L’amélioration du niveau de vie de la population et la garantie du bien-être social sont des objectifs ultimes des pouvoirs publics. Quelles que soient les politiques suivies, ces objectifs ne peuvent être atteints sans une croissance économique soutenue et durable. La croissance économique est synonyme de production de biens et services, de créations d’emplois et de richesses. Elle assure, lorsque, bien exploitée, la prospérité économique, sociale et humaine.
La croissance est synonyme de création de richesse. Elle s’est établie à 11,1% en 2022 au Niger selon le FMI
Le taux de croissance économique est la variation de la valeur ajouteée (ou Produit Intereieur Brut – PIB) créée par l’ensemble des activités productives (en résumé agriculture, élevage, industries, services et autres activités associées) résidentes sur le territoire au cours d’une année donnée, relativement à l’année écoulée.
On peut également exprimer cette croissance par tête d’habitant en se référant à la variation annuelle du PIB par habitant (qui est le rapport entre le PIB global et le nombre d’habitants d’un pays).
En matière de données sur la croissance économique et les autres agrégats macro-économiques, le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque mondiale sont les sources les plus crédibles au niveau international Au niveau national, le PIB, tout comme les autres agrégats des comptes nationaux, sont calculés par l’Institut National de la Statistique (INS).
Selon les “Perspectives de l’économie mondiale” publiées par le FMI en Avril 2023, la croissance économique au Niger s’est établie à 11,1% en 2022, mais connaitrait une chute en 2023 (6,1%) tout en restant tout de même soutenue, avant de rebondir à 13,0% en 2024. Cette croissance enregistrée en 2022 a été soutenue par un dynamisme du secteur agricole avec une croissance de 27%, ainsi qu’une très forte augmentation des investissements (+33%), essentiellement publics (source: Macro Poverty Outlook World Bank, April 2023).
Globalement, la croissance économique est assimilable par définition a une création de richesse au sein de l’économie.
Pris individuellement, le taux de croissance exprime également l’augmentation de revenu pour chaque habitant. Elle est de 7,0% en 2022 au Niger selon toujours le FMI et s’établirait à 2,3% et 8,9% respectivement en 2023 et 2024. C’est dire que chaque nigérien s’enricherait, en moyenne, suivant ces proportions pour les années correspondantes.
L’effet de la croissance sur la réduction de la pauvreté dans un pays dépend de l’effet redistributif de cette croissance:
Cependant il convient de souligner que les bénéfices de la croissance ne sont pas répartis équitablement pour tous les habitants; cela dépend en effet de la participation de chacun d’entre eux aux activités productives; c’est en cela que l’on parle de croissance inclusive. Cette notion d’inclusivité a une quadruple dimension: sociale, économique, spatiale et politique; c’est dire que l’on peut etre exclu des bénéfices de la croissance par l’un des quatre canaux sus-cités.
La relation entre la croissance économique et la pauvreté est un sujet d’intérêt crucial. Cette vaste question, faisant l’objet de controverses et de débats intenses, est fondamentale dans un cadre où la croissance constitue souvent un objectif en soi pour les pays. Il est donc crucial de savoir si, effectivement, la croissance dans les pays en développement aide à réduire la pauvreté et les inégalités, ou si au contraire elle l’amplifie.
La grande majorité des économistes s’accorde à dire que la croissance contribue véritablement à réduire la pauvreté, en effet les pays les plus développés économiquement sont aussi ceux ayant un faible taux de pauvreté. N. Kakwani (2003) propose une mesure de croissance favorable aux pauvres qui prend en compte à la fois l’ampleur de la croissance et la manière dont les bénéfices de la croissance sont distribués aux pauvres et aux non-pauvres.
