Une population majoritairement féminine à une échelle excédant les 50%. Les femmes sont celles qui façonnent le plus l’avenir car, de par leur rôle, elles s’occupent de l’éducation des enfants, donc les grands de demain. Elles sont au centre du développement du pays, mais malheureusement elles peinent à émerger et à accéder à des hautes fonctions. L’ONG Femmes Actions et Développement (FAD) a organisé le 16 juillet dernier un face à face entre les trois générations de femmes. Une rencontre qui a regroupé une soixantaine de femmes de tous bords confondus pour échanger sur les défis, partager leurs expériences et trouver ensemble des solutions à la restauration de la solidarité féminine au Niger.
Cet évènement entre femmes a mobilisé plusieurs femmes leaders dont les femmes ministres, les femmes de la société civile, les femmes des institutions de l’Etat, les femmes entrepreneures, les femmes communicatrices. Trois panels ont été organisés notamment les leçons apprises du leadership des femmes dans les années 90, défis, perspectives et opportunités à la solidarité féminine au Niger et la remédiation au conflit intra et intergénérationnelle.
Présente à la rencontre, Mme Allahoury Aminata Zourkaleini a expliqué que la solidarité féminine n’est pas un vain mot au Niger ; ‘’nos héroïnes des années 90 ont le devoir d’accompagner les luttes de leurs filles des années 2000, nos sœurs en religion ont le devoir d’enseigner aux autres que « solidarité et religion » sont un même ensemble. ’’ Vous les femmes, vous devez tout simplement savoir qu’aucun défi de femmes ne se relèvera sans la participation inclusive du plus grand de la population dont vous êtes’’, a-t-elle dit à ses sœurs avant d’encourager l’ONG FAD pour cette initiative qui cadre avec les priorités des plus hautes autorités du Niger.
Mme Laoula Aissata, présidente du Comité d’organisation, femme politique, pense que ‘’les femmes sont les plus nombreuses mais aussi et hélas dont la voix porte le moins. Et pourtant, elles peinent à émerger et à occuper la place au sommet qui est la nôtre. L’une des raisons pouvant expliquer cette situation est l’une des plus sérieuses et à son humble avis l’incapacité à créer un véritable élan de solidarité entre les femmes. Jamais au grand jamais, une communauté ne s’est émancipée dans la division et sans la solidarité’’. Il faut que chacune puisse prendre une décision de façon volontaire, sans pression, en connaissance de cause, et en assumant les conséquences éventuelles. Les hommes ont bien le droit d’être pluriels sans que leurs volontés ne soient constamment essentialisées et/ou minimisées. Selon elle, une solidarité entre femmes implique tout simplement des femmes informées, mais surtout des femmes qui peuvent choisir, dans une société qui ne les discrimine pas strate après strate. Et puis, sur d’autres sujets, les femmes sont solidaires, sauf que ce n’est jamais dit clairement. Elles sont solidaires dans les tontines, les mariages, les baptêmes et les décès. Elles se confient entre elles, se gardent des secrets, elles s’entraident lors des évènements familiaux. Mais comme beaucoup d’initiatives féminines, cette solidarité qui existe bel et bien est invisibilisée. ‘’On en oublie nous-mêmes à quel point tous les jours nous sommes capables de nous tendre la main, de nous tendre l’oreille, pourquoi pas nous aider. On invisibilise la solidarité qui existe pourtant pour ne se focaliser que sur les mauvaises expériences. Et pourtant ! On imagine bien quel dessein une telle assertion sert. On se résigne face aux injustices…Ne nous laissons plus manipuler. Nous sommes solidaires entre nous. Faisons-nous juste confiance! Nous sommes femmes, nous sommes toutes uniques, et chacune, à titre individuel, peut avoir ses aspirations propres’’.
Mme Daou Amina Ganda de la Direction de la Promotion de la Scolarisation de la jeune fille au Ministère de l’Education Nationale affirme : ‘’Oui, il faut plus de solidarité entre les femmes et les filles dès le bas âge au niveau de la famille, de l’école. Mais pour se faire, il faudrait encore que les femmes aient conscience des conséquences de leurs choix sur leur autodétermination, leur condition de vie. Et quand bien même, elles auraient conscience de ces conséquences, il faudrait qu’elles puissent faire des choix librement. Leur start-up est celle qui obtient les plus faibles financements, etc. Que ce soit dans les grandes institutions comme dans les petites entreprises, les postes à responsabilités restent majoritairement confiés à des hommes, et les femmes peinent toujours à faire entendre leurs voix face à leurs homologues masculins. Pour elle, l’union fait la force. L’entraide entre les femmes doit s’exercer, que ce soit dans leur vie personnelle ou dans le monde du travail. Mais, comme le rappellent régulièrement les différentes associations, le but est avant tout de rassembler les femmes. Et ce, quelles que soient les origines et les croyances, la sexualité ou encore la profession des concernées.
