La proportion du plastique dans les déchets solides produits dans la ville de Niamey évolue de façon exponentielle. Et cela d’année en année. D’après les données recueillies auprès du service Hygiène Assainissement de la mairie centrale, la quantité de déchets produits par une seule personne à Niamey uniquement est estimée à 0.75Kg/jour soit, près de 1000 tonnes de déchets par jour. Le décor plastifié qu’affiche la ville est d’autant plus inquiétant lorsqu’on sait que ces sachets plastiques, jetés par centaines des milliers dans la ville quotidiennement, mettent des années (environ 400 ans selon l’organisation «Save 4 Planet» avant de se dégrader dans la nature.
Certes, très pratiques, moins couteux et du fait de leur forte disponibilité, les emballages plastiques sont utilisés de manière abusive. Pour le moindre achat d’un morceau de savon, d’un biscuit et autres produits manufacturés pourtant déjà emballés, certains exigent un sachet qui, en l’espace de quelques minutes parfois, est jeté pour se retrouver dans la nature, flânant au gré du vent. Il suffit de faire un tour dans les quartiers, au niveau des marchés, sur certaines grandes artères et aux alentours des écoles pour se rendre à l’évidence. Les emballages plastiques sont la forme la plus courante de déchets que l’on retrouve dans la ville. Ils se propagent partout causant ainsi des conséquences désastreuses sur l’environnement, notre environnement immédiat, mais aussi pour les générations futures à qui nous avons le devoir de laisser un cadre de vie agréable, du fait de leur résistance et leur non biodégradabilité.
Pour mieux appréhender la question, nous sommes allés à la rencontre des services compétents, en l’occurrence le directeur du cadre de vie et de la gestion des déchets à la Direction générale de l’environnement et du développement durable. Nous avons rencontré le Colonel Coulibaly Adamou. Il assure que les sachets plastiques, une fois devenus déchets après usage, constituent une source durable de pollution. «Parce que le plastique est un produit synthétique constitué d’éléments chimiques dont l’incinération ou la combustion peut avoir de graves conséquences sur la nature», précise ce spécialiste.
Toutefois avant de s’appesantir sur ces conséquences, le Colonel Coulibaly Adamou a précisé que le sachet en tant qu’emballage ne constitue pas un danger, c’est plutôt, a-t-il dit, l’action de l’homme qui le rend dangereux. Ainsi, c’est la non prise de conscience individuelle et collective de la population en matière d’assainissement et d’amélioration du cadre de vie qui rend le sachet plastique dangereux. En effet, n’étant pas biodégradables, ils s’accumulent chaque jour davantage contribuant ainsi à leur prolifération. Il suffit d’un petit coup de vent pour qu’ils soient emportés sur des moins ou plus longues distances. Ils se retrouvent dans les rues, dans les caniveaux, accrochés aux arbres et aux alentours des murs ou tout autre support. «Cela a des conséquences désastreuses pour l’environnement, pour les ruminants et même l’homme», a fait savoir le spécialiste en gestion des déchets.
Avec une durée de vie estimée à 200 voire 400 ans, le sachet plastique peut, en plus de causer une dégradation de l’environnement et du cadre de vie des populations, rendre les terres impropres à l’agriculture et à l’élevage. Aussi, il est la cause de la pollution des eaux et peut accentuer la survenue d’inondations en cas de fortes pluies en bouchant les caniveaux, empêchant le passage des eaux, l’infiltration
Par exemple, le spécialiste en gestion des déchets a indiqué que d’un point de vue environnemental, les impacts existent d’abord sur le plan visuel puisque finalement tous les milieux sont concernés. La vue est ainsi constamment encombrée par les sachets plastiques. Ils provoquent également l’encombrement des réseaux et ouvrages empêchant ainsi la population de bénéficier d’infrastructures existantes et contribuant à accroître sa précarité. «Cela nuit à l’image du pays notamment ici à Niamey où il existe de nombreuses rues goudronnées», a regretté le directeur du cadre de vie et de la gestion de vie, avec des conséquences sur les animaux également.
‘’38% des gros ruminants et 11% des petits ruminants possédaient des sachets plastiques dans leur panse’’
Parlant des nuisances dues aux déchets plastiques sur le plan économique, le Colonel Coulibaly Adamou a affirmé qu’elles se situent essentiellement au niveau du bétail et dans une moindre mesure sur les cultures maraîchères. En effet, l’élevage, qui constitue une activité économique très importante au Niger, peut être sensiblement moins performant du fait de l’ingestion des sachets plastiques par les animaux. Cela peut non seulement provoquer la mort prématurée de l’animal mais surtout induire une croissance moindre du fait de l’obstruction de son estomac. Les plastiques que les animaux ingèrent ne se digèrent pas, ne se décomposent pas mais restent dans la panse constituant ce que l’on appelle le bézoard, responsable de certaines pathologies pouvant conduire à la mort de l’animal.
Il a fait savoir qu’une enquête spécifique au niveau des abattoirs des différents centres considérés a permis de constater que 38% des gros ruminants et 11% des petits ruminants possédaient des sachets plastiques dans leur panse, avec des pourcentages plus importants en zone urbaine.
