
Paris, le 12 avril 2024 – Plus de 200 membres de l’association Diaspora des pays de l’AES ont défilé samedi dans les rues de Paris pour soutenir les revendications de réparations financières liées aux crimes coloniaux français. Brandissant des pancartes exigeant « Justice pour l’Afrique », les manifestants ont appelé le gouvernement français à honorer ses engagements envers les anciennes colonies. « C’est une question de reconnaissance historique », a déclaré un militant présent sur place, rappelant que « le passé colonial pèse encore sur les relations entre la France et l’Afrique ».
Un fonds secret dans le budget 2025 ?
Selon des informations relayées par plusieurs médias, la France préparerait discrètement un fonds spécial dans son budget 2025 pour amorcer les versements aux anciennes colonies dès 2026. Un article intitulé « Réparations coloniales : la France crée un fonds secret » révèle que le Sénégal et le Niger figureraient parmi les premiers bénéficiaires. Ces pays, marqués par des décennies d’exploitation, réclament une compensation pour les souffrances endurées sous la domination française.
Pour financer ces réparations, Paris aurait déjà mis en place plusieurs mécanismes : une taxe temporaire sur les grandes entreprises, une hausse des droits sur les billets d’avion, et une réduction ciblée des budgets sociaux. Selon les estimations officielles, ces mesures permettraient de mobiliser entre 3 et 4 milliards d’euros d’ici 2026, une somme qualifiée de « premier pas symbolique » par des analystes.
Réparations coloniales : L’Afrique exige justice pour l’exploitation et les pillages historiques
Des pays africains, dirigés par le Ghana, le Nigeria et la Namibie, réclament aux anciennes puissances coloniales des réparations financières, la restitution d’œuvres d’art pillées (comme les Bronzes du Bénin) et des excuses pour les séquelles de l’esclavage et du colonialisme. Soutenu par l’Union africaine et le CARICOM (avec un plan en 10 points incluant annulation de dettes et investissements sociaux), ce mouvement dénonce des inégalités structurelles nées de l’exploitation passée.
Les réponses européennes, comme les 1,1 milliard d’euros de l’Allemagne à la Namibie ou le fonds belge de 20 millions pour le Congo, sont perçues comme trop modestes. Les critiques soulèvent la complexité de chiffrer les réparations, tandis que des militants défendent des mesures comme des transferts technologiques. La Kényane Wanjiku Nyoike exige que le colonialisme soit reconnu comme un « crime contre l’humanité ». L’Union africaine prévoit de mobiliser l’ONU pour pousser la communauté internationale à affronter cet héritage et redéfinir la justice.
Le Sénégal et le poids de Thiaroye
Le Sénégal occupe une place centrale dans ce dossier. La mémoire du massacre de Thiaroye en 1944, où des tirailleurs sénégalais furent exécutés par l’armée française pour avoir réclamé leurs droits, reste une plaie ouverte. « Cet événement incarne l’injustice coloniale », souligne un historien dakarois. Actuellement, des négociations serrées se dérouleraient entre Paris et Dakar pour chiffrer les réparations. Un accord pourrait non seulement apaiser des décennies de tensions, mais aussi redéfinir les relations économiques et diplomatiques entre les deux pays.
Niger et São Tomé : d’autres voix s’élèvent
Au Niger, dirigé par un régime militaire depuis juillet 2023, les autorités réclament à la France des compensations pour l’exploitation de ses ressources (uranium, pétrole) durant la colonisation. Une équipe d’experts étudierait les archives coloniales pour établir un montant précis, avec l’objectif d’obtenir des premiers versements d’ici 2027.
Plus surprenant, São Tomé-et-Principe a annoncé son intention de solliciter des réparations auprès du Portugal, s’appuyant sur la récente reconnaissance par le président portugais des crimes de la traite transatlantique. D’anciennes colonies lusophones, comme l’Angola et la Guinée-Bissau, pourraient emboîter le pas. « La dépossession territoriale et culturelle doit être réparée », a insisté un porte-parole du gouvernement santoméen.
Un débat qui dépasse l’argent
Si les réparations financières dominent les discussions, activistes et intellectuels rappellent que l’enjeu est aussi symbolique et mémoriel. « Il ne s’agit pas seulement de milliards, mais de la reconnaissance d’une histoire violente », explique une chercheuse spécialiste des questions postcoloniales.
La France, de son côté, évite soigneusement le terme de « réparations », préférant parler de « coopération renforcée » ou de « fonds de solidarité ». Une prudence qui témoigne des sensibilités politiques, tant en métropole que dans les anciennes colonies.
Alors que l’Afrique exige de plus en plus fortement un règlement des comptes du passé, la question des réparations coloniales s’impose comme un test crucial pour les relations Nord-Sud. Entre calculs économiques, justice historique et diplomatie, le chemin vers la réconciliation s’annonce long et semé d’embûches.
Par Amadou Hassan,
Journaliste Indépendant, 90036535