
Assis à côté de ses fruits, un vendeur de pastèque attend les clients
Chaque année, pendant les mois de mars et avril, un phénomène aussi ancien que populaire se déroule dans la ville de Zinder, capitale du Damagaram : c’est la saison de pastèques. Ce fruit, dont la fraîcheur et la teneur en eau sont particulièrement appréciées en période de chaleur, devient un produit clé pour les habitants lors de la rupture du jeûne. Cependant, la commercialisation des pastèques à Zinder ne se limite pas à un simple acte d’achat et de consommation. Elle est le reflet de dynamiques sociales, économiques et culturelles profondes qui participent à la structuration de la vie quotidienne de cette ville pendant ces mois.
Au cœur de la chaleur accablante du mois de mars et début avril, une scène récurrente attire les regards des habitants de la ville Zinder. C’est la présence remarquée des marchands de pastèques installés aux coins des rues et dans les marchés locaux. En cette période, la pastèque est vendu à moindre coût et disponible partout dans la région. Symbole de rafraîchissement et de convivialité, ce fruit est devenue une denrée incontournable, tant pour les jeunes que pour les adultes.
Il est fréquent de rencontrer les revendeurs de pastèques dans les quartiers périphériques trainant leurs chariots garnis. D’autres s’installent sur les grandes voies où ils passent toute la journée devant leurs petites tables ou des étals. Ces pastèques proviennent principalement des zones agricoles voisines telles que Bandé ou Guidimouni et se retrouvent en abondance sur les étals des marchands. Les prix varient selon la taille et la qualité du fruit. Avec sa teneur élevée en eau, la pastèque devient alors l’allié idéal pour lutter contre la chaleur intense qui sévit dans cette zone.
Dans les marchés, les pastèques sont soigneusement triées et présentées en fonction de leurs formes. Elles sont rondes, juteuses et d’une couleur rouge à l’intérieur, séduisant ainsi les passants. « C’est une tradition de consommer de la pastèque pendant le Ramadan », explique Mariama, une commerçante installée au marché central de Damagaram. « Les gens l’achètent en grande quantité pour la rupture du jeûne car, c’est un fruit à la fois nourrissant et rafraîchissant », confie-t-elle.
La culture de la pastèque est pratiquée de manière intensive dans la commune rurale de Bandé, comme le souligne Husseini Maman, connu sous le nom de Elhadji Ossi. « Les pastèques que l’on consomme dans les différentes régions du Niger, d’Agadez à Niamey, proviennent en grande partie de Bandé », précise-t-il. Il indique également l’importance stratégique de cette zone pour l’approvisionnement en pastèques, non seulement au niveau national, mais aussi à l’international, notamment vers le Nigeria.
Selon M. Hussein Maman, cette culture se distingue par sa praticité, étant réalisée pendant la saison des pluies. Ce qui permet de contourner les périodes de sécheresse et de maximiser les rendements. « En 2025, les producteurs de la région ont observé une récolte satisfaisante, bien que par le passé, certaines zones comme Guezawa, dans la commune rurale d’Olelewa, aient connu des récoltes moins fructueuses. La diversité des semences utilisées, telles que la variété Mai Ido réputée pour sa rentabilité, permet d’assurer une production de qualité. Chaque producteur choisit ses semences en fonction de ses besoins et des conditions climatiques locales », a-t-il expliqué.
Nécessité de soutenir les producteurs et améliorer le circuit de commercialisation
Outre la vente de la pastèque entière, une autre pratique courante consiste à couper les fruits en morceaux pour faciliter la consommation et pour en vendre rapidement. Cette offre simplifiée est particulièrement appréciée des familles nombreuses qui préfèrent des options pratiques pour une consommation immédiate.

Selon Malam Youssif, un grossiste local, le prix des pastèques varie d’une année à l’autre en fonction des récoltes et des conditions climatiques. Cette année, en raison des difficultés agricoles rencontrées dans certaines régions du pays, les prix ont légèrement augmenté par rapport aux années précédentes. Malgré cela, la demande reste élevée et le fruit continue d’être un aliment essentiel sur la table des Nigériens pendant le Ramadan.
Le commerce de la pastèque à Zinder, notamment au marché Dolé, fait face à plusieurs difficultés. Selon Malam Youssif, un grossiste local, « le vol répété de marchandises par certains revendeurs est l’un des problèmes majeurs auxquels nous faisons face ici ». De plus, poursuit-il, l’espace commercial reste insuffisant pour exposer correctement les produits, ce qui réduit la visibilité des marchands et complique la vente.
Les marchands de Damagaram, qu’ils soient installés dans les marchés ou sur les bords des routes, savent que leur commerce est une opportunité importante en cette période. Cependant, ils doivent également faire face aux défis logistiques tels que le transport des fruits dans la chaleur extrême et la gestion des stocks. « La chaleur fait mûrir les pastèques rapidement, et il est crucial de les vendre avant qu’elles ne se gâtent », souligne Oumar, un vendeur expérimenté.
Quant à Elhadji Yawalé, un autre commerçant, il évoque la nécessité d’assurer une meilleure sécurité pour protéger les biens des commerçants et d’améliorer l’hygiène dans les espaces de vente. En période de Ramadan, la demande de pastèques est plus élevée, mais les difficultés liées à la sécurisation et à l’assainissement demeurent un frein au développement de cette activité.
Malgré ces défis, la vente de pastèques continue de prospérer grâce à une demande soutenue tout au long de l’année. Cependant, comme l’indique Salissou Moustapha, un autre revendeur, «la vente peut être plus lente à certaines périodes, notamment quand les prix sont jugés trop élevés par les clients». Le prix de la pastèque varie en fonction de la taille, allant de 200 à 750 FCFA, mais la fluctuation des prix reste un facteur important influençant les ventes.
Face à ces défis, Ousseini Maman appelle à un soutien de la part des autorités locales et nationales pour améliorer les conditions de production et de commercialisation de la pastèque. Il insiste sur l’importance de fournir aux producteurs les ressources nécessaires, notamment des semences de qualité, des équipements agricoles adaptés et des produits phytosanitaires pour protéger les cultures. Une meilleure gestion de la chaîne de distribution et de vente permettrait aussi de maximiser les bénéfices pour les producteurs et les commerçants.
Plus qu’un simple aliment, la pastèque est un symbole de partage et de convivialité. Les familles de Damagaram se retrouvent souvent autour d’une table sur laquelle la pastèque est l’un des fruits favoris. « C’est un moment de rassemblement familial. Après une longue journée, une tranche de pastèque bien fraîche apporte un grand soulagement », confie Amina, une habitante de la ville.
La vente de pastèques à Damagaram pendant le mois de mars et surtout en avril (période de forte chaleur à Zinder) va bien au-delà d’une simple activité commerciale. Elle s’intègre dans une tradition culturelle, offrant à la fois une source de rafraîchissement et un moyen de renforcer les liens sociaux au sein de la communauté. Ainsi, la pastèque continue de séduire chaque année davantage les habitants de Damagaram.
Rabiou Dogo, ONEP Zinder