Selon les statistiques sanitaires publiées en 2017, un peu plus de 17 000 cas de césarienne ont été enregistrés au Niger en 2016 dans les différentes maternités du Niger, soit un taux de 1,90%. Cela est nettement en deçà des taux de 15% pour les pays développés, selon l’OMS. En effet, il faut rappeler que depuis 1985, la communauté internationale de la santé considère que le taux de césarienne idéal se situe entre 10 % et 15 %. C’est ainsi que l’OMS a recommandé aux pays que le taux d’accouchements par césarienne soit compris entre 10 et 15 %, estimant qu’au-dessous de 10 %, les besoins ne sont pas totalement couverts. Toute chose qui peut entraîner une surmortalité maternelle et périnatale.
Comme on le constate, le taux d’accouchement par césarienne reste encore moins élevé comparé à d’autres pays. La césarienne est une intervention chirurgicale visant à extraire un enfant de l’utérus maternel par incision de la paroi abdominale et utérine. Le recours à cette pratique n’est cependant pas systématique car, même si de nos jours, grâce à la science et au progrès techniques, la pratique est devenue plus facile, la césarienne n’est pas sans risque. Généralement, il y a trois types de césarienne, celles qui sont réalisées en urgence, celles qui sont décidées pendant l’accouchement du fait d’une complication ou d’une situation quelconque et celles qui sont programmées d’avance pour une raison ou autre. Pour bon nombre de femmes, le recours à la césarienne est lié à des raisons diverses.
Généralement c’est après le diagnostic d’une pathologie pouvant mettre en danger la vie de la mère et où celle de l’enfant à naitre que la décision de procéder à la césarienne est prise par le corps médical. Mais dans une moindre mesure pour certaines femmes, la césarienne est un moyen d’éviter la douleur du travail pendant l’accouchement et parfois lorsque ce dernier est jugé impossible par la voie naturelle. Les maladies qui peuvent inciter les professionnels à pratiquer la césarienne sont entre autres les troubles d’hypertension artérielle, le diabète et le problème de l’hydrocéphalie chez l’enfant.
« La première césarienne ne veut pas forcément dire qu’il faudra toujours procéder à une autre césarienne. Cela dépend de l’indication de l’état de la grossesse », rassure Pr Idi Nafiou médecin gynécologue, obstétricien et enseignant chercheur à la Faculté des sciences de la santé de l’université Abdou Moumouni de Niamey. « C’est une intervention de nécessité pour le bien-être de la mère et de l’enfant. On doit forcément faire recours à la césarienne surtout dans les conditions auxquelles l’accouchement sera impossible par voie basse et s’il s’avère qu’il peut y avoir des dommages pour la mère et son enfant. C’est en ce moment qu’on pratique la césarienne pour sauver soit le fœtus et ou la mère ou bien les deux, si possible. Mais il y a des situations, qui sont d’ailleurs rares, où c’est la femme qui ne veut pas subir les douleurs du travail de l’accouchement, elle peut aussi bénéficier d’une césarienne », a-t-il précisé.
Toutefois, Pr Idi Nafiou a indiqué que pour faire la césarienne, il faut un service obstétrical qualifié, des personnels bien formés pour ça. « Au Niger, on ne pratique pas beaucoup de césariennes comparé aux normes internationales de l’OMS sur le nombre de césariennes. Dans beaucoup de pays développés, c’est au minimum 15% des accouchements. Mais au Niger, nous avons un taux de moins de 5%. Ce qui est insuffisant », a-t-il relevé.
Selon ce gynécologue obstétricien, seul un médecin juge que la meilleure manière pour le bénéfice de la mère et de l’enfant est de procéder à une intervention chirurgicale. Il explique qu’il y a plusieurs signes qui peuvent survenir pendant une grossesse, soit à la fin ou à mi-chemin. Ça peut être des indications formelles pour éviter un danger imminent. Il y a des interventions de sauvegarde de la vie de la mère. Il y a aussi une indication sur la survie de l’enfant qu’elle porte. On peut dire à la mère que l’accouchement va se terminer à telle période, l’enfant est suffisamment mature pour être autonome à la vie extra-utérine.