Les déchets plastiques récupérés dans la panse de certains animaux abattus à l’abattoir de Niamey sont exposés dans un enclos de la direction du colonel Coulibaly. Selon lui, la comparaison des poids des matières plastiques montre que les bovins consomment plus de déchets plastiques que les petits ruminants. «La présence de matière plastique dans les bézoards des ruminants peut expliquer non seulement l’ampleur de l’utilisation des emballages plastiques dans nos habitudes de consommation, leur dissémination autour de nous mais aussi les mauvaises pratiques en matière de gestion des déchets», a affirmé, avec un sentiment de déception et un ton de désolation, le Colonel Coulibaly Adamou.
Outre les impacts sur l’environnement et sur le plan économique, le Colonel Coulibaly Adamou a ajouté que la prolifération du sachet plastique peut également avoir des conséquences sanitaires en engendrant un encombrement du réseau d’évacuation des eaux pluviales. «A cause de l’obstruction engendrée par la présence de déchets sachets plastiques dans les caniveaux des bords de rue, les eaux usées ainsi que les eaux de pluies ne peuvent pas s’écouler correctement. Cela peut ainsi provoquer des débordements particulièrement désagréables avec la prolifération des vecteurs de maladies (mouches, moustiques…), en plus l’obstruction des caniveaux et voies publiques provoquant éventuellement des inondations ; le dégagement des mauvaises odeurs ; la menace sur la santé humaine et animale», a expliqué le spécialiste en gestion de déchets.
Une véritable menace sur la santé humaine
De ces explications, on note également comme conséquence sanitaire, la contamination lors de l’incinération à l’air libre des déchets plastiques. «La combustion des sachets plastiques couramment pratiquée au niveau des décharges mais également dans les concessions pour allumer les foyers peut générer des émanations des substances nuisibles à la santé pour les personnes qui les respirent de façon rapprochée et répétée. Cela provoque l’irritation des yeux et des voies respiratoires sur le champ, voire des troubles du système nerveux si l’exposition a été importante», a prévenu le directeur du cadre de vie et de la gestion des déchets. En outre, «cette combustion peut également provoquer des maladies cardiovasculaires, respiratoires, des cancers et du fait de la bioaccumulation, c’est toute la chaine alimentaire qui se retrouve touchée et au final l’être humain par voie directe ou indirecte», précise le Colonel Coulibaly Adamou.
Il faut noter aussi que lorsque les ordures traînent pendant longtemps dans un endroit, cela entraîne d’autres réactions chimiques telles que la fermentation anaérobique dans laquelle les plastiques jouent un rôle déterminant, qui produit le méthane, un gaz à effet de serre. Ces pollutions, a confié le directeur du cadre de vie et de la gestion des déchets, ont une durée de vie qui peut s’étendre sur 20 ans et menacent sérieusement la santé publique.
La présence de sachets dans la terre des cultures est une situation qui empêche la bonne infiltration de l’eau jusqu’aux racines des plantes. Toutefois, il faut aussi considérer que ces mêmes sachets peuvent également retenir l’eau à proximité des racines et alors rendre l’irrigation plus efficace, ce qui amène à relativiser cet impact.
Si la prolifération des sachets plastiques dans la ville de Niamey est une réalité préoccupante, l’absence de mesures efficaces ou la non-application desdites mesures constitue également une source de préoccupation. Et pour cause, depuis bientôt dix ans, le Niger s’est doté d’une loi sur le plastique. On se rappelle en effet qu’en 2014, la loi N°2014-63 portant interdiction de la production, de l’importation et de la commercialisation, de l’utilisation et stockage des sachets et des emballages en plastique souple à basse densité a été adoptée le 5 Novembre 2014. L’objectif étant bien sûr de contrer la prolifération des sachets plastiques au Niger. Malheureusement, neuf (9) ans après l’adoption de cette loi, l’importation et la commercialisation du sachet plastique connaissent plus que jamais un véritable essor, prennent une proportion jamais égalée.
Une situation qui cause un sérieux problème de gestion des déchets ménagers et plus particulièrement des sachets plastiques dans les villes et même dans les zones rurales du pays. Les déchets plastiques pullulent partout, n’ont jamais eu droit de cité comme ces derniers temps où plus aucun contrôle ne semble être exercé sur l’importation, la commercialisation, l’utilisation du plastique. Pendant ce temps, les hommes et les animaux continuent à payer le prix d’une certaine incurie environnementale de la part des autorités chargées d’appliquer, ne serait-ce que partiellement, les dispositions de la loi N°2014-63 du 5 novembre 2014. Cette loi stipule clairement et sans ambages en son article 1er qu’«il est interdit de produire, de commercialiser, d’utiliser et de stocker, sur toute l’étendue du territoire de la République du Niger, les sachets et emballages en plastiques souples à basse densité». A l’épreuve des faits qui sont «têtus», cette loi semble n’avoir jamais existé. Alors question ; y’a-t-il au Niger «un cartel du plastique» tapi à l’ombre pour empêcher l’application d’une loi pourtant régulièrement adoptée par la représentation nationale?
Rahila Tagou (ONEP)