Des solutions envisageables
Cette solidarité entre femmes est nécessaire pour solutionner des problèmes de précarité pouvant se manifester dans des projets et ou des initiatives entrepreneuriales. Des micros crédits, des tontines ont été mis en place comme c’est fut le cas de Mata Massu Dubara de Care International pour rendre l’entreprenariat féminin à la portée de tous. Ces projets menés par des femmes entrepreneurs témoignent de l’existence de la solidarité féminine, explique Mme Reki Djermakoye, PDG Mata et Matassa Investing SA, présidente du Mouvement Nigérien pour la Démocratie.
Mme Mariama Moumouni, juriste, activiste, spécialiste en Droits Humains au Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme a elle parlé plus d’opportunités que de défis car pour elle, il y’ a autant de femmes que d’idées ; le nombre doit être une opportunité et non pas un problème. Le fait qu’il y ait plus de femmes que d’hommes au Niger est une opportunité. Elle a mentionné au cours de son intervention la diversité des expériences. « Depuis quelques années, on a des femmes nigériennes qui occupent des postes de responsabilité, des grandes entrepreneures. Il va falloir que ces expériences de ces femmes puissent servir aux autres. Et parmi les opportunités, elle a noté celles des réseaux sociaux, (les blogs, les possibilités de communication à distance) est une opportunité pour que les femmes de Diffa, Dosso, Agadez et de Niamey puissent organiser des réunions, des discussions et même partager des opportunités. Et aussi, on constate de plus en plus d’hommes champions sensibles aux droits des femmes, genre sensible, engagés aux droits des femmes, et pour ce faire, on doit faire appel aux hommes dans la promotion de cette solidarité », indique Mme Mariama Moumouni.
Selon elle, beaucoup d’ONG nationales et internationales, beaucoup d’institutions multilatérales et bilatérales et même institutions de la République sont engagées sur les questions des droits des femmes, sur les questions de solidarité ; c’est une opportunité ne serait-ce que par les ressources accessibles à travers ces institutions pour renforcer la solidarité au niveau local au Niger. La République s’est engagée à travers la constitution et d’autres textes comme les stratégies genre à promouvoir le genre et le droit des femmes ; ce sont des opportunités que les femmes peuvent saisir pour renforcer leurs interactions et leur solidarité.
En termes de perspectives, Mme Mariama a soutenu la création des cadres de réflexion stratégiques selon les thématiques et les sujets à solidarité à traiter entre les femmes ; sinon, on restera toujours à courir derrière les besoins. Elle a mis l’accent sur le renforcement des jeunes, notamment l’engagement des garçons, parce que dans quelques années, ils seront les chefs de ménage et chefs de familles, le pouvoir est concentré entre les mains des hommes au sein des ménages ; plus on renforce l’engagement et la prise de conscience des chefs de ménage de demain relativement aux droits des femmes, plus on a la chance de renforcer aussi la solidarité indirectement entre les femmes, parce que si les hommes peuvent autoriser ou encourager leur femmes à aller dans ces cadres d‘échanges ou elle-même de prendre l’initiative d’aller vers d’autres femmes, ça serait bénéfique à la solidarité entre les femmes. Elle a invité ses sœurs à promouvoir les réseaux notamment la facilitation de communication entre les filles et les femmes de diverses régions, de diverses religions, de divers partis politiques, de diverses expériences professionnelles, de diverses institutions, de diverses formations, et ça serait le point de départ de la construction d’une solidarité durable, plus forte et plus bénéfique.
A titre personnel, Mariama explique : « nous avons aussi coaché plusieurs jeunes filles à avoir confiance en elles-mêmes, en leurs capacités et compétences à devenir des actrices du développement et de changement de leurs communautés et de la société, en somme leur développement personnel. Nous avons participé activement à plusieurs initiatives nationales de plaidoyer dans le cadre de l’adoption de lois beaucoup plus protectrices de la jeune fille et de la femme dont celle relative au quota. En termes de perspectives, nous soutenons la révision du code civil qui, une fois devenue effective, résoudrait la question de la définition de l’enfant, l’âge légal au mariage, etc.…
Par Aïssa Abdoulaye Alfary(onep)