À l’évidence, des obstacles entravent la possibilité pour la croissance africaine de réduire la pauvreté. Selon toujours la Banque mondiale, l’élasticité de la pauvreté par rapport à la croissance en Afrique subsaharienne au cours des décennies 1990-2000 s’élève à -0,7 ; autrement dit, on estime qu’une croissance du PIB de 1% permet de réduire la pauvreté de 0,7% (Banque mondiale, 2013). Toutefois, pour le reste du monde (à l’exception de la Chine), cette élasticité est sensiblement plus élevée, de l’ordre de -2. Comme on pouvait s’y attendre, les inégalités sont un important facteur médiateur de la relation entre croissance et pauvreté. Il a en effet été prouvé que, lorsque les inégalités initiales sont plus élevées, elles limitent les effets de la croissance en matière de réduction de la pauvreté (Ravallion, 1994 ; Fosu, 2009). A l’évidence, les pays qui ont le moins d’inégalités de revenus (exprimeé par l’indice de Gini), comme ceux de l’Afrique de l’Ouest en général, sont caractérisés par une relation positive entre la croissance économique et la réduction de la pauvreté et des inégalités. Selon la Banque mondiale, l’Indice de Gini varie en Afrique entre 0,31 en Egypte et 0,65 en Afrique du Sud. Au Niger il est estimé à 0,37 (source: Macro Poverty Outlook World Bank, April 2023).
De plus, comme nous l’avons souligné précédemment, il n’y a pas que la croissance qui compte, mais aussi ses sources. Il a été démontré que la croissance des secteurs à forte intensité de main-d’œuvre, par exemple l’agriculture ou l’industrie manufacturière, a généralement une plus forte incidence sur la réduction de la pauvreté que la croissance des secteurs à forte intensité de capital, tels que l’extraction minière (Ravallion et Datt, 1996 ; Khan, 1999 ; Ravallion et Chen, 2007 ; Loayza et Raddatz, 2010). La trajectoire de croissance de nombreuses économies africaines dominées par les industries extractives serait donc un facteur déterminant des faibles niveaux d’élasticité de la pauvreté par rapport à la croissance observés dans la région.
Au Niger, le taux de croissance économique de 11,1 % enregistré en 2022 s’est traduit par une diminution du l’incidence de la pauvreté, exprimée en terme de pourcentage des personnes vivant en dessous du seuil international de 2,15 dollars US par jour, de 53,3% en 2021 à 46,9% en 2022 (source: Macro Poverty Outlook World Bank, April 2023).
La croissance économique génère également des revenus pour l’Etat et créé un cercle vertueux
Le PIB représente l’offre globale de biens et services dont dispose le pays pendant l’année : en termes comptables, ce sont les ressources du pays. Ces ressources sont employées pour la consommation, les investissements et la variation des stocks. Elles sont complétées, d’une part, par les importations et, d’autre part, par les exportations.
Cela qui signifie qu’un taux de croissance élevé favorise les investissements et la consommation publics et privés, aussi bien pour les individus, les ménages et les entreprises. Ainsi, cela soutient globalement le dynamisme des actvités économiques dans le pays et permet d’élargir la base d’imposition fiscale pour l’Etat aussi bien pour les impôts que pour la fiscalité de porte (taxes douanières). Ce qui créé évidemment les conditions favorables à la réalisation des dépenses publiques et d’entretenir ainsi un cercle vertueux lié à la croissance économique.
La compréhension des mécanismes de la croissance économique facilite la formulation des politiques publiques qui complètent les insuffisances de la croissance
Sur le long terme, la vitesse de croissance revêt une importance capitale, une petite différence dans le rythme de croissance peut conduire à des écarts considérables.
Pour toutes ces raisons, la compréhension de la croissance, de ses mécanismes, de ses déterminants et de ses sources a toujours été un souci majeur des décideurs et des concepteurs des politiques économiques. Il est clair que la croissance économique n’est pas une panacée pour les problèmes d’un pays, mais elle facilite la formulation et la mise en oeuvre des politiques publiques qui complètent les insuffisances de la croissance.
Il ya bien d’études qui renseignent sur le profil de la croissance économique au Niger de l’indépendance à nos jours; pour l’essentiel elle a été très cyclique au gré des résultats des campagnes agro pastorales, avec les conséquences déstastreuses que l’on connait en matière d’insécurité alimentaire. Il y a cependant lieu d’analyser les déterminants de la croissance dans ses principales composantes que sont, essentiellement: (i) le capital physique, (ii) le capital humain, (iii) les politiques de stabilisation, (iv) les institutions et politiques structurelles, ainsi que (v) les innovations et technologies de l’information. Par la suite, une estimation économétrique, à travers une approche comptable et une quantification de l’effet des facteurs, fournira davatange d’élements en termes de prospective de la croissance économique au Niger à long terme.
Dr. Souleman Boukar
Economiste
Email: souleman@boukar.com