La césarienne de l’antiquité à nos jours
L’histoire de la césarienne remonte à l’antiquité notamment dans l’empire romain du temps du règne du roi Numa Pompilius (-715-673) avant Jesus Christ. C’est ce roi, en effet, qui autorisa ces médecins d’ouvrir le ventre d’une femme enceinte qui meurt subitement pour extraire le fœtus dans l’espoir de le sauver, s’il est encore en vie. La légende raconte que c’est cette opération de césarienne qui aurait permis la survie de Scipion l’Africain, Général de l’armée et grand homme d’état romain. Il s’agissait d’une césarienne post-mortem. Plus tard, elle a fait l’objet de beaucoup de débats théologiques car, à l’époque il se posait la question de savoir s’il fallait ouvrir le ventre d’une femme enceinte décédée et enlever le fœtus (mort ou vif) du ventre pour pouvoir le baptiser afin de lui permettre de rejoindre « les armées de Dieu », dit-on. Autrement, s’il n’est pas baptisé, il allait rejoindre les armée du Satan selon les croyances.
C’est avec la Renaissance que le premier traité médical sur la césarienne est né dans lequel on trouve la première description de la technique de la césarienne sur femme vivante. Et la première opération connue et réussie d’une césarienne réalisée sur femme vivante et ayant survécu datait de l’an 1500 avec le Dr Jacob Nufer, un suisse qui a été autorisé à opérer sa femme en travail depuis plusieurs jours et dont l’accouchement par voie basse était jugé impossible pour en extirper l’enfant. Mme Jacob Nufer, première femme du temps moderne césarisée vivante et son enfant avaient survécu, selon plusieurs sources. Depuis lors l’évolution de la césarienne avec de réelles chances de survie a suivi l’évolution des progrès en matière d’innovations techniques, d’anesthésie et d’asepsie.
De nos jours, la césarienne est une technique maîtrisée grâce à laquelle la morbidité et mortalité maternelles sont réduites au minimum, mais pas totalement éradiquées. De nombreuses expériences, études ont été conduites par des éminents médecins, chirurgiens comme Rousset, Jacques Guillemeau, Silvestrini, Kehrer et Saenger, Docteur Storer (le premier à réaliser une césarienne sur femme vivante suivie d’une hystérectomie) et bien d’autres spécialistes. Aujourd’hui, la césarienne est devenue un acte médical plus ou moins sûr pratiqué largement à travers le monde.
Un acte médical aux raisons multiples
Dans un article sur la césarienne paru en avril 2023 dans le journal Le Parisien, la journaliste Lena Exbrayat écrivait «…la mise au monde d’un enfant de manière naturelle peut être particulièrement dangereuse et c’est pour cela que l’accouchement s’est médicalisé au fil du temps. La césarienne a ainsi été ‘’conçue’’ comme une alternative permettant de surmonter les complications obstétricales les plus graves mettant en jeu la vie de la mère et de l’enfant. Néanmoins, il s’agit d’une intervention chirurgicale, forcément plus risquée et bien plus coûteuse qu’un accouchement naturel».
D’après Pr Idi Nafiou, il y a beaucoup de raisons qui font qu’on fasse recours à la césarienne. Elles sont notamment liées à la mère, à l’enfant, et ou aux deux. Il y a des pathologies qui surviennent uniquement pendant la grossesse. Cela peut être dû au diabète, à l’hypertension artérielle en passant par d’autres pathologies au niveau de l’utérus. « Imaginez-vous un fœtus qui a le crâne rempli d’eau qui s’appelle hydrocéphalie, on ne peut pas permettre cela. Et donc on interrompt la grossesse avant d’arriver à la fin du trimestre, cela lui permettrait non seulement de se débarrasser de ce fœtus qui ne sera pas viable et qui sera un handicap à vie », a-t-il dit, ajoutant qu’il peut y avoir des multiples grossesses, c’est-à-dire un fœtus qui est souffrant ou qui se développe mal, qui est trop gros et qui présente beaucoup d’aléas qui empêchent à la femme de faire un travail d’accouchement.
