L’absence d’eau potable et d’assainissement est l’une des illustrations les plus accablantes de la pauvreté qui mobilise la communauté internationale depuis plusieurs décennies. Au Niger par exemple, plusieurs actions ont été menées pour garantir l’accès à l’eau potable aux différentes populations. Cependant, l’accès à cette substance vitale n’est pas garantie à toute la population urbaine et péri-urbaine comme c’est le cas sur l’île de Néni, un petit village de 400 habitants situé à proximité de Niamey, dans la commune 5. Cette île ne dispose d’aucune infrastructure de distribution d’eau potable ou de traitement des eaux.
Ici, dans le village de Néni Goungou, les habitants vivent dans le désarroi par manque d’eau potable. Ces derniers font face à des difficultés et des conditions précaires à cause de ce probléme. Quand il n’y a pas d’eau potable, il faut aller la chercher et elle n’est pas forcément de bonne qualité. En effet, les habitants de cette île privilégient, le point d’eau le plus proche de leur foyer qui n’est autre que le fleuve. Les femmes et les enfants qui s’en chargent s’y rendent chaque jour au premier chant du coq pour chercher de l’eau.
Haoua Boureima, 40 ans et mére de 8 enfants, est venu faire la lessive et la vaiselle au fleuve. « Nous avons un sérieux probléme d’eau dans ce village. C’est ici que nous prenons notre eau de consommation, nous vivons de cette eau», a-t-elle confié tout en se préoccupant de la qualité de cette eau. «Vous la voyez, elle est rougeâtre et sale. Pourtant c’est bien ce que nous buvons, nous n’avons pas de robinet, nous n’avons pas de forage. Nous sommes obligés de consommer cette eau. Nous ne mettons rien dedans pour la rendre consommable, nous sommes des villageois avec quoi pouvons nous bien rendre cette eau potable ? Nous implorons l’Etat de nous venir en aide. Nous avons trop de problémes , hey pour ne rien vous cacher même une maternité nous n’en avons pas », ajoute cette mère de famille.
Dans un ton dramatique suscitant la pitié et la compassion, la brave dame raconte que assez souvent c’est dans les pirogues que les femmes mettent leurs bébés au monde. Parce qu’il faut aller de l’autre côté du fleuve, à Lamordé, et avant d’arriver à destination, beaucoup de femmes accouchent en plein milieu du fleuve. « Nous mettons au monde nos bébés dans des conditions désohonorantes et pitoyables », regette-t-elle.
Le probléme d’eau qui affecte ce village, ne touche pas que les femmes, les enfants aussi ne sont pas épargnés. A quelques mètres de Haoua, Mounira Marou, une fillette de 11ans est venue chercher de l’eau pour sa mére. Jeune écolière, la fillette avec sa moue d’enfant nous confie sur un ton timide qu’elle vient chaque jour chercher de l’eau au fleuve afin d’alléger les tâches ménagères à sa mére. Mounira n’était pas la seule enfant se trouvant au bord de ce fleuve. Il y a également d’autres enfants parmi eux des moins de 3 ans, tous venus aux abords de ce fleuve avec soit leur sœur ou leur mère avec tous les risques et cela par manque d’infrastructures de distribution d’eau potable.
Outre Haoua et la jeune Mounira, Fati Amadou, la soixantaine révolue, les traits tirés, et le corps frêle a aussi témoigné du calvaire et des souffrances que les habitants endurent sur cette île. Elle explique avec amertume le mal que les femmes de cette île se donnent pour avoir de l’eau. « Chaque jour, on se reveille au premier chant du coq pour aller chercher de l’eau au fleuve », dit-elle. C’est le premier tour, a-t-elle précisé, parce que ce n’est qu’à cette heure qu’il est possible d’avoir une eau salubre, qu’on peut boire. Cette heure passée poursuit la vieille dame, nous retournons une deuxiéme fois pour prendre de l’eau qui ne servira que pour la lessive. Et je vous jure, a-t-elle dit, à ce moment là, on trouve beaucoup de déchets, des excrements humains dans le fleuve. « N’ayant pas le choix, nous faisons avec », lâche-t-elle.
En allant chercher de l’eau les femmes s’exposent à beaucoup de danger. D’après la sexagénaire, beaucoup de femmes glissent et finissent par se blesser dans cette quête. « Même ce matin, plusieurs femmes sont tombées avec leurs recipients ; nous n’avons pas le choix », dit-elle.
Il existe des puits et quelques forages dans le village a notifié Fati Amadou mais a-t-elle laché en faisant une moue de dégoût, « l’eau du puit ou du forage est imbuvable, elle contient beaucoup de sel. Même pour faire les ablutions cette eau n’est pas bonne et si on cuisine avec, personne ne pourra manger la nourriture même les animaux n’en veulent pas ». « Nous implorons le gouvernement de nous venir en aide, c’est de l’eau potable que nous voulons. Cela fait plusieurs années que nous vivons cette situation , nous en souffrons énormement », a-t-elle dit la voix tremblotante.
Manque de station de filtrage de l’eau du fleuve pour les habitants
D’après le Chef du village de Néni Goungou, M. Marou Issoufou, il ya quelques années de cela, l’ONG Qatar Charity a fait don d’une station de filtrage d’eau au village mais du jour au lendemain elle est tombée en panne et ‘’personne n’est venu la réparer’’, a confié ce chef coutumier. « Je suis allé plusieurs fois solliciter l’aide de l’Etat mais personne n’a daigné nous venir en aide. Cela fait plusieurs années que l’Etat ne s’intéresse plus à notre village », a-t-il déclaré la mort dans l’âme avant de relever un paradoxe saisissant. « Regardez ! la station de pompage d’eau de la SEEN n’est pas loin de nous mais malgré cela, nous n’avons pas d’eau potable, nous buvons de l’eau sale, de l’eau non potable pleine de microbes », déplore-t-il.
Un village sous menace d’inondation
Comme pour se libérer d’un lourd fardeau, il continue : « Non seulement nous manquons d’eau potable mais nous sommes menacés par le fleuve. Ils ont construit une digue à harobanda et je vous ai dit que nous sommes sur une île. Ils ont construit la digue sur la rive droite et n’ont rien fait sur la rive gauche. Mon village est du côté de la rive gauche, à chaque fois nous sommes menacé par les innondations. Ils ne nous ont pas construit de digue mais à chaque fois que le niveau de l’eau monte, on nous demande de déménager, d’abandonner nos maisons. Ils ne sont jamais venus nous sauver, ils n’ont jamais envoyé des sapeurs pompiers pour nous secourir, tout ce qu’ils font c’est de nous demander d’abandonner notre village », M. Marou Issoufou.
Pour appuyer les dires du Chef, Boubacar Sounna plus connu sous le nom ‘’Doungouri‘’, nous fait savoir que nous sommes venu à un moment très propice où l’eau revient dans son lit. «Nous sommes des agriculteurs et des éléveurs. Nous avons ici beaucoup de problèmes. Nous sommes dans ce village parce que c’est chez nous et nous n’avons nulle part où aller. Je sais que si nous vous offrons notre eau , vous n’allez pas la boire. Vous avez vu l’eau du fleuve, elle est boueuse, rougeatre. Pourtant nous la consommons parce qu’on y est contraint. Parfois même’’’ le lalam’’ que nous utilisons pour casser la couleur rougeatre, ne rends pas l’eau clair parce que les microbes restent encore dans l’eau », explique-t-il. « Quand la mini-pompe était fonctionnelle, tout le monde était heureux, on vivait vraiment bien. Mais maintenant sans rien vous cacher, nous avons un sérieux problème d’eau. Dès que vous êtes venus ici, vous avez compris que vous êtes dans un village et pourtant cela ne devrait pas être le cas vu notre situation géographique. Nous vivons vraiment dans des conditions pitoyables. Si vous venez la nuit chez nous vous aurez du mal à vous déplacer parce qu’il n’y a pas d’éléctricité non plus », ajoute ce paysan.
Les habitants de Néni Goungou vivent dans l’obscurité
Outre l’absence d’eau potable, les habitants de Néni Goungou vivent dans l’obscurité totale. Aucune installation de la Nigelec ne témoigne de la présence d’éléctricité dans ce village. Même chez le Chef, l’alimentation en éléctricité est assurée par un petit paneau solaire. Côté santé, le village ne dispose pas de maternité comme l’a souligné la dame Haoua. Les femmes sont obligées d’aller de l’autre côté du fleuve pour mettre leurs enfants au monde. Sur le plan de l’éducation, cette île dispose d’une seule école primaire.
« Nous demandons juste aux autorités d’effectuer une visite dans notre village, nous n’aurions pas besoin de parler. Une fois dans ce village, ils comprendront et auront connaissance des conditions miteuses dans lesquelles nous vivons », a déclaré le Chef du village. « Voyez par vous-même dit-il en indexant une partie de sa concession, l’eau n’est pas complétement revenue dans son lit, mais regardez jusqu’où elle est dans nos concession ». Ces endroits innondés sont normalement destinés à l’agriculture, mais hélas a-t-il déploré.
L’absence d’eau potable est à l’origine des maladies dites hydriques , la deuxième cause de mortalité infantile dans le monde. Plus vulnérables, les enfants sont les premières victimes des maladies liées à l’eau, à l’hygiène et à l’assainissement. Ces maladies diarrhéiques et ces gastroentérites aigues transmises par des virus, des protozoaires et des bactéries provoquent la mort par déshydration surtout chez les enfants âgés entre 1 et 5 ans. Tous les instruments juridiques nationaux et internationaux garantissent à chaque citoyens le droit à la vie, à la santé, à l’intégrité physique et morale, à une alimentation saine et suffisante, à l’eau potable, à l’éducation et à l’instruction dans les conditions définies par la loi. Et pourtant, les habitants de l’île de Néni Goungou n’ont encore accès une eau potable malgré leur grande promixité avec la capitale. Ainsi, pour pouvoir rendre l’eau consommable mais pas potable, ils utilisent ce qu’on appelle ‘’ Lalam’’ et parfois aussi un peu d’eau de javel. On se rappelle également que la Banque mondiale a approuvé en septembre 2021 un financement dans le cadre du projet de plateforme intégrée pour la sécurité hydrique pour aider le Niger à mieux tirer parti des rares ressources en eau et à renforcer ainsi, la sécurité alimentaire et les moyens de susbsistance de ses habitants.
Les habitants de Néni Goungou vivent depuis plusieurs années dans des conditions qui laissent à désirer surtout pour un village situé à proximité de Niamey, la capitale. Des solutions idoines s’imposent pour pallier ces insuffisances pour une meilleure résilience de cette population. L’eau et l’assainissement jouent un rôle important dans la lutte contre la pauvreté et cela Koffi Annan, Sécrétaire général de l’ONU de 1997 à 2006 l’avait bien cerné dans cette citation : ‘’Nous ne vaincrons ni le SIDA, ni la tuberculose, ni le paludisme, ni aucune autre maladie infectieuse qui frappe les pays en developpement, avant d’avoir gagné le combat de l’eau potable, de l’assainissement et des soins de santé de base’’.
Rahila Tagou (ONEP)