Le repas a été copieux dans la famille de Halilou Abdoulkadir habitant du quartier Toudoun Alkali. Pourtant vers minuit son fils ainé Fairouz, agé de 15 ans, se mit à crier à tue tête. Il se tordait des douleurs au bas ventre et vomissait. Au CSI Gonda Garki, la prise en charge n’a pas été possible. Il est référé à l’Hôpital régional, Service Pédiatrie. Comme d’habitude le service de nuit de ce grand centre de référence, est très lent. Le père dans la file d’attente suppliait qu’on vienne examiner son fils. Allongé à terre, Fairouz continua à se tordre, à réclamer de l’eau car son corps était déshydraté par des diarrhées et des vomissements interminables. Après plus de 4 heures d’attente le personnel de garde débordé n’a pas pu examiner l’enfant. Fairouz rendit l’âme vers 6 heures du matin faute de soins d’urgence. Quelques heures après son enterrement le drame reprit dans la famille. Cette fois ci c’est Abdourrahim, 2 ans, qui est atteint des mêmes symptômes que son ainé.
Il faut aussi l’ évacuer ! Mais où ? Furieux contre le destin, Halilou Abdoulkadir, ne veut pas vivre le même traumatisme dans une longue file d’attente où il a assisté impuissant à la mort de son fils. Il prit le pari d’amener l’enfant au Centre de soins privé de « Guidan Leda ». Par chance, des soins d’urgence ont été administrés très vite au petit patient et son état se stabilisa. Mais la série noire continua à Toundoun Alkali où un 3ème fils, Faouzen, 5 ans, est foudroyé par les mêmes symptômes. Bref, la famille de Halilou Abdoulkadir a failli être décimée par la dernière épidémie de choléra de juin 2018 dont la Région de Maradi a payé le plus lourd tribut avec 3442 cas dont 62 décès sur un total national de 3822 cas dont 78 décès. Un an après ce drame qui a quand même touché 7 Régions du pays sur 8, l’UNICEF qui assure le leadership en matière d’intervention WASH est dans le branlebas de combat pour éviter la répétition de l’épidémie de choléra dans les communautés nigériennes. Aussi l’organisme des Nations Unies chargée de la protection de la femme et de l’enfant estime que l’expérience et les acquis de la lutte contre l’épidémie de 2018, qui a été promptement enrayée, doivent être capitalisés dans une sorte d’opération coup de poing et bouclier contre le choléra au Niger. Pour donner corps à cette initiative l’UNICEF a réuni, en atelier à Maradi, les acteurs de cette lutte qu’ils soient étatiques (représentants des services de la Santé, de l’Hydraulique et de l’Assainissement et de l’Education nationale), communautaires (relais et élus communautaires), ONGs et PTF (partenaires techniques et financiers) pour plancher autour du bilan des interventions WASH (Eau, Hygiène et Assainissement) sur financements ECHO et CERF respectivement dans les districts sanitaires de Maradi, Tessaoua et Madarounfa. Ainsi les appuis apportés par l’UNICEF pendant les 5 mois d’épidémie qu’a connue le Niger ont permis de mettre fin au fléau grâce à la désinfection rapide des domiciles des malades et de leurs voisins immédiats ; la distribution d’intrants pour le traitement de l’eau à domicile et du savon pour le lavage des mains ; la désinfection des points d’eau et le traitement d’eau dans les récipients des bénéficiaires ; la désinfection des réseaux d’eau ; la promotion de l’hygiène (lavage des mains aux moments critiques, hygiène des denrées alimentaires, hygiène de l’eau et des installations sanitaires) ; l’appui aux écoles et centres de santé intégrés en dispositifs de lavage des mains, savon, kits d’hygiène et kits d’assainissement et la mise en œuvre de l’approche dite Assainissement Total Piloté par la Communauté (ATPC).
Plus concrètement la mise en œuvre du projet de novembre 2018 à janvier 2019 avec le
partenariat de l’ONG internationale CISP sur financement ECHO dans les districts sanitaires de Maradi et Tessaoua a permis d’aboutir aux résultats suivants : l’arrêt de la propagation de l’épidémie dans les ménages déjà touchés à travers l’accès à l’eau potable et aux moyens de lavages des mains. Plus spécifiquement 2903 ménages dans la commune de Maradi et le département de Tessaoua ont bénéficié de distribution de produits de traitement et de savons pour le lavage des mains pendant 3 mois ; 110 écoles de la zone du projet ont bénéficié de don d’installations de lavage des mains, savons et de produits de désinfection de l’eau de boisson ; 13 centres de santé intégrés et 10 cases de santé ont bénéficié de don de dispositifs de lavage des mains, de savon et de produits de désinfection de l’eau de boisson ; le suivi de la qualité de l’eau a couvert 2078 ménages dans 70 villages ou quartiers des aires de santé de Maradi et Tessaoua ; la contribution au changement de comportement des populations des zones touchées et celles à haut risque à travers la sensibilisation et la promotion de bonnes pratiques d’hygiène. Côté Education scolaire, 200 enseignants ont été formés aux techniques de sensibilisation et équipés de pagi-volte pour la promotion de l’hygiène dans les écoles ; 30.800 élèves ont été sensibilisés/informés sur les voies de transmission et les moyens de prévention du choléra ; 131 relais communautaires et 11 animateurs ont été formés et déployés pour la sensibilisation et la promotion de l’hygiène dans les zones touchées par l’épidémie et celle à haut risque. Quant au financement CERF, mis en œuvre avec le partenariat du consortium ONGs (ADESA-DEDI) dans le district sanitaire de Madarounfa, le plus touché par l’epidémie de choléra dans la region de Maradi il a permis les résultats suivants:
Contribution à l’amélioration de l’accès à l’eau potable et à l’hygiène pour les ménages affectés et voisins immédiats soit 2720 ménages à risque de choléra dans le district sanitaire de Madarounfa; distribution d’intrants de traitement de l’eau; la désinfection de points d’eau dans les villages touchés par l’épidémie de choléra ; la désinfection et rehaussement du niveau de chlore résiduel libre dans 4 réseaux d’eau potable. Les résultats ont également permis le renforcement de capacités des structures sanitaires par la formation de 20 agents de santé dans 5 CSI (Inyelwa, Harounawa, Madeini, Dama et Garin kaoura) dans l’appui à la prise en charge et la détection de cas de choléra ; 15 brigades (3 personnes par brigades soit 1 pour la préparation des solutions, 1 pour la désinfection et 1 pour la sensibilisation) ont été formés pour les interventions d’urgence dans les centres de santé ; 5 Centres de santé intégrés ont bénéficié de don de chlore (HTH) et de kits d’hygiène pour la désinfection et l’hygiène hospitalière. Côté renforcement de capacités dans la lutte et prévention du choléra, 80 écoles ont reçu des dispositifs de lavage de mains (03 DLM) et du savon (9 cartons de 30 morceaux de savon) et de kits de salubrité (pelle, houe, râteau, balaie et brouette) ; 27.672 élèves ont été touchés par les séances de sensibilisations et de promotion de bonnes pratiques d’hygiène ; 130 enseignants d’écoles primaires ont bénéficié de formation en technique de communication et sensibilisation et équipés de pagi-volte. Côté Information, éducation et communication en faveur des populations il y a lieu de noter que 120 diffusions des messages relatifs aux voies de transmission du choléra et moyens de prévention à travers 4 radios communautaires ont été faites; projections du film sur le choléra dans 20 villages touchés par l’épidemie. Au total 74. 381 personnes ont été sensibilisées dont 27. 672 élèves sur la bonne pratique d’hygiène. Sur quelques echantillons d’écoles, CSI et des victimes guerries du choléra que nous avons visités dans le villagé de Kataré et dans les quartiers de Bagalam et. Yandaka de la Communauté urbaine de Maradi les témoignages sont unanimes sur l’efficacité du programme WASH, son impact et son appropriation dans les communautés. Dans les écoles de Kataré les élèves et les enseignants ont adopté et font de la méthode de lavage des mains et autres pratiques d’hygiène des reflexes naturels. Maradi est une zone de vallées où sont produites à longueur de saisons des légumes et fruits abondamment consommés par les populations locales d’un marché rural ou d’une ville à l’autre. Cela a eu un impact certain sur la propagation de l’épidemie. Dans le village de Kataré par exemple le jeune couple Mahaman Sani et Nadia Maman ont frolé la mort une nuit après avoir consommé de la courge que le mari vendeur de prêt-à-porter a ramenée du marché de Maradi. Ils n’ont eu leur salut cette nuit que par une prompte évacuation et une prise en charge rapide. Aujourd’hui le mari et sa femme sont imbattables sur les moindres pratiques d’hygiène avant de consommer toute eau ou aliment. La campagne de sensibilisation et de salubrité dans les communautés continuent à travers le dynamisme des relais communautaires formés dans le cadre des réponses WASH à l’épidémie de choléra. Ils sont également dans le porte à porte pour former et porter assistance aux populations sur la désinfection de l’eau de boisson par la distribution du très précieux aquatab. Une dose de ce produit permet de désinfecter en 30 minutes l’équivalent d’un bidon d’eau de 20 à 25 litres.
Le Directeur régional de l’Hydraulique et de l’Environnement de Maradi, Mahaman Chaibo, a lui salué et apprécié l’appui de l’Unicef dans le partenariat avec les services étatiques dans les réponses apportées à l’épidémie «nous avions privilégié la stratégie de la prévention à travers nos interventions et le traitement sur les ouvrages hydrauliques étant entendu que l’eau est un puissant vecteur dans la chaîne de contamination du choléra. Bref, le combat, pour ne donner aucune chance à la résurgence du choléra dans les zones endémiques de la région de Maradi, mobilise tous les acteurs communautaires en ce début d’hivernage.
Par Mahaman Bako, Envoyé spécial(onep)
07/06/19