La saison des pluies tire à sa fin et les producteurs récoltent en ce moment les fruits de leur dur labeur en spéculations diverses notamment les céréales (mil, sorgho, maïs, riz) et autres cultures de rente (niébé, arachide, sésame, souchet, etc.).
Cependant, comme on le sait aussi, la saison des récoltes rime avec les festivités de mariages et autres événements forains traditionnels qui nécessitent des dépenses, souvent énormes. Les producteurs font face à des besoins pressants de liquidité. Certains pour le mariage de leurs filles ou fils, d’autres pour ‘’s’offrir’’ une 2ème, une 3è voire une quatrième épouse. Du reste à l’approche des récoltes, les jeunes hommes ont déjà fait leurs repérages. Il ne reste plus qu’à concrétiser. Les conversations tournent autour des villages où il y’a le plus de jeunes femmes divorcées communément appelé ‘’Zawarawa’’ en Hausa ou ‘’Waykourou’’ en Zarma et les moqueries et autres invectives adressées aux hommes monogames.
C’est aussi le moment propice pour les marchands céréaliers (‘’Yan Katcharé’’) qui règnent en maîtres sur les marchés. Ces riches hommes d’affaires d’ici ou de pays voisins déversent une masse importante d’argent pour acheter la presque totalité de la production aux travers des collecteurs locaux. Ces commerçants ont l’habitude de jouer avec les nerfs des producteurs pressés d’écouler leurs productions pour satisfaire leurs besoins. En effet, ces céréaliers attendent souvent les soirées pour dévoiler les prix d’achat des céréales par mesure locale (Tiyya) ou par sac. Et en ces moments-là les producteurs, las d’attendre des acquéreurs, n’ont pas leurs mots à dire, ils n’ont d’ailleurs d’autre choix que de céder ou plutôt de brader leurs récoltes, pourvu qu’ils rentrent au bercail avec des modiques sommes.
D’où l’impérieuse nécessité et l’urgence pour l’Etat d’accélérer le processus d’achat des céréales auprès des producteurs à des prix valorisants. Cette opération annoncée doit commencer le plus vite possible pour faire bénéficier à nos producteurs le juste fruit de leur labeur. A défaut de cela, ce sont les céréaliers qui vont tout rafler et venir revendre à l’Etat.
Et, on sait que cette année, la bataille sera féroce sur le marché des produits agricoles au regard de l’inflation et de la précarité ambiante qui règnent chez notre grand voisin du sud, le Nigeria particulièrement dans sa zone nord.
Pour rappel, la dernière opération concrète d’achat direct auprès des producteurs remonte à 2009 où le feu Président Tandja Mamadou avait décidé d’acheter le niébé auprès des producteurs à un prix avantageux largement au-dessus de celui proposé par les commerçants.
Du reste au-delà de ces opérations ponctuelles, il est nécessaire que nous songions à une meilleure organisation de certaines filières porteuses à la fois pour les producteurs que pour l’Etat comme les filières oignon, niébé, souchet, sésame. Nous étions stupéfaits lorsqu’en 2015, lors d’un reportage dans la région de Maradi, un commerçant nous confia que le souchet de Tchadoua est acheté par les commerçants du Nigeria qui le reconditionnent et le réexportent vers le Cameroun et dans d’autres pays d’Afrique et même d’Europe à des prix hautement rémunérateurs. Il est temps pour le Niger de structurer la commercialisation de ces filières porteuses à l’image de ce que font certains pays pour le cacao, le café, l’hévéa ou la cannelle, etc. C’est ainsi seulement que l’on fera en sorte que les producteurs sortent de la précarité chronique qui les tenaille pour qu’on puisse tendre vers la réalisation de la souveraineté alimentaire, tant prônée.
Siradji Sanda (ONEP)