S’agissant des conséquences après la césarienne, Pr Idi Nafiou assure que si la césarienne est faite dans les conditions normales, il n’y a, en principe, pas d’autres difficultés à envisager ni de danger particulier, même si quelques rares cas d’infections surviennent.
Des conseils pratiques pour éviter le recours à la césarienne
Les médecins gynécologues préconisent toujours aux femmes de faire le suivi prénatal régulier dès qu’elles constatent un retard des règles qui pourrait signifier un début de grossesse. « Il faut que les femmes viennent au niveau des centres de santé pour se faire consulter ; pour qu’elles arrivent à avoir les premiers soins de santé afin d’avoir une consultation qualifiée pour le diagnostic. Déjà au niveau de la grossesse, il faut qu’on sache si tout se déroule normalement. Il peut se trouver d’ailleurs ce qu’on appelle couramment grossesse extra-utérine qui met immanquablement en danger la vie maternelle. Aussi ; il va falloir avant la fin du troisième mois sans constater ses règles que la femme consulte afin qu’on sache si elle est enceinte ou pas car, il y a des retards de règle qui ne sont guère synonymes des grossesses. Il y a des symptômes qui ne sont manifestement pas des signes de grossesse », a-t-il souligné.
Selon le Pr Idi Nafiou, un bon suivi prénatal est nécessaire pour éviter une césarienne. « Aujourd’hui, il est bon de connaitre l’évolution d’une grossesse du début jusqu’à l’accouchement pour éviter tout problème. Il est important de savoir est-ce que cette femme est bien portante, est-ce qu’elle a une infection quelconque ou une pathologie avant cette grossesse, qu’on fasse ainsi un bilan pour savoir le bien-être de ce terrain ou va évoluer la grossesse », a-t-il affirmé.
Le médecin gynécologue obstétricien nous fait savoir que la malformation du fœtus ne peut pas nécessairement dire qu’il faut faire une césarienne. « Surtout avec les moyens modernes comme l’échographie qu’on détermine si le fœtus porte une imperfection qui lui permet de vivre décemment ou pas ».
Témoignages
Mme Aichatou, une mère de 5 garçons multi césarisée qui affirme que tous ses 5 enfants sont venus au monde par ce procédé qu’est la césarienne. De cette triste histoire, elle raconte que lors de sa première grossesse venue à terme, elle a glissé et est tombée dans les toilettes. « Depuis lors j’ai des difficultés pendant le travail et je n’arrivais pas à accoucher par voie basse. Pas une fois, pas deux fois, mais cinq fois qu’on m’a opérée. Le médecin qui me suit m’a suggéré d’arrêter la maternité pour préserver ma santé. C’est ainsi que lors de la dernière intervention qu’ils ont profité pour me faire une hystérectomie, opération consistant à l’ablation de l’utérus », confie-t-elle.
Une vieille dame ayant préféré garder l’anonymat a accompagné sa belle-fille pour subir une césarienne à la maternité centrale de Niamey suite à une complication et après avoir été référée. Sa belle-fille était aussi enceinte des jumelles et semble ne pas pouvoir délivrer par voie basse. La vieille dame raconte que c’est la première fois que sa belle-fille a subi une intervention après trois (3) accouchements normaux. Elle a fait des crises de tensions appelées communément ‘’borin gichiri’’. C’est donc pour la sauver que la jeune femme a référée à cette maternité. Malheureusement, elle a perdu l’une des filles jumelles qu’elle portait au cours de l’intervention.
Une autre vieille dame du nom de Fatchima rencontrée également à la maternité Issaka Gazobi justifie sa présence dans cette maternité. « J’ai accompagné ma petite fille qui était enceinte de 5 mois. Elle vient de subir une intervention », a-t-elle dit. Parlant des raisons de la césarienne sa petite fille, la veille dame se souvient qu’un jour sa petite fille s’est réveillée avec des terribles maux de tête. « C’est là qu’elle s’est rendue dans une clinique de la place pour se faire consulter et le docteur lui annonce que sa tension s’était élevée au point où elle a fait une rupture de grossesse. Elle doit immédiatement se rendre à la maternité centrale afin de lui faire une césarienne et lui enlever le fœtus et lui sauver ainsi la vie.».
Yacine Hassane et Salima Hamadou (ONEP)