Le financement des partis politiques est encadré par la Charte des partis politiques au Niger. En effet, la Charte, à son article 26, précise que «le financement des partis politiques concerne l’origine de leur patrimoine, les règles de leur comptabilité et les procédures de contrôle de leurs finances». L’article 27 défini, quant à lui, la nature des ressources des partis politiques qui sont constituées essentiellement des cotisations, des dons et legs, de la subvention de l’Etat. Les autres origines des ressources des partis politiques sont définies au niveau des articles 28, 29, 30 et 31, de ladite charte. La loi fait aussi obligation aux partis politiques de disposer des comptes afin de faciliter à l’autorité compétente la vérification de leurs comptes et l’utilisation qu’ils en font des fonds mobilisés ou reçus. Le Cour des Comptes, Juridiction compétente en la matière, a toujours relevé, dans ces rapports annuels, des irrégularités sur les comptes des partis politiques.
L’ordonnance n°2010-84 en date du 16/12/2010 portant charte des partis politiques dispose en son article 2 que les partis politiques sont des associations à but non lucratif qui,
conformément à la constitution regroupent des citoyens nigériens autour d’un projet de société et d’un programme politique, en vue de concourir à l’expression du suffrage universel et de participer à la vie politique par des moyens démocratiques et pacifiques. A cet effet, précise l’article à l’alinéa 2, les partis politiques ont « l’obligation d’assurer la sensibilisation et la formation de leurs membres et de contribuer à la formation de l’opinion, en vue de la préservation et de la consolidation de l’unité nationale, de la paix, de la sécurité et du développement économique, social et culturel du Niger ».
Dans l’accomplissement ces missions, les partis politiques sont appelés à mobiliser des ressources internes et externes. Si l’on connait déjà la provenance des ressources internes des partis politiques, qui sont pour l’essentiel, constituées des cotisations des membres et des frais des ventes des cartes et autres produits, de quoi alors sont constituées leurs ressources externes ? Comment sont-elles mobilisées ou acquises ?
Les sources internes, elles sont constituées de vente des cartes, de cotisations des membres, des cotisations spéciales et des revenus liés à des activités génératrices de revenus (les partis politiques sont autorisés à avoir des activités génératrices de revenus. Il n’existe aucune loi qui a défini ces activités, mais il s’agit des activités qui ne sont pas illicites ou immorales, telles que l’organisation de soirées de gala, les soirées récréatives ou d’animations quelconques telles que les kermesses, la vente de livres ou de journaux édités par le parti, la vente d’objets avec l’insigne du parti).
Par rapport aux sources externes de financement, elles sont constituées des subventions et aides éventuelles de l’Etat et des dons et legs. Ces ressources sont mobilisées comme suit : les subventions annuelles de l’Etat sont constituées des appuis de l’Etat aux partis politiques lors des scrutins. Il s’agit de la prise en charge et de la fourniture par l’Etat des spécimens des bulletins de vote nécessaires aux partis politiques engagés dans le processus, pour leur campagne électorale.
Aussi, l’Etat accorde aux partis politiques au prorata de leur représentation à l’Assemblée Nationale et de leurs élus locaux une subvention annuelle. Cette subvention est fixée et encadrée à l’article 31 de la charte des partis politiques comme suit : 15% aux partis politiques ayant participé aux dernières élections présidentielles, législatives ou locales générales; 40% proportionnellement au nombre de députés élus; 35% proportionnellement au nombre de conseillers élus à tous les niveaux; 10% proportionnellement aux nombre de femmes élues en sus du quota à tous les niveaux.
La charte définie aussi les critères d’éligibilité des partis politiques à cette subvention. Elle est attribuée lorsque les conditions suivantes sont remplies : justifier de la tenue régulière des instances du parti politique ; justifier d’un siège national exclusivement réservé aux activités du parti politique ; joindre l’arrêt de la cour des comptes attestant la sincérité et la régularité des comptes du parti politique ; disposer d’un compte dans une institution bancaire ou financière au Niger et produire un relevé d’identité bancaire ; justifier la provenance des ressources financières et leur utilisation ; produire un inventaire des biens meubles et immeubles du parti politique ; avoir participé aux dernières élections générales ; produire la déclaration des biens des membres des bureaux des partis politiques et de produire un rapport annuel d’activités.
L’autre question qui se pose c’est de savoir combien de partis politiques au Niger remplissent ces critères ? Les partis politiques respecte-t-ils les conditions d’utilisation des subventions ?
Dans son rapport annuel de contrôle des comptes des partis politiques, au titre de l’année 2012, la Cours des Comptes a relevé qu’en ce qui concerne les pièces justificatives, qu’un seul parti a fait l’effort de les fournir pour toutes les opérations retracées dans ses comptes. Par contre, le rapport précise que, les autres partis n’ont pas joint des pièces justificatives permettant de vérifier l’exhaustivité, l’origine et la qualité des opérations à l’appui de leurs comptes annuels. De même, aucun parti politique n’a respecté l’utilisation de la subvention telle que prévue par les dispositions de l’article 30 de la charte des partis politiques.
Dans son rapport du contrôle des comptes des partis politiques pour l’exercice 2013, la Cour a relevé que treize (13) partis politiques seulement sur les vingt-quatre (24) bénéficiant de la subvention de l’Etat ont déposé leurs comptes conformément à la loi. Et en 2014, sur 39 partis politiques, seuls 12 ont déposé leurs comptes. Une situation qui crée des doutes sur la sincérité des provenances des ressources des partis politiques.
Pour améliorer cette situation, des initiatives ont été développées par le Gouvernement, dans le sens de mieux encadrer le financement des partis politiques au Niger.
Dans un projet de loi portant financement des partis politiques, adopté par le Gouvernement en 2013, récemment examiné et voté par l’Assemblée Nationale en 2019, les dispositions relatives au financement et à la gestion des comptes des partis politiques, notamment les ressources propres de ces derniers ont été fixées. La loi prévoit en outre des dispositions majeures ci-après : l’interdiction aux partis politiques de recevoir des dons et des frais de publicité des entreprises publiques ; la réduction de l’impression abusive des spécimens et bulletins de vote en amenant les partis politiques à introduire des requêtes conformes à leurs zones de compétition ; l’appui financier des partis politiques qui participent aux scrutins dans le cadre de la campagne électorale pour stimuler la compétition sur toute l’étendue du territoire national avec l’ensemble des partis politiques avec des moyens plus ou moins équitables ; la prise en charge des délégués des partis politiques et ceux des candidats aux élections présidentielles ; l’élargissement de la subvention annuelle de l’Etat aux partis politiques n’ayant aucun élu, mais ayant participé effectivement à au moins une des élections.
« Au stade actuel, nul ne sait d’où proviennent les ressources des campagnes électorales. Nul ne sait également combien de sommes d’argent sont dépensées par les partis politiques pendant les mêmes périodes. (…) C’est pourquoi, il est impérieux pour nos gouvernants de se pencher sur cette question pour doter la cour des comptes de moyens d’investigations conséquents afin de lui permettre d’effectuer des contrôles sur toutes les sources de financement des partis politiques. Lui permettre plus précisément de contrôler les recettes et les dépenses effectuées par ces derniers pendant les campagnes électorales. En limitant le contrôle à la subvention allouée aux partis politiques par l’Etat, l’on ne saura jamais comment sont financés ces derniers », a déclaré, en Mars 2017, un ancien Président de la 4ème Chambre de la Cour des Comptes, lors d’une de ses communications sur la thématique.
Ali Maman(onep)