Situé dans la commune rurale de Liboré dans le département de Kollo, le village de ‘’Guéri guindé’’ Zarma, plus connu sous le nom de ‘’Malam Koira ou Garin Malam’’ est une localité connue par la population de Niamey pour la qualité de sa viande rouge, principale activité économique des habitants. Il y a, en effet, plus d’une trentaine de bouchers qui occupent la grande voie menant au chef-lieu de la commune. Une activité initialement commencée par un certain Malam Salifou, un boucher venu s’installer dans ce village. Sa principale activité est la boucherie. Aujourd’hui le village porte son nom et s’est forgé une réputation dans la commercialisation de la viande rouge.
Il était 7 heures du matin d’un samedi 5 août, sous un ciel nuageux voire orageux et une brise fraîche. L’abattage à l’abattoir du village de Garin Malam dans la commune rurale de Liboré battait son plein comme d’habitude. Malgré la menace du ciel, les bouchers n’y prêtaient aucune attention, s’affairant comme toujours à traiter les animaux abattus, des petits comme des gros ruminants, comme si de rien n’était et que ni la pluie, ni le vent qui ne pouvaient les perturber. Dans ce lieu d’abattage, interdit aux âmes sensibles, où le sang coulait de partout, les bouchers petits et grands n’y trouvent rien de répugnant ou d’effrayant. Mais qu’importe, c’est leur métier ! Sur ce lieu, un autre spectacle étrange nous interpelle, l’absence des charognards, ces grands oiseaux noirs-blancs, amateurs des charognes et autres déchets de la boucherie, grand habitué des abattoirs malgré l’abondance du festin. Il y a de cela quelques années, nous dit-on, ces oiseaux voltigeaient tout autour glanant toute sorte de débris. Mais aujourd’hui, ils ont disparu. Chassés par les jeunes pour leur viande, ces oiseaux ont-ils été totalement décimés ou ont-ils changé de cap pour échapper à la disparition certaine ? Ce dont on est sûr, il n y’a plus de charognards à Malam Koira de nos jours.
Hygiène et contrôle sanitaire, les services font de leur mieux
Comme tout abattoir moderne qui se veut crédible et commercer de la viande respectueuse des normes d’hygiènes, à Garin Malam il y a toujours les agents du service de l’élevage pour s’assurer de la santé des animaux à abattre et pour s’assurer conséquemment de la qualité de la viande qui sera mise sur le marché et donc pour la consommation. Ici à l’abattoir de Garin Malam, cette tâche incombe à M. Sadou Adamou chef service communal de l’élevage de Liboré et son équipe qui font une ronde afin de veiller à ce que la viande d’animaux malades ne soit introduite pour être vendue aux clients.
« Quand on abat un animal et après le dépeçage de ce dernier, nous passons à l’action pour contrôler si la viande de l’animal, préalablement examiné, est propre à la consommation. Donc pour cela, il y a des parties de la viande que l’on vérifie. Il s’agit précisément de la rate, des intestins et du dessous de la langue. Si l’animal est sain ou malade, c’est par ces organes qu’on la détecte. Lorsque tout est en règle, nous marquons la viande de notre tampon bleu », explique m Sadou.
Toutefois, malgré la panoplie de mesures prises pour contrecarrer l’abattage clandestin des animaux, certains spécimens échappent aux mailles des filets. Selon le chef service communal de l’élevage de Liboré, l’abattage clandestin ne finira malheureusement jamais, notamment à cause du contrôle que les bouchers fuient, vociférant qu’ils sont pressés. « De fois, ils sont tellement pressés qu’ils passent par la voix frauduleuse pour introduire la viande sur le marché. Si seulement les clients qui viennent acheter de la viande nous aidaient, nous pourrions mettre fin à cette activité nuisible pour la santé des consommateurs », dénonce-t-il.
Ainsi, pour amoindrir la prolifération de cette pratique malsaine et dangereuse pour les milliers de consommateurs, des mécanismes de répression, bien que limités, sont mis en place pour dissuader les bouchers récalcitrants. En effet, explique M. Sadou Adamou, quand les services de l’Elevage prennent un boucher en possession d’une viande non certifiée, il est soit amendé, soit mis derrière les barreaux. Mais tout dépend de la gravité de l’infraction. « Quant à la viande, nous l’examinons d’abord. S’il s’avère qu’elle est saine, nous la revendons et l’argent est reversé dans la caisse du district sanitaire. Au cas où c’est dans une grande ville, la viande est offerte aux détenus », explique-t-il précisant que toute viande passée par l’abattoir est marquée d’un tampon bleu. « Ce tampon est inviolable, car nous sommes les seuls à le détenir et c’est notre principale arme pour contrecarrer l’abattage clandestin », assure M Sadou.
Dans ce village réputé pour la qualité de sa viande rouge, les grands jours où marchent les affaires sont les vendredis. « Les bouchers abattent beaucoup plus d’animaux par rapport aux autres jours de la semaine, parce que ce sont les jours par excellence pour les festivités, comme les mariages et les baptêmes. Du lundi au jeudi, c’est entre 30 et 35 animaux qui sont abattus », explique-t-il. « Sur le plan hygiénique, nous prenons des précautions, bien que comme vous sachiez, le boucher et la propreté sont deux choses opposées. La preuve, à quelques mètres de l’abattoir, vous sentez l’odeur du sang et du contenu de l’estomac. On fait le minimum, mais l’odeur ne finira jamais. Quand ils finissent de travailler, la terrasse est nettoyée. C’est une initiative que les bouchers ont mise en place entre eux », affirme l’agent de l’Elevage.
M. Sadou Adamou indique toutefois que l’abattoir fait face à certain nombre de problèmes dont ils attendent des solutions de la part de la municipalité de Liboré. Il s’agit notamment de la rénovation de la terrasse de l’abattoir qui menace de s’effondrer, de la clôture de l’installation pour pallier les vols et enfin, le traitement de la décharge de fumure issue des contenus d’intestins des animaux. M Sadou soutient que ce ne sont pas les moyens qui font défaut car, la taxe d’abattage perçue par la mairie est de l’ordre de sept cent mille francs (700.000) par mois. C’est une somme conséquente pour permettre à la municipalité de résoudre ces problèmes pour rendre l’abattoir plus moderne. « Ça serait bien si nous pouvons avoir des ONG ou autres partenaires qui nous aident à les traiter, pour réduire l’odeur nauséabonde qui dérange les habitants du secteur », a-t-il suggéré.
« Ici dans le marché de Garin Malam la viande est plus abordable par rapport à la ville. C’est pourquoi nous avons beaucoup de clients, mais notre particularité, c’est surtout la disponibilité à tout temps de la viande rouge fraiche. L’abattoir est tout à côté, on égorge l’animal en présence des clients qui choisissent la viande qu’ils veulent », explique Yahaya, un boucher quinquagénaire.
Cependant, selon Yahaya, le marché de la viande rouge rapporte de moins en moins en cette période de l’année du fait de la cherté des animaux qui viennent en majeure partie des zones d’insécurité (Torodi, Téra, Gothèye etc). Mais cette situation n’empêche en rien à Garin Malam de garder sa réputation de marché de viande à bas prix. Ainsi le prix du kilo de la viande rouge varie en fonction du marché, dit-il, on le vend à deux mille francs (2 000) et d’autres fois à deux mille cinq cents francs (2 500). Et le kilo de la chair sans os, à deux mille sept cent cinquante (2 750).
La vente du ‘’Malkou’’, un gagne-pain pour les jeunes et les femmes
Dans le village de Garin Malam les activités sont multiples. Pendant que certains s’occupent d’abattre l’animal et de le démembrer, d’autres récupèrent la tête et les pieds pour les mettre au charbon afin d’enlever les poils. En effet, à l’aide d’un petit moteur à essence et du charbon, l’opération ne dure qu’une dizaine de minutes. «Par le passé, nous utilisons du bois pour faire ce travail, mais c’était très pénible, d’où notre reconversion vers le charbon et le moteur à essence. C’est pratique et plus rapide. Dans la journée, on peut traiter et revendre 20 têtes et 80 pattes, soit 20 complets», affirme M. Saley.
Depuis bientôt six ans, ce jeune a fait de ce travail sa principale source de revenus. D’ailleurs, c’est dans cette activité que Saley s’est marié et subvient à ses besoins. Aujourd’hui, il est assisté par deux autres jeunes qu’il paye enfin de journée en fonction des recettes engrangées.
Les prix varient de la taille des têtes et des pattes. « Nous fixons les prix de 14000 à 15000 F pour la tête de taureau. Pour ceux qui veulent uniquement la peau de la tête de l’animal, nous la vendons à 4 000 ou à 5 000 francs. Moi-même, j’achète auprès des bouchers, puis je les traite avant de les revendre aux femmes. Il m’arrive de faire un bénéfice journalier de dix mille à vingt mille francs », a-t-il révélé.
La vente du “Malkou”, l’AGR de Mme Fati Idé
Les femmes ne sont pas en marge de cette activité. « J’exerce ce travail de vente de “Malkou” depuis huit (8) ans. Je quitte N’dounga pour Garin Malam chaque matin pour me ravitailler en têtes et pattes d’animaux que je prépare pour ensuite revendre. C’est mon travail. Je prends celui des petits ruminants (brebis, moutons) comme des grands ruminants (vache) y compris la viande issue de la tête », confie cette dame. Elle dit acheter le complet, c’est à dire la tête et les quatre pattes, entre 6000 et 7500 francs, puis entre 15000 et 20000 francs selon qu’il s’agit de petits ou gros ruminants. « Souvent, nous gagnons et d’autres fois, nous perdons. Je prends aussi la peau, mais ces derniers temps, elles se font rares. Nous achetons la peau à vingt-cinq mille (25.000) francs, voire trente-cinq mille (35000) francs », dixit Mme Fati Idé. Cette jeune femme vendeuse de Malkou originaire de N’dounga trouve, comme bien d’autres femmes, son compte dans ce négoce. Elle confie gagner chaque jour au moins 5 000 francs quand les affaires marchent. « Au pire des cas, je me retrouve avec un bénéfice de 2000 F et parfois je me contente juste de vendre pour maintenir mon capital initial », nuance-t-elle.
Hamissou Yahaya (ONEP)