’on dit. En effet, selon elle, « on ne sait pas écouter les femmes parce qu’on est persuadé que nos préoccupations ne concernent pas le pays, ou qu’elles sont d’ordre personnel ».
Il peut néanmoins aussi être constaté d’après Fatouma que les luttes féministes avancent, les prises de conscience aussi. Dans le domaine culturel au Niger, même s’il reste encore du chemin, les femmes imposent de plus en plus leur place. Et ça j’en suis tellement fière et heureuse. On voit des femmes danseuses, chanteuses, peintres, architectes, cinéastes, stylistes, écrivaines, …et tout cela n’est que richesse pour le pays et surtout preuve que les choses changent au fur et à mesure.
Malheureusement a-t-elle dit, dans les postes stratégiques des administrations et des entreprises culturelles, les femmes sont minoritaires, et parfois même évincées de certaines fonctions artistiques. En tant qu’artiste plasticienne, elle conseille à d’autres jeunes filles ou femmes, qui souhaitent intégrer le domaine qui hésitent d’oser. « Je demande à ces femmes de persévérer. Je ne dirai pas que les choses seront faciles mais la détermination est la clé. Comme tout autre domaine, la culture aussi est importante. Elle ne se limite pas qu’à être une passion, elle peut être aussi un métier. Si on ne change pas le monde, le monde ne nous changera pas non plus », alors autant se battre car si on ne parle pas, on ne nous écoutera pas non plus. »
Par Aïssa Abdoulaye Alfary(onep)