Finalement, la raison a eu raison de la passion. Après avoir rejeté l’aide financière de 20 millions de dollars que lui ont octroyée les pays du G7 en vue de lutter efficacement contre les incendies en Amazonie, le Brésil est revenu, mardi dernier, à de meilleurs sentiments en acceptant l’offre. Hélas, avant d’en arriver là, ces violents incendies qui, depuis quelques jours, ravagent la forêt amazonienne, ont aussi eu pour effet de ‘’carboniser’’ les relations franco-brésiliennes, à travers une rude escalade verbale entre les dirigeants des deux pays, du reste frontaliers (à travers la Guyanne française).
Tout est parti de ce fameux tweet posté, le jeudi 22 août dernier, par lequel le président Macron a jugé nécessaire de lancer un cri d’alarme par rapport aux violents incendies qui déciment depuis des jours l’Amazonie. « Notre maison brûle. Littéralement », a-t-il écrit. Puis d’ajouter : « C’est une crise internationale. », tout en appelant, à quelques heures du lancement du sommet de Biarritz, ses homologues du G7 à « parler de cette urgence ».
Piqué à vif par cette déclaration du président Macron, son homologue brésilien d’extrême droite, M. Jair Bolsonaro, monta au créneau pour lui répondre du tic au tac, par un tweet dans lequel il accusa le président français de faire preuve d’une « mentalité colonialiste dépassée au XXIe siècle » avec cette « interférence ». De l’avis du président brésilien, M. Emmanuel Macron « instrumentalise une question intérieure au Brésil et aux autres pays amazoniens ». « Le ton sensationnaliste avec lequel il se réfère à l’Amazonie (faisant même appel à de fausses photos) ne contribue en rien à régler le problème ». Le président brésilien fait ici allusion à une photo d’incendie en Amazonie datant du début des années 2000 (et non de 2019) utilisée pour illustrer le tweet d’Emmanuel Macron.
Dans un deuxième tweet adressé à Emmanuel Macron, M. Jair Bolsonaro est revenu à l’assaut, même si le ton est relativement apaisé: « Le gouvernement brésilien reste ouvert au dialogue, sur la base de faits objectifs et du respect mutuel. » Selon Jair Bolsonaro, les incendies sont « criminels » et auraient été allumés par des ONG qui souhaitent « attirer l’attention » sur la suspension par Brasilia des subventions à la préservation de l’Amazonie.
Ce signe d’apaisement ne semble pas avoir été perçu par Emmanuel Macron qui, estimant que Jair Bolsonaro a ‘’menti’’ sur ses engagements pour l’environnement, a annoncé, le vendredi 23 août, la ferme opposition de la France au traité de libre-échange UE-Mercosur. Grand coup pour le Brésil, sachant que cet accord commercial devait être signé par l’Union européenne et plusieurs pays d’Amérique du Sud (le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay), au terme de près de vingt ans de tractations. « Compte tenu de l’attitude du Brésil ces dernières semaines, le président de la République ne peut que constater que le président Bolsonaro lui a menti lors du Sommet (du G20) d’Osaka [les 28 et 29 juin], a déclaré l’Elysée. Les décisions et propos du Brésil ces dernières semaines montrent bien que le président Bolsonaro a décidé de ne pas respecter ses engagements climatiques ni de s’engager en matière de biodiversité », a ajouté la présidence française. « Dans ces conditions, la France s’oppose à l’accord Mercosur en l’état.».
En réplique, Jair Bolsonaro a accusé Emmanuel Macron de « fomenter la haine contre le Brésil par simple vanité ». « Le feu le plus ardent est celui de notre souveraineté sur l’Amazonie », a d’abord tweeté le président brésilien. « Les incendies de forêt existent dans le monde entier et cela ne peut pas servir de prétexte pour d’éventuelles sanctions internationales », a-t-il déclaré, tout en assurant que « des pays » défendront le Brésil au sommet du G7.
Emboitant le pas à son président, le ministre brésilien de l’Education, Abraham Weintraub, a copieusement insulté Emmanuel Macron. »Macron n’est pas à la hauteur de ce débat [sur l’Amazonie]. C’est juste un crétin opportuniste qui cherche le soutien du lobby agricole français », a écrit en référence à l’opposition du président français
Le même jour, le président brésilien a repris à son compte, sur Facebook, un commentaire offensant pour Brigitte Macron. Il a réagi à un post qui se moquait du physique de l’épouse du président français – apparaissant sur une photo désavantageuse.
Et Emmanuel Macron de répliquer en marge du sommet du G7 à Biarritz en déclarant que Jair Bolsonaro a tenu « des propos extraordinairement irrespectueux à l’égard de mon épouse ». « Qu’est-ce que je peux vous dire ? (…) C’est triste, mais c’est triste d’abord pour lui et pour les Brésiliens », a-t-il déploré. Et d’ajouter qu’il espérait « très rapidement » que les Brésiliens « auront un président qui se comporte à la hauteur ». « Je pense que les Brésiliens qui sont un grand peuple ont un peu honte de voir ces comportements », a encore dit Emmanuel Macron.
Réponse du berger à la bergère ! Le président brésilien réagit par un tweeten disant ne pas accepter qu’un « président, Macron, lance des attaques déplacées et gratuites contre l’Amazonie, ni qu’il déguise ses intentions derrière l’idée d’une ‘alliance de pays pour sauver l’Amazonie, comme si c’était une colonie ». Et le lendemain, après avoir refusé l’aide financière du G7 pour lutter contre les incendies en Amazonie, le président brésilien déclarait qu’il était prêt à en discuter si Emmanuel Macron « retirait [ses] insultes ». « D’abord monsieur Macron doit retirer les insultes qu’il a proférées contre ma personne », a-t-il dit.
Le président brésilien a tout de même fini par prendre des mesures contre les incendies de la forêt amazonienne. C’est ainsi qu’il autorisa, à partir du samedi 24 août, et ce pour une durée d’un mois, les gouverneurs des Etats concernés à recourir à l’armée pour endiguer les foyers d’incendies, avec en sus »des actions préventives et répressives contre les délits environnementaux ».
Selon une dépêche de l’AFP, quelque 1.113 nouveaux départs de feu ont été recensés, le dimanche 25 août dernier, au Brésil par l’Institut national de recherche spatiale (INPE). Au total, près de 80.000 feux de forêt ont été répertoriés au Brésil depuis le début de l’année — un plus haut depuis 2013 — dont plus de la moitié en Amazonie.
Il faut préciser que l’Amazonie, dont 60% de la surface se trouve au Brésil, s’étend aussi en Bolivie, en Colombie, en Equateur, en Guyane française, en Guyana, au Pérou, au Surinam et auVenezuela.
Assane Soumana